retrospective

La fiancée du gorille

Frère cadet du réalisateur Robert Siodmak, Curt a eu une carrière bien plus fournie que son aîné, mais, œuvrant surtout dans des genres considérés comme mineurs (la science-fiction, l’horreur, le film de jungle ou encore le serial), il ne s’est pas forgé un prénom à la hauteur de celui de Robert. Débutant dans son Allemagne natale aux côtés de son frère, il rejoint les Etats-Unis suite à l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933. Très vite, il se spécialise dans les séries B et collabore, notamment, au scénario du SINGE TUEUR (William Nigh, 1940, avec Boris Karloff) qui sera l’un de ses nombreux scripts où se croiseront humains et gorilles.
Au fin fond de l’Amazonie, Barney Chavez, contremaître dans une plantation, tue Klaas Van Helder, son vieux patron, afin de convoler avec sa femme, la belle, jeune et blonde Dina. Maquillant son forfait en un terrible accident (l’attaque d’un serpent particulièrement venimeux) Barney a tout prévu. Tout sauf la présence discrète d’Al-Long, servante aussi efficace que discrète et fidèle à son patron mais aussi sorcière à ses heures. Afin de venger Van Helder, Al-Long jette un terrible sort à Barney Chavez : tous les soirs, il se transformera en gorille…
Démarrant comme la fin d’un film (l’amoureux transi tue le mari de la femme qu’il convoite), LA FIANCEE DU GORILLE est une série B efficace, dense et rythmée. Dès les premiers plans transparaît un réel souci de mise en scène et de cadrage, les mouvements fluides et amples de caméra implantant en quelques secondes seulement une atmosphère moite et étouffante, propre à cette région du globe et symbole du drame qui va se jouer. Convoquant un folklore digne des serials et des comics de l’époque sans pour autant se fourvoyer dans une représentation grotesque des lieux et us et coutumes locaux, Curt Siodmak parvient à distiller un sentiment de réalisme dans sa jungle de studio, grâce à un travail sur la bande-son et l’intégration réussie de stock-shots. Plongés dans cette nature impitoyable, les comédiens se glissent à merveille dans la peau de personnages qui semblent spécialement avoir été écrits pour eux : des simples seconds rôles portés par un tout jeune Woody Strode ; aux rôles plus conséquents comme celui du commissaire joué, à visage découvert, par Lon Chaney Jr jusqu’au rôle principal interprété par un Raymond Burr alors très loin du fauteuil roulant de L’HOMME DE FER ; tous les rouages s’imbriquent avec une perfection qui démontre un réel positionnement créatif. Si le scénario se déroule au final de manière très classique et très tranquille, il se suit sans ennui et le recours aux effets spéciaux permet de faire basculer le drame dans le fantastique sans tomber dans le grotesque : les transformations, réalisées en transparence, ne concerne à chaque fois qu’une partie du corps, ce qui évite tout ridicule. Bien entendu, un costume de gorille est évidemment utilisé, mais surtout vers la fin du métrage et toujours à moitié dissimulé par la jungle.
Réussie et efficace, cette série B charmante se laisse redécouvrir de nos jours grâce à sa mise en scène et à ses choix artistiques pertinents.

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