Un texte signé Philippe Chouvel

Italie, Espagne - 1972 - Giorgio Ferroni
Titres alternatifs : La notte dei diavoli
Interprètes : Gianni Garko, Agostina Belli, Umberto Raho, Cinzia de Carolis, Teresa Gimpera, Roberto Maldera

Dossierretrospective

La nuit des diables

Industriel, Nicola se rend en Yougoslavie, non loin de la frontière italienne, afin d’acheter du bois auprès d’une compagnie. En chemin, sur une petite route coupant à travers bois, il manque de peu de renverser une femme. Sa voiture, après avoir heurté un obstacle, est inutilisable. Il cherche alors de l’aide et tombe sur une vieille masure, puis sur ses occupants, les membres d’une famille venant tout juste d’enterrer l’un des leurs. Tous ces gens sont volontairement coupés du monde, pour des raisons qu’ils ne veulent pas dévoiler.
Contraint d’accepter leur hospitalité jusqu’ à ce que sa voiture soit réparée, Nicola se rend compte rapidement que cette famille cache un lourd secret, lié à une malédiction d’origine surnaturelle. Malgré cela, il s’entiche de Sdenka, celle-ci ne semblant pas insensible, non plus, au charme de l’étranger. Mais la malédiction est bien réelle, et va bientôt s’abattre sur toute la famille.
Après Mario Bava avec LES TROIS VISAGES DE LA PEUR (1963), son compatriote Giorgio Ferroni (LE MOULIN DES SUPPLICES, HERCULE CONTRE MOLOCH) adapte à son tour un roman issu de la littérature fantastique russe : « La Famille du Vourdalak. Fragment inédit des Mémoires d’un inconnu ». Cet ouvrage fut rédigé en 1839 (en langue française, s’il vous plaît!) par Alexis Konstantinovitch Tolstoï. Moins renommé que son cousin Léon mais néanmoins talentueux, Alexis Tolstoï (1817-1875), poète et romancier, s’inspira en plusieurs occasions du folklore fantastique de son pays à travers ses écrits (on lui doit également « Les Vampires », en 1841).
Le Vourdalak (ou Wurdalak) préfigure le vampire tel que le décrira Bram Stoker avec « Dracula », en 1897. Le Vourdalak, dans la mythologie russe, est un humain victime d’une malédiction, devenant un mort-vivant qui cherche une proie à la nuit tombée. A la différence du vampire que nous connaissons, le Vourdalak ne s’en prend qu’à des membres de sa famille, ou à des amis proches, voire à l’être aimé.
Le film de Giorgio Ferroni est une réussite à tous les niveaux. Choisissant l’époque contemporaine (le début des années soixante-dix en l’occurrence), il parvient à transformer une simple chaumière perdue dans la forêt en décor gothique, et à distiller un climat d’horreur tout au long du film, autant dans le temps présent (le début et la fin du film) que dans le long flashback qui constitue le canevas de l’histoire. Le réalisateur utilise avec efficacité le paradoxe entre le personnage central de Nicola, qui symbolise l’homme citadin, rationnel et cartésien, et la famille qu’il va rencontrer, des paysans figés dans un monde régi par les croyances et les superstitions, et vivant retirés de la civilisation.
Ce choc des cultures va évidemment tourner en défaveur du héros, qui va vivre un véritable cauchemar éveillé qui le poursuivra au-delà des bois maléfiques où le destin avait décidé de le conduire.
Dans le rôle de Nicola, Gianni Garko , connu pour ses performances dans de nombreux westerns, dont les divers SARTANA, mais aussi L’EMMUREE VIVANTE de Lucio Fulci, donne le meilleur de lui-même, parvenant à transmettre au spectateur la terreur s’insinuant en lui. Les membres de la famille slave victime de la malédiction sont eux aussi parfaits dans leurs rôles respectifs, notamment Roberto Maldera (L’APPEL DE LA CHAIR), Cinzia de Carolis (LE CHAT A NEUF QUEUES), Teresa Gimpera (FATA MORGANA) et Bill Vanders (PERVERSION STORY).
Et puis, n’oublions pas la magnifique Agostina Belli, célèbre pour PARFUM DE FEMME de Dino Risi, bien sûr, mais qui œuvra aussi dans le cinéma populaire avec LE MONSTRE DU CHATEAU ou encore JOURNEE NOIRE POUR UN BELIER. Elle incarne ici Sdenka, personnage ambigu jusqu’au dénouement, dont on se demande si elle a pu échapper ou non à la malédiction.
Si l’on ajoute les effets spéciaux dus au spécialiste Carlo Rambaldi, et une partition musicale de Giorgio Gaslini (qui travailla notamment sur la musique de PROFONDO ROSSO avec le groupe Goblin), contribuant tous deux à l’ambiance macabre et inquiétante de ce long métrage, on peut dire que LA NUIT DES DIABLES compte parmi les grandes réussites du cinéma fantastique des années soixante-dix, dont la teneur horrifique conserve aujourd’hui encore toute son efficacité.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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