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La Malédiction Des Profondeurs

BENEATH STILL WATERS est la dernière production sortie des studios de la Fantastic Factory, une branche de la société Filmax, chapeautée par Brian Yuzna et entièrement dévouée à un cinéma de genre à petit budget. Basée en Espagne la dite Fantastic Factory a d’ors et déjà permis de faire découvrir de jeunes talents comme Jaume Balaguero (avec DARKNESS) et d’offrir à des réalisateurs plus confirmés une structure adaptée à leur cinéma (Stuart Gordon et son DAGON).
Il y a une cinquantaine d’années un petit village est englouti sous l’eau pour de mystérieuses raisons aidé en cela par la construction d’un nouveau barrage. Deux enfants décident cependant d’enjamber les grillages pour revoir une dernière fois le lieu où ils sont nés. Ils écoutent alors des gémissements provenant d’une maison. Là ils vont libérer le mal ultime que le maire du village avait réussi à éradiquer.
Cinquante ans après, de mystérieux événements se produisent. Des gens disparaissent dans le lac, un photojournaliste se rend sous l’eau et en visitant le village englouti tombe sur une maison qui semble brûler d’où des cris s’échappent. C’est le moment que choisit le mal pour revenir réclamer son dû et faire basculer la ville voisine dans l’horreur.
Il faut bien l’avouer, un film de Brian Yuzna part d’emblée avec un pourcentage affectif enviable. Réalisateur attachant qui ne manque jamais de prouver son amour pour le Bis, Brian Yuzna n’a jamais eu peur de faire dévaler devant nos yeux de bonnes doses d’atrocités (LE DENTISTE) ou de vrais moments de provocation (les scènes d’orgie répugnantes de SOCIETY). Bref contrairement à beaucoup d’autres en voilà un qui n’a jamais réellement voulu rentrer dans les canons actuels de production.
BENEATH STILL WATERS est donc tiré du roman éponyme de Matthew Costello (l’un des créateurs du jeu vidéo Doom) et en reprend la trame principale, fortement inspirée de Lovecraft depuis le potentiel maléfique de l’eau jusqu’aux créatures aquatiques mi-homme mi-monstre. Rien d’étonnant à cela quand on sait que Yuzna est aussi le scénariste de REANIMATOR et le réalisateur de LA FIANCEE DE REANIMATOR et d’un segment de NECRONOMICON.
C’est d’ailleurs à la fois le point négatif et le point positif de BENEATH STILL WATERS, absolument rien n’y est étonnant.
Brian Yuzna assemble comme à son habitude de vraies scènes débridées, parfois très gore mais toujours pour le fun, une légère dose d’autodérision assez sympathique mais aussi des lacunes scénaristiques très dommageables. A ce niveau-là le préjudice est grand tant le sujet choisi pouvait donner lieu à un vrai film d’atmosphère. Les histoires de villes englouties qu’elles soient cinématographiques (FOG) ou littéraires (L’ATLANTIDE) ont toujours fasciné. Ici les scènes aquatiques ne sont pas toujours du meilleur goût, la faute à des CGI parfois ratés et souvent inutiles car hors propos. De même si le gourou maléfique, joué par Patrick Gordon, est intéressant, du côté des gentils l’interprétation s’avère sans relief. A ce titre on peut citer à comparaître Michael McKell dans le rôle du journaliste sous marin, qui livre ici une performance cruellement monolithique.
…Mais heureusement l’instinct de Brian Yuzna est sauf et même si les défauts précités empêchent BENEATH STILL WATERS d’être le très bon film qu’il aurait pu être, le spectacle est assuré par des scènes très gores et parfois irrévérencieuses, même si Yuzna s’est quelque peu assagi depuis SOCIETY. Au menu donc des visages totalement arrachés, des automutilations très sanglantes et cette fameuse scène d’orgie bien cradingue mêlant homosexualité et déchaînement animal. Le propos n’est certes pas le même pour BENEATH STILL WATERS que pour SOCIETY, le premier nommé se voulant « juste » une bonne grosse série B cherchant avant tout à faire plaisir à l’amateur de péloches débridées .Mais tout de même, une scène aussi anti-correcte fait bien plaisir à voir d’autant qu’elle est emballée sur du bon gros Rock ’n’ roll.
Au niveau des effets spéciaux les scènes gore sont plus que correctes contrairement au look des créatures aquatiques, mal fichu et impersonnelles. A aucun moment leur identité ou leur rôle n‘est révélé et d’ailleurs leur présence à l’écran est très rare, le mal étant focalisé uniquement sur Mordecai Salas, le suppôt de Satan.
Plus amusant est la dose de loufoque insufflée par Yuzna, notamment dans cette scène ou un policier zombie hilare occupé à se couper les deux jambes agite joyeusement son flingue en disant « you’re under arrest ».
Les personnages féminins sont aussi sources de quelques sourires leur rôle étant principalement limité à leur maillot de bain. Le personnage de Susanna et ses répliques parfois très drôles, en est le meilleur exemple.
Pas suffisant pour annuler l’impression de ratage laissée par le film mais Brian Yuzna, en prouvant qu’il ne se prend pas au sérieux, sauve quelque peu BENEATH STILL WATERS des eaux profondes de l’oubli. Il règne sur son oeuvre un côté Bis décérébré et un peu fou qui rend sa vision parfois bien sympathique. Compte tenu de la qualité de l’histoire on était certes en droit d’attendre plus mais pourquoi se refuser une petite gourmandise surtout si elle est fate pour nous ?

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