retrospective

La nuit des extra-terrestres

Inspiré d’un fait réel s’étant déroulé en 1962, LA NUIT DES EXTRA TERRESTRES (THE UFO INCIDENT) retrace 13 ans après, l’aventure survenue à un couple mixte, Betty et Barney Hill, prétendant avoir été enlevés par des extra-terrestres. Souffrant de troubles psychologiques, le couple entame une thérapie auprès du docteur Simon lequel, par le biais de l’hypnose régressive, met à jour « l’expérience