La Main de Dieu

Un texte signé Patryck Ficini

France - 1976 - Saint-Moore Adam

Poète à ses heures, Adam Saint Moore fut surtout un brillant auteur du Fleuve Noir, principalement pour les collections Spécial-Police (56 polars) et Espionnage (93 aventures, souvent très sympathiques, de l’agent secret Face d’Ange, d’ailleurs parfois adaptées en B.D.) Il fut plus rare en Anticipation (9 titres seulement) mais n’en reste pas moins l’un de ces grands auteurs-maison qui surent trouver dans la prestigieuse édition populaire un formidable réceptacle pour leur inventivité débridée. Car il en faut de l’imagination, du métier et même du talent (élément dont pourraient douter certains mauvais esprits… qui ne devraient pas lire ces lignes !) pour pondre autant de bons petits romans de gare.
Selon LE DICTIONNAIRE DU ROMAN POPULAIRE FRANCOPHONE, dans ses polars, il commença par explorer l’univers américain avant de s’attaquer à des préoccupations plus françaises à travers divers problèmes de société – autant de sujets passionnants pour un roman policier en phase avec son temps.
LA MAIN DE DIEU traite ainsi du phénomène des sectes, et même plus largement des abus de la religion. Un thème encore brûlant alors que le roman fut rédigé en 1976.
Si la police a les mains liées (comme on disait, au cinoche, dans les polars italiens de l’époque !) pour sortir une jeune fille des griffes d’une secte chrétienne, elle n’en finit pas moins par enquêter lorsqu’une victime de cette même secte échappe à ses tortionnaires qui la punissaient davantage par pur sadisme qu’en croyant réellement la laver de ses péchés. La très sadienne (et magnifique) couverture de Michel Gourdon illustre bien son calvaire supposé d’une image qu’on croirait tout droit sortie d’un Jess Franco grand époque !
A peine évadée, la pauvresse meurt des suites de ses nombreuse blessures. LA MAIN DE DIEU, que ce soit bien clair n’est ni un nouvel épisode de BRIGADE MONDAINE ni un GORE ! Les sévices ne seront donc pas décrits par le menu, au risque de décevoir les plus sadiques des lecteurs de ce Spécial-Police…
N’empêche ! Saint-Moore dessine merveilleusement la secte en question, dirigée par un ex épicier illuminé qui se prend pour le nouveau Christ et par un Pape obsédé et escroc qui n’en veut qu’aux fesses et à l’argent de ses ouailles. Les mauvais traitements, de véritables tortures, c’est lui. On a droit à une sacrée galerie d’allumés, dont une ancienne actrice de porno.
Tous les abus sectaires d’une religion en roue libre sont détaillés par le menu, et le lecteur est vite partie prenante de l’enquête policière visant, au fond, à anéantir (légalement) la secte. Adam Saint-Moore possède une vision très réaliste et très humaine (à travers les sentiments du père de la jeune fille manipulée) de la chose, et traite plus qu’efficacement son sujet.
Un bémol est à apporter néanmoins dans les rapports du plus mauvais goût, mais drôlissimes c’est indéniable, entre le flic récurrent chargé de l’affaire (un beau gosse de plus) et sa copine du moment, une gauchiste complètement nymphomane qui s’excite comme une bête sur les pratiques policières les plus hard, genre tabassage, et ne trouve rien de plus aphrodisiaque que les tortures gestapistes ou satanistes, réelles ou phantasmées ! Pour une militante anti-flics, c’est là un paradoxe qui nous laisse penser que Adam Saint-Moore avait le coeur plutôt à droite. Rien de grave, il n’y a pas que Fajardie ou Manchette dans la vie, non,ce qui gêne là-dedans c’est plutôt le côté immoral de la chose. Qu’on s’excite devant un Ilsa, c’est une chose de peu d’importance, que la petite amie de notre héros policier le fasse en s’entendant compter les souffrances réelles d’une pauvre fille martyrisée et tuée pour de bon, voilà qui laisse songeur… Et qui rend le personnage peu sympathique.
LA MAIN DE DIEU,avec ses deux meurtres (on découvre les cadavres, on ne voit pas les actes, à la différence d’un giallo ou d’un psycho-killer) et son enquête un peu légère (très pépère, très téléfilm français), n’en reste pas moins un formidable document à charge contre les excès d’une certaine religion, quelle qu’elle soit. Un thème qui devait plaire à Adam Saint-Moore puisqu’il semble y être revenu plusieurs fois (LES PROPHETES MEURENT AUSSI).
Une preuve de plus pour qui douterait que le polar a souvent des choses à dire et à dénoncer… même en entrecoupant ses propos de scènes grivoises et humoristiques comme ici !


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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