Un texte signé André Cote

France - 2009 - Yannick Dahan, Benjamin Rocher
Interprètes : Jean-Pierre Martins, Claude Perron, Eriq Ebouaney, Yves Pigot, Jo Prestia...

Gérardmer 2010review

La Horde

En banlieue parisienne, des policiers infiltrent un HLM pour venger la mort de leur collègue en tuant les dealers. Durant cette confrontation, le monde extérieur est victime d’une invasion de morts-vivants. Les deux groupes se retrouvent alors contraints de s’allier pour sortir de l’immeuble.
Dire que LA HORDE était un film attendu au tournant par tous les amateurs de cinéma de genre en France est un doux euphémisme. En effet, il s’agit du premier film du journaliste Yannick Dahan (ici en binôme avec Benjamin Rocher) connu de bon nombre de cinéphiles pour son émission « Opération Frisson ». Dans celle-ci, il chronique les films et développe ses théories sur le cinéma de genre. Une vision du septième art qui transpire la passion et où l’imaginaire est traité avec respect et non pas avec condescendance. Grâce à une liberté de ton atypique, un noyau de fans se construit. Par conséquent, le projet LA HORDE se perçoit comme un appel au secours d’une branche de cinéphiles insatisfaits par le paysage audiovisuel national.
Néanmoins, les deux réalisateurs se montrent conscients de la difficulté d’une telle entreprise. D’une part, ils assistent aux mésaventures d’autres réalisateurs français qui peinent à trouver des financements pour leurs propres films. D’autre part, ils se heurtent également aux préjugés du grand public hexagonal concernant le cinéma de genre dans sa contrée. Ce dernier point soulève un constat embarrassant : les influences et les références flagrantes aux classiques. Or, une bonne culture cinématographique ne garantit pas un savoir-faire de metteur en scène et la comparaison penche rarement en faveur du film français.
Une situation que les deux comparses assimilent parfaitement. Ainsi, avant de s’aventurer dans le format du long métrage, pour tâter le terrain, ils réalisent un court, RIVOALLAN. Plus aguerris, mais toujours avec une âme de débutants, ils remontent LA HORDE sur les conseils des critiques : une première version avait été présentée avec un préambule plus long. De telle sorte que le métrage rentre dorénavant en quelques minutes dans le vif du sujet : « ils ont tué notre collègue, ils vont le payer ». Le background des personnages est ainsi développé au fil du récit, au détour d’une phrase ou d’une scène. Cela produit une dynamique plus intensive de la narration : une même scène peut exposer plusieurs enjeux, l’un global avec la menace des zombies et un autre plus spécifique avec les relations entre les personnages.
De fait, ce que le public retient, c’est avant tout une expérience de montagnes russes : d’une scène d’action, on passe à de la comédie d’humour noir, puis du rire au malaise… sans que l’un ne vienne empiéter sur l’autre. À la différence d’autres métrages tels que MARTYRS ou A L’INTERIEUR qui misaient sur une même ambiance allant crescendo, LA HORDE, contre toute attente, cultive les ruptures de ton. Sur ce point, on émet un bémol du côté de la technique. En effet, beaucoup de plans sont trop serrés. Des plans plus larges auraient peut-être été bénéfiques pour mieux se rendre compte de ces montées en puissance. Une petite faiblesse qui, cependant, ne gâche rien car la mise en scène parvient à atténuer cette lacune. Ainsi, si les personnages nous paraissent excessifs ou caricaturaux, ils ne sont qu’en accord avec un traitement qui exclue la demi-mesure : pour que la rupture soit apparente, il faut qu’il y ait un contraste. En ce sens, on pourrait trouver les acteurs cabotins si la mise en scène n’abondait pas dans leur sens. Une mention spéciale est décernée à Yves Pignot dans le rôle de René, un vétéran de la Guerre d’Indochine qui renvoie à bon nombre d’anciens du Viêt-nam des films américains.
Quoi qu’il en soit, on concède que les deux réalisateurs n’ont pas su se retenir de semer ici et là quelques références à leurs cinéastes fétiches. On se retient néanmoins de faire la fine bouche puisque ces hommages s’intègrent parfaitement à la narration. L’introduction des zombies, sous la forme de silhouettes, évoque ASSAUT de John Carpenter, les policiers renvoient à la série THE SHIELD (plans tremblotants à l’appui) et certains cadres semblent sortir des jeux vidéos SILENT HILL ou RESIDENT EVIL (quoi de plus normal pour un film sur des zombies)…
D’un autre côté, on observe l’évocation d’une idéologie française qui met en exergue des problèmes sociaux. En effet, cette fuite de nos personnages pour échapper aux zombies n’est-elle pas la simple caricature (au sens d’une image qui accentue un trait caractéristique) d’une France remplie de préjugés et qui se refuse à considérer les classes moyennes ? L’ombre du ZOMBIE de Romero, dans lequel les morts-vivants déambulaient dans un centre commercial, n’est donc pas loin. Cela permet aussi à LA HORDE de revendiquer une nationalité bien hexagonale au lieu de se contenter d’être le simple ersatz d’un classique idolâtré.
En somme, ce premier long métrage revigore quiconque désespérait de voir un jour une pellicule qui assume son statut d’œuvre d’exploitation (comprenez par là, destinée au plaisir du public) et prend à bras-le-corps des problèmes de société pour affirmer son identité. Dahan et Rocher crient donc haut et fort « Oui, on peut faire du bon cinéma de genre en France ! » Messieurs, les amateurs apprécient.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood


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