La Dernière Maison sur la Plage

Un texte signé Philippe Delvaux

Italie - 1978 - Franco Prosperi
Titres alternatifs : La Settima donna, Crazy Night, Junge mädchen zur liebe Gezwungen, Le Grand Clash, Terror
Interprètes : Florinda Bolkan, Ray Lovelock, Flavio Andreini, Stefano Cedrati, Sherry Buchanan, Laura Tanziani, Luisa Maneri, Laura Trotter, Karina Verlier

Trois braqueurs de banques fuient la police après une attaque qui s’est soldée par deux décès. Leur voiture tombe en panne et ils se réfugient dans une résidence secondaire sur la côte italienne. La maison est occupée par une nonne, sœur Cristina, et ses 5 élèves en pleine préparation de leur examen de maturité. Une des élèves blesse un malfrat à l’entrejambe lorsque celui-ci tente de la violer. Dans l’attente de son rétablissement, les bandits sont donc momentanément coincés et retiennent les jeunes filles prisonnières. Ils doivent patienter trois jours que vienne le bus scolaire qu’ils ont en projet de voler pour continuer leur fuite.

Franco Prosperi… tous les amateurs de Sueurs Froides le connaissent pour être à l’origine d’un genre à lui seul : le mondo. Il n’a en effet que deux peplums à son actifs lorsqu’il cosigne (avec Cavara et Jacopetti) en 1962 la réalisation du premier volet d’une série qui fera parler d’elle pendant longtemps : MONDO CANE. Le choc est tel que le film est montré à Cannes, et qu’il engendrera nombre de « suites », souvent réalisées par Prosperi lui-même : MONDO CANE 2, AFRICA ADDIO, ADDIO ZIO TOM ou MONDO CANDIDO. Cependant, Prosperi ne se sera pas limité à cette série et aura exploré durant sa carrière quelques uns des autres genres du cinéma alors en vogue.

Ainsi de cette SETTIMA DONNA qui appartient à cette nuée de films de gangsters qui, dans les années ’70, remplacent petit à petit les westerns et les giallos dans le cœur des italiens. Il ne s’agit pas ici d’un poliziotteschi puisque les policiers sont totalement absents du métrage. L’intrigue se focalise sur les seuls délinquants et leurs victimes. Hors de l’introduction, le décors confine au huis-clos, mais le terme est finalement peu approprié puisque nous débordons sur les jardins de la propriété et la plage.

La violence y est graphique et réaliste : dès l’abord, la femme de ménage de la maison se fait défoncer le crâne à coups de fer à repasser. L’univers est donc directement situé. Les protagonistes masculins sont absolument amoraux et ne vivent que pour leurs pulsions. Les femmes ne sont pour eux que des objets qu’il convient d’utiliser pour assouvir leurs besoins sexuels, quitte à les frapper, les terroriser et les humilier. Cristina et ses élèves sont des victime, rien de plus. Cependant, le dernier acte fera basculer le métrage dans les eaux du « rape and revenge » également à la mode à l’époque. Ceci dit, le niveau de violence ou de nudité est inférieur à ce que l’on peut attendre de ce type de produit d’exploitation. Prosperi choisit souvent le hors champ, l’ellipse ou laisse sa caméra en retrait de l’action. C’est un choix.

La scène d’ouverture nous montre le braquage d’une banque, filmée à hauteur des jambes, ce qui nous empêche d’identifier lequel des malfaiteurs a tué deux caissiers. Les trois fuyards sont correctement typés : Nino le violeur blessé, Walter le violent rustre et Aldo l’intellectuel manipulateur. Ce dernier est le seul qui arrive à établir un semblant de contact avec Cristina et l’une des élèves qu’il drague, se dédouanant de ses actes. Repentir ou manipulation ?

Au rang des critiques, on déplorera le manque de travail sur la personnalité des pensionnaires qui, hors Cristina, forment un ensemble indistinct. Une caractérisation un peu plus poussée aurait enrichi la trame.

On peut également tiquer sur l’étirement inutile de certaines séquences… ou passer l’éponge quand on constate qu’il s’agit alors de bien montrer les corps juvéniles des filles au bord de la piscine. Pour le reste, la réalisation est efficace, sans éclats particuliers mais sans démériter non plus. L’approche frontale de la caméra est parfois délaissée au profit d’angles plus délirants, lors de certaines séquences de viol notamment.

A noter pour l’anecdote que si la musique est signée Roberto Predagio, le générique copie de façon éhontée le « Let’s stick together » de Wilbert Harisson (1962), en y collant des paroles écrites et chantées par l’acteur Ray Lovelock qui joue le rôle d’Aldo. « Let’s stick together » a été repris avec le succès que l’on sait par Brian Ferry en 1976, soit deux ans seulement avant la sortie du film. Rappelons que l’on doit à Roberto Predagio le score des PISTOLETS DE L’AVE-MARIA (Ferdinando Baldi), du DEATH CARRIES A CANE de Maurizio Pradeaux, et des nettement plus bis (et plus culs) SS EXPERIMENT CAMP, SS CAMP 5, EMANUELLE BIANCA E NERA (un Emanuelle version « un seul m » mais sans Laura Gemser) ou encore de SECRETS D’ADOLESCENTES (chroniqué dans Sueurs Froides).

A noter également que le film est sorti en vidéo en France sous plusieurs titres selon les éditeurs : CRAZY NIGHT, LE GRAND CLASH ou encore TERREUR et même TERROR

Au final, La Settima donna offre un résultat honnête, qui n’atteint jamais les chefs d’œuvre ou les tentatives les plus extrêmes du genre, mais qui ne démérite pas, loin de là.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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