La collection Racconti di Dracula

Un texte signé Patryck Ficini

Afin de compléter les articles que nous avons dédiés à la collection Hantik Books de Sin’Art, nous vous proposons la préface rédigée par Patryck Ficini qui accompagne le roman Le Retour des Damnés et dans laquelle il aborde la collection Racconti di Dracula (équivalent de la série Angoisse chez nous), Elizabeth Bathory et Mario Pinzauti.

Pour mémoire, la collection Hantik Books comprend un livre, le Retour des Damnés de Mario Pinzauti, série B littéraire unique en son genre qui évoque de façon magistrale mais délicieusement bis la légende de la Comtesse Bathory.

Préface signée Patryck Ficini accompagnant Le Retour des Damnés, dans lequel il aborde Racconti di Dracula, Elizabeth Bathory et Mario Pinzauti :

Née en 1959, avec UCCIDONO I MORTI de Max Dave, la collection RACCONTI DI DRACULA, des éditions ERP vécut jusqu’en 1981, avec un ensemble impressionnant d’inédits et de rééditions.

Selon l’expert italien Sergio Bissoli, l’Âge d’or des RACCONTI se situe entre 1959 et 1965. C’est d’ailleurs dans ces années qu’il pioche savamment pour alimenter les passionnants recueils qu’il dirige aujourd’hui pour la DAGON PRESS.

Contrairement à lui, nous les avons pas tous lus.

Toujours est-il que les RACCONTI DI DRACULA des années 70 nous semblent souvent aussi attachants que ceux des premières années 60. Plus sexy (voire pornos), certes, souvent plus violents, ces RACCONTI peut-être décadents, quoique produits en grande partie par la même équipe d’auteurs, nous plaisent beaucoup aussi, à HANTIK BOOKS. Disons que l’épouvante gothique de ces « romanzetti » a suivi l’évolution qu’elle a connue au cinéma.

Nous ne voyons pour notre part aucun mal à cela.

Soyons honnêtes : tous les goûts sont dans la nature, et une petite orgie satanique n’a jamais fait de mal à personne… du moins dans le domaine de la fiction ! Des partouzes diaboliques et des messes noires quasiment pornographiques, Satan sait qu’il y en eut dans les RACCONTI DI DRACULA que nous avons entrepris de traduire aujourd’hui. Citons des fleurons du genre comme I SATANISTI ou QUEL CONVENTO NELLA FORESTA NERA du bon Jeremy Selenius, dont nous réentendrons peut-être parler un jour prochain.

Et puis, les maîtres du genre comme Frank Graegorius (Libero Samale) assuraient toujours le service dans les années 70, avec tout le talent qu’on leur connaît. Pas d’accord avec Sergio Bissoli et Luigi Cozzi pour dire qu’ils étaient épuisés et à court d’inspiration. Pas toujours.

En France, on a déjà traduit des RACCONTI DI DRACULA dans les années 60. Ce qui ne contribua pas qu’un peu à leur donner une réputation calamiteuse de ce côté de la frontière. La faute au traducteur anonyme qui mit la main à la pâte. Peut-être plein de bonne volonté (ce qui ne suffit pas toujours), peut-être bâcleur de première (s’il les a traduits en une nuit, et sans les relire), cet infortuné traducteur semblait surtout fort mal connaître la langue française, à tel point que l’on peut se demander s’il ne s’agirait pas là d’un Italien vaguement bilingue mais à vrai dire peu au fait des subtilités de notre belle langue…

Contrairement aux « fameuses » traductions/adaptations tronquées GORE des années 80, il ne s’agissait apparemment pas là d’amputations malhabiles (les versions françaises ont sensiblement le même nombre de pages que les italiennes), mais bel et bien d’une véritable entreprise de démolition du style des auteurs italiens parsemée qui plus est de publicités déguisées (mais en lettres capitales) pour des marques d’alcool bien connues.

Certes, les auteurs des RACCONTI DI DRACULA (LES AVENTURES DE DRACULA en français, ou DRACULA POCKET), n’avaient pas ou rarement un style flamboyant. Ils écrivaient simplement (sans pour autant que l’on puisse toujours parler de « non style » à leur sujet) et n’avaient rien de Lovecraft latins.

Mais quelle différence entre l’écriture alerte de Max Dave et sa traduction française. Dave était un Maître selon Bissoli…, bien malin celui qui pourrait en dire autant après l’avoir seulement lu dans la langue de Marc Agapit !

Enfin, toujours est-il qu’il y eut 12 DRACULA POCKET en France (production des inénarrables EDITIONS BEL-AIR), dont au moins un inédit (et non italien). Beaucoup de Max Dave, mais au moins un livre par auteur « qui compte ». Ces Objets Littéraires Non Identifiés ont encore au moins deux utilités : ils sont mignons (belles couvertures, beaux petits livres de poche !), et ils permettent un aperçu thématique (et non stylistique) des RACCONTI des sixties pour l’amateur qui ne lirait pas l’italien.

MARIO PINZAUTI ALIAS HARRY SMALL

Auteur du RETOUR DES DAMNES, Harry Small écrivait un roman en 6 jours, 2 pour créer l’intrigue, 4 pour le taper.

Qu’importe : leur style était globalement EFFICACE ! On emploie souvent ce terme d’ « efficace » pour qualifier le style d’un écrivain de genre. Cela lorsqu’il maîtrise parfaitement, en les dosant, ses effets littéraires, notamment le cocktail entre descriptions et action. Est « efficace » une narration où les mots prennent vie pour devenir des images dans les yeux du lecteur, où l’atmosphère voulue devient palpable. Les romanciers de la littérature d’évasion sont très doués à ce jeu-là. Ils emportent leur lecteur dans un flot de péripéties parfaitement rendues. On ne lit plus, on participe directement à l’action, quasiment comme dans un livre interactif !

