La fiancée de la jungle

Un texte signé Alexandre Lecouffe

U.S.A. - 1958 - Adrian Weiss
Titres alternatifs : The bride and the beast
Interprètes : Charlotte Austin, Lance Fuller, Steve Calvert

Laura vient tout juste d’épouser Dan Fuller dont la passion est la chasse aux fauves. Lors de la nuit de noces, Dan fait découvrir à son épouse le gorille qu’il garde dans le sous-sol de la maison. Au contact de l’animal, Laura se sent étrangement attirée par celui-ci et réciproquement ! Plus tard, le gorille fait irruption dans la chambre nuptiale et Dan l’abat, pensant sa femme en danger. Psychologiquement perturbée par ces événements, Laura subit une séance d’hypnose qui lui révèle ce qu’elle ressentait déjà au plus profond d’elle-même : dans une vie antérieure, elle fut…gorille !!

Producteur et réalisateur télé, Adrian Weiss n’a signé que ce seul long-métrage pour le cinéma ; sa particularité est d’avoir été conçu et scénarisé par le célébrissime Ed Wood à qui l’on doit quelques bizarreries aussi fauchées que sympathiques (PLAN 9 FROM OUTER SPACE, 1959). LA FIANCEE DE LA JUNGLE est un étrange film hybride qui agrège drame psychologique (avec une trame relevant du sous genre « une fille et un gorille ») et film de jungle (la majeure partie du métrage). On trouvera donc dans cette modeste série Z de lointaines réminiscences du matriciel KING KONG (1933) de Merian C.Cooper et Ernest Schoedsak mais aussi des emprunts à des séries B d’esprit similaire (NABONGA LE GORILLE de Sam Newfield, 1944 ou LA FIANCEE DU GORILLE de Curt Siodmak, 1951).
Le début du film s’annonce plutôt prometteur voire audacieux dans le choix de ses thèmes même si ceux-ci sont plutôt mal traités par un scénario bien faible. En effet, après environ dix minutes de bobine, l’attirance forcément troublante d’une jeune femme bien sous tous rapports à l’encontre d’un gorille est évoquée mais la scène de « première rencontre » est tellement maladroite (l’acteur dans le costume de singe fait ce qu’il peut, Charlotte Austin, quoique cinégénique n’est pas Fay Wray) qu’elle ne dégage en définitive aucune émotion. De même, le thème fantastique de la réincarnation animal/femme (on pense quelques secondes à son traitement magnifique dans LA FELINE de Jacques Tourneur, 1942) est amené de façon peu convaincante par le biais d’une scène d’hypnose au cours de laquelle quelques « stock-shots » animaliers sont censés figurer les souvenirs de Laura lorsqu’elle était gorille…Les cinéphiles déviants (et zoophiles) seront eux très déçus par la tournure que prendra le récit de l’idylle forcément ambiguë entre la belle Laura et le velu Spanky : après lui avoir assez délicatement ôté sa nuisette (l’actrice est bien sûr hors-champ !), le gorille est abattu par le mari jaloux, ce qui met un terme définitif à cette histoire d’amour pleine de promesses érotiques contre nature ! Le cinéphile plus cérébral pourra se réjouir du sous-texte sexuel qui innerve cette première partie : Dan semble avoir été peu actif durant la nuit de noces ce qui suggère qu’il est peut être impuissant ou en tout cas très en-dessous des attentes de Laura, femme au désir animal et donc hyper-sexuée. Quant au fameux gorille enfermé dans la cave, nul doute qu’il symbolise le refoulé de Dan, ses pulsions sexuelles qui ne demandent qu’à être libérées ! Le cinéphile cultivé aura lui identifié plusieurs obsessions « woodiennes » dans le film telles que l’état d’hypnose (qui fascinait le réalisateur et qui imprègne la plupart de ses bandes) ou la présence de pulls angora (dont Ed Wood aimait à se travestir et qui incarnent ici l’animalité de Laura). La suite du métrage bifurque ensuite vers le « film de jungle » complètement fauché, réincarnation et bestialité sont abandonnées sans crier gare et l’on suit alors, entre ennui et ricanements, les aventures de Dan en plein safari (repiqué à quelque documentaire et inséré tel quel !) ou aux prises avec de terribles attaques de tigres (bien dressés, en peluche ou issus de « stock-shots » intégrés sans aucun souci de raccord !). Pendant que ces péripéties s’accumulent, le personnage tourmenté de Laura disparaît à peu près complètement : elle préfère attendre tranquillement dans sa tente qu’un beau gorille vienne l’enlever…ce qui ne tarde pas à arriver et nous vaudra un final aussi drôle qu’absurde qui donne alors presque envie que le film se prolonge un peu ! Mais nous n’en tiendrons pas rigueur aux auteurs à qui on reprochera tout de même de n’être pas allés jusqu’au bout de leurs idées assez farfelues qui auraient pu aboutir à la confection d’un vrai film « bis » ; en l’état actuel, il s’agit d’une simple curiosité, ce qui n’est déjà pas si mal…


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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