La Diablesse aux 1000 Visages

Un texte signé Patryck Ficini

Hong Kong - 1969 - Chung Chang-Wha
Titres alternatifs : Qian mian mo nu, Temptress of a Thousand Faces
Interprètes : Tina Chin Fei, Pat Ting Hung, Chen Liang

Face à une police impuissante, une voleuse aux multiples identités sème le désordre. Un jeune couple mène l’enquête…
La Bondmania des années 60 eut des répercussions frappantes sur le cinéma de genre international. Des espions dragueurs italiens, américains ou français (Dick Malloy 077, Matt Helm, OSS 117, Coplan… et bien d‘autres !) luttèrent un peu partout contre d’improbables maîtres du monde mégalos (pléonasme ?). Les fumetti neri (Diabolik, Kriminal and co) furent adaptés à l’écran dans le même esprit (jolies filles, gadgets, incrédibilité totale), et des parodies parfois encore plus cinglées virent le jour (MODESTY BLAISE, CASINO ROYALE et les FANTOMAS de André Hunebelle). Même le western ne résista pas à ce vent de folie : LES MYSTERES DE L’OUEST télévisuels trouvèrent des réponses italiennes avec SARTANA et SABATA.
Il aurait été surprenant que le foisonnant cinéma de Hong-Kong ne s’attelle pas aussi à la tâche. Des films d’espionnage bondiens y virent le jour, même si on les connaît peu en occident. Citons les mystérieux INTERNATIONAL SECRET AGENT , JAMES BOND CHINESE STYLE et KISS AND KILL… Le réalisateur de LA DIABLESSE et, plus tard, de LA MAIN DE FER, signa ainsi un SPECIAL AGENT X7. Autant de films qu’on aimerait vraiment voir ! Au fond, c’était là un juste retour des choses : les agents occidentaux n‘avaient de cesse de jouer les judokas ou les karatekas, de façon souvent peu convainquante. Les agents top secret chinois pouvaient au moins prétendre à des arts martiaux mieux maîtrisés !
Certes, LA DIABLESSE AUX 1000 visages n’est pas un sous James Bond, mais il partage profondément avec eux son style musical, des filles mignonnes, un sens du délire et de l’esthétique habituellement qualifiés de « pop ». En fait, ce film est plutôt, par ses aspects de comédie policière centrée sur une super voleuse, un pendant asiatique au FANTOMAS français des sixties, lui-même parfois sous influence bondienne ! La diablesse du titre a un refuge secret, à l’intérieur d’une grotte, qui tient du palais des mille et une nuits, et ses 1000 visages s’expliquent par les masques en latex qu’elle revêt pour préserver son identité secrète. Ce dernier point est évocateur… Comme Fantômas aussi, elle est cruelle, a des hommes (et des filles !) de mains à son service. Un journaliste et sa petite amie policière offrent la version chinoise du couple formé par Jean Marais et la belle Mylène Demongeot. Au début du film, l’homme et sa collègue utilisent le même expédient que Fandor/Marais face à Fantômas pour faire un scoop, puisque c’est la fille qui se déguise en Diablesse pour en obtenir à peu de frais une photo attrape-gogos ! LA DIABLESSE est vraiment dans l’air du temps, celui des super-criminels comme Fantômas et Diabolik.
Par contre, là où le film diffère de la trilogie de Hunebelle, c’est dans les scènes de bagarres, relativement violentes (enfin, c’est pas la MAIN DE FER quand même, avec son arrachage d’yeux à mains nues !) et surtout dans les nombreuses scènes sexy, voire lègèrement érotiques, qui le parsèment. LA DIABLESSE va même un peu plus loin que les 007 en la matière (qui n’ont jamais été très débauchés visuellement !). On s’embrasse longuement sur la bouche, on se caresse, les filles sont jolies… Le meilleur est encore la danse terriblement sensuelle d’une chinoise magnifique qui se trémousse au son d’un orchestre d’une façon pour le moins excitante.
LA DIABLESSE est donc amusant (l’humour, parfois gentiment salace avec ses flics obsédés, fonctionnera même sur le public occidental) et très mouvementé (la fin n’est que poursuite, kung-fu et gunfight !). Des films comme ça, on n‘oserait plus en faire aujourd’hui et c’est bien dommage…


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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