retrospective

La Créature De La Mer Hantée

Un agent secret s’infiltre dans une organisation de malfaiteurs qui veut aider un général cubain à préparer son coup d’état. En fait, cette organisation tente de voler l’or des Cubains pendant la traversée, mais elle va se heurter à la créature qui vit dans ces eaux.
Difficile de regarder un film de Roger Corman sans penser à la carrière de cet illustre producteur. Il a fait débuter un bon nombre d’artistes qui comptent aujourd’hui parmi les grands du cinéma actuel : Clint Eastwood, Ron Howard, Jack Nicholson…. pour ne citer qu’eux. Pratiquement l’inventeur à lui tout seul d’une structure de production de série B, c’est en partie grâce à lui si des personnes comme Tarantino existent : ce dernier tient la plus grand partie de sa cinéphilie de Corman.
Et ce film ne fait pas exception. Si la tête d’affiche, Robert Towne, est retombée dans l’anonymat du simple acteur, il s’est vu consacré en tant que scénariste. En effet, il été oscarisé pour son travail sur CHINATOWN de Polanski, a aussi écrit GREYSTOKE (qui révéla Christophe Lambert) et récemment les films MISSION : IMPOSSIBLE avec Tom Cruise. Les acteurs qui partagent avec lui l’affiche sont aussi devenus des familiers du petit écran : Antony Carbone a à son actif plusieurs épisodes des INCORRUPTIBLES avec Robert Stack et l’un de la mythique THE TWILLIGHT ZONE tandis que sa partenaire est devenue populaire auprès des fans de PERRY MASON (époque Raymond Burr) où elle jouait le juge Harrelson.
Si l’on fait abstraction de ces petites curiosités, cette CREATURE DE LA MER HANTEE devient en revanche bien décevante. Les intentions de Corman semblaient claires : surfer sur la mode des films de monstres, voire la relancer. A cet époque, il est bon de rappeler que le classique CREATURE DU LAC NOIR avait lancé une série qui en était à son troisième volet. Un quatrième n’étant pas en chantier, on peut deviner que Corman essayait, soit de profiter de la similitude entre les titres originaux (CREATURE FROM THE BLACK LAGOON d’un côté, CREATURE FROM THE HAUNTED SEA de l’autre) pour toucher le public du LAC NOIR, soit de profiter du manque causé par l’absence de nouvel épisode de cette série de CREATURE pour venir rassassier les amateurs de monster movies.
Cependant, la déception ne vient pas de la démarche racoleuse de l’entreprise, mais de la relation de ce film avec ce sous-genre qu’est le « film de monstre ». Le scénario s’avère si alambiqué pour introduire la créature que cette dernière peine à apparaître.
Le début prend des allures de parodie de film d’espionnage avec l’agent Sparks Moran, joué par Towne, qui prend contact avec son indic. Tout y passe : les noms de code, les déguisements, les répliques de reconnaissance mutuelle… Le générique, en forme de dessin animé, vient nous conforter dans l’idée que nous avons affaire là à une comédie en bonne et due forme. De ce fait, LA CREATURE DE LA MER HANTEE n’est pas une parodie des films de monstres, mais des films d’espionnage. La créature a un rôle très secondaire : elle fait partie des ressorts comiques volontaires (sa présence saugrenue dans un film d’espionnage) et involontaires (rétrospectivement, elle est bien kitsch). Le film se poursuit avec les événèments narrés par l’agent Morgan en voix off, pastichant les oeuvres de Raymond Chandler ou Mickey Spillane, et Corman réussit même à peupler son film de personnages encore inédits : l’homme de main qui s’exprime en imitant les animaux.
Autre élément que l’on peut reprocher : le gros relachement de rythme dans sa dernière partie. En effet, la créature s’avère trop peu présente (moins de cinq minutes au chrono) à cause d’un scénario qui s’enlise dans des directions si inattendues (les origines du monstre ne sont jamais à l’ordre du jour) qu’il trahit les conditions de tournage improvisé : les personnages deviennent, on ne sait plus trop pourquoi, naufragés sur une île et certains rencontrent même des femmes qu’ils veulent illico épouser. De cette partie, on en retire de l’ennui et même si le film ne dure qu’à peine plus d’une heure, il semble en durer deux.
Dès lors, le film nous laisse l’image d’une amère déception. Nous regardons les gags s’enchaîner laborieusement et les apparitions, aussi ridicules soient-elles, de la créature ont bien du mal à nous décrocher un petit sourire.
LA CREATURE DE LA MER HANTEE se laisse voir comme une curiosité de Roger Corman qui commençait depuis quelques années sa carrière de réalisateur et de producteur. On rangera volontiers ce film à côté de toutes ces pièces d’archives qui marquent le début de sa carrière, florissante malgré tous les défauts que ces premières oeuvres contiennent.

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