Les RACCONTI DI DRACULA brassèrent tous les thèmes de l’épouvante et du fantastique pour la plus grande joie du lecteur avide de frissons (à bon compte, diront les mauvaises langues). Le vampire (évidemment, avec un titre de série pareil !) revint souvent dans les romans, sans pour autant que les auteurs négligent fantômes et savants fous, loups-garous et satanistes ! Sous de splendides couvertures souvent signées Mario Caria, se dissimulait l’équivalent italien des pulps horrifiques américains des années 30. Nous sommes bien d’accord avec Sergio Bissoli sur ce point !

Les pulps, pour la plupart, c’est Lovecraft, Howard ou Ashton Smith, et non les petits auteurs authentiquement populaires qui peuplaient ces pages encore excitantes de nos jours. L’un des auteurs les plus aimés de WEIRD TALES était le sympathique Seabury Quin. Alors bien sûr, ce n’était pas Lovecraft, mais quel lecteur n’a pas eu son compte de plaisir à la lecture d’une aventure du détective de l’occulte Jules de Grandin ? Ici ou là, au détour des anthologies, on redécouvre quelques-uns de ces auteurs mineurs avec une évidente satisfaction. Certes, ce n’est peut-être pas du grand fantastique, peut-être que ça n’a pas révolutionné le genre, mais c’est diablement EFFICACE et terriblement POPULAIRE !

On peut parler de série B littéraire. On peut en parler aussi avec les RACCONTI DI DRACULA qui nous occupent aujourd’hui.

LE RETOUR DES DAMNES de Harry Small est ainsi une sacrée bonne série B sortie en 1973. L’équivalent littéraire de certains films gothiques européens qui sortaient à la même époque au cinéma. Certains Jess Franco bien sûr. L’incroyable CHÂTEAU DES MESSES NOIRES de Joe Sarno… ou encore le cycle sur les vampires lesbiennes de la HAMMER, nettement moins sages que les premiers Dracula avec Christopher Lee.

LE RETOUR évoque le spectre de la fameuse Comtesse Bàthory, mythique tueuse en série à l’origine du mythe des vampires, femme splendide qui se baignait, dit-on, dans le sang des vierges pour conserver la jeunesse éternelle, même si elle ne fut pas comme Dracula récupérée par un auteur de génie comme Bram Stoker pour en faire une légende du fantastique.

C’est bien tout ce qui les sépare.

Il n’empêche qu’il y eut sur Bàthory des écrits de valeurs (nos amis de Hérésie.com ont réédité deux classiques en 2013 dans ODES À L’OGRESSE ÉLISABETH BÀTHORY). Encore récemment le brillant Sire Cédric a modernisé le mythe pour son chef-d’oeuvre DE FIÈVRE ET DE SANG. Au cinéma, citons un HAMMER comme COUNTESS DRACULA avec Ingrid Pitt, LES LÈVRES ROUGES ou très récemment LES CHRONIQUES D’ERZÉBETH, un film historique qui prend le contre-pied de la légende, évoquant une Comtesse victime d’un abominable complot.

Harry Small a choisi de traiter quant à lui d’une incarnation classique de la comtesse Bàthory. Sous sa plume, il s’agit bien d’une folle assoiffée de sang, de sexe et de tortures. En la matière, Small ne fait pas dans la dentelle : dans LE RETOUR DES DAMNÉS, quand on ne couche pas, on tue ! Et la mort, évocatrice des délires latins du cinéma horrifique italien des années 70 (justement) est plutôt douloureuse !

Qui était Harry Small (1930-2010) alias Johanni Walter alias Jack Leeder alias Hubert Sanchez ?

Son vrai nom était Mario Pinzauti. Scénariste et réalisateur, il oeuvra notamment pour le cinéma bis italien. Même s’il ne fut pas l’un des auteurs culte du cinéma de genre de la péninsule, il travailla sur des westerns comme sur des polars. Pas dans le fantastique et l’horreur cependant.

Peut-être son travail colossal pour les RACCONTI DI DRACULA le rassasia-t-il en la matière ; peut-être qu’une occasion ne s’est tout simplement pas présentée.

Colossale, l’oeuvre fantastique de Harry Small/Mario Pinzauti ? Oh que oui : pensez un peu sur plus de 100 romans tous genres confondus, Sergio Bissoli en recense 46 pour la seule collection horrifique des éditions ERP. Que des titres qui donnent envie : IL CREATORE DI MOSTRI, IL CASTELLO DEI DECAPITATI, LA PIRAMIDE DEGLI ZOMBI…

C’est avec un infini respect et un amour aussi grand pour toute cette culture « bis » que nous sommes aujourd’hui fiers de vous présenter LE RETOUR DES DAMNÉS, roman qui, nous l’espérons, saura trouver son public…

BIBLIOGRAPHIE

  • Gli scrittori italiani dell’orrore e del sopranaturale
  • Sergio Bissoli, Poetilandia, 2005
  • La storia dei Racconti di Dracula
  • Sergio Bissoli et Luigi Cozzi, Profondo Rosso, 2013
  • La storia dei KKK – i classici dell’orrore
  • Luigi Cozzi, Profondo Rosso, 2013
  • I capolavori de I Racconti di Dracula, vol 5
  • Harry Small, dirigé par Sergio Bissoli,
  • Dagon Press, 2013

Vous pouvez acquérir le Retour des damnés sur le site de Sin’Art

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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà - Ses auteurs préférés - Robert E. Howard, Alda Teodorani, Robert Bloch, Kââ/Corsélien, Frédéric Fajardie... Passionné de littérature populaire, de fumetti et de cinéma de genre, notamment italien...


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