La Cité Hors du Temps

Un texte signé Patryck Ficini

- 2014 - Devindilis Gilles (d'après Henri Vernes)
Titres alternatifs : Les Nouvelles Aventures de Bob Morane 04

Avec DUPLICATION, Gilles Devindilis a renouvelé BOB MORANE dans la continuité. C’est-à-dire qu’en commençant ce qu’il est convenu d’appeler les Nouvelles Aventures, Devindilis réussit le pari d’être très fidèle à l’univers d’Henri Vernes (style et personnages) tout en y a apportant quelques éléments assez révolutionnaires.
Ainsi, dans DUPLICATION, l’Ombre Jaune (alias Monsieur Ming), le pire ennemi de Bob Morane et l’un des meilleurs méchants de la littérature populaire, crée des doubles du héros ultime et de ses compagnons d’armes pour les exiler dans les années 1950 d’un univers parallèle, presque similaire au nôtre (par exemple, la seconde guerre mondiale a eu lieu aussi), ce afin, selon toute vraisemblance, d’y posséder aussi un adversaire à sa mesure. Dans le même temps, le Morane du XXIème siècle subsiste. L’idée de Monsieur Ming ? Le faire collaborer avec lui aujourd’hui dans notre univers, une proposition qu’il a déjà maintes fois faite par le passé.
La situation en est là au début de LA CITE HORS DU TEMPS. Morane, Bill Ballantine et Sophia Paramount sont prisonniers d’une nouvelle Cité de l’Ombre Jaune (référence à une aventure des années 60), une sorte de capitale de la terreur qui existe… sans exister dans ce temps et dans cet espace. Avec ce concept, et l’importance donnée à la Patrouille du Temps toujours en lutte avec l’ennemi de l’humanité, Devindilis relie son propre cycle à celui dit « du Temps », qui vit les aventures de Morane se déplacer dans l’espace-temps dans une science-fiction aussi populaire que palpitante.
Des différents repreneurs de BOB MORANE, Gilles Devindilis, tant par ses choix narratifs radicaux que par son talent littéraire infiniment respectueux (on croirait souvent lire du Henri Vernes, ce qui pour nous est un vrai compliment), est l’un des plus attachants.
Reboot si l’on veut, sans en être vraiment un non plus (à la différence de la BD BOB MORANE RENAISSANCE), la nouvelle série de Gilles Devindilis (post-DUPLICATION) est l’application d’un concept un peu fou qui permet au lecteur de lire des aventures dans les années 50, évocatrices au fond des débuts du Commandant Morane puisqu’il fut inventé en 1953 dans LA VALLEE INFERNALE. Des aventures plutôt réussies à trois reprises et pour l’instant.
Ceci engendre forcément la poursuite des aventures du Morane actuel, si bien développé il y a quelques années par le brillant Christophe Corthouts. LA CITE HORS DU TEMPS se déroule bien en 2014, année où fut écrit le roman, et se pose en suite directe de DUPLICATION.
Depuis quelques années, les repreneurs de MORANE, ou les disciples de Henri Vernes si l’on préfère, inscrivent le héros dans une littérature très adulte (dans l’atmosphère, dans le comportement des personnages, dans les thématiques mêmes), pour retrouver le meilleur des BOB MORANE écrits par l’immense Henri Vernes, qui ne s’est que rarement adressé aux seuls adolescents.
BOB MORANE n’appartient plus à la littérature jeunesse, la série est aujourd’hui pensée pour les adultes, souvent quinquagénaires, qui la lisent encore. L’évolution de ce qui reste comme l’une des plus grandes sagas d’aventures s’avère passionnante.
Bien sûr, on peut reprocher, malgré la classe de son écriture, le rythme plutôt lent de LA CITE HORS DU TEMPS. Peut-être que 250 pages, c’est un peu trop pour un BOB MORANE, même s’il y eut des assez longs épisodes par le passé. DUPLICATION faisait 130 pages de moins et filait comme une fusée (ou comme un film américain) avec une nervosité absolument emballante.
Cette réserve entraîne une observation : l’impression de réalisme engendrée par cette longue évasion de Morane de la Cité Hors du Temps. On y croit, malgré la dinguerie du concept.
Et puis, l’action en parallèle de Clairembart et Reeves, deux autres amis de Morane, pour délivrer ce dernier, intéresse aussi. Si bien que, malgré la carence en action pure, on ne s’ennuie jamais dans ce nouvel opus, avec toutes ces créatures démoniaques créées ou recrutées par L’Ombre Jaune comme autant de menaces potentielles. Une Ombre Jaune extrêmement présente, pour la plus grande joie des fans, qui assure le service en faisant visiter sa capitale à ses adversaires, tel le grand méchant d’un film de James Bond. Fu Manchu, Docteur No, Monsieur Ming, même combat ? Pas tout à fait quand même mais l’idée est là.
A la fin de LA CITE HORS DU TEMPS, on n’a qu’une envie, lire un autre Morane, lire un autre Devindilis, en espérant un peu plus de nerf une fois la complexité (qui peut surprendre chez Bob Morane) de son univers exposée.
C’est plutôt bon signe, non ?


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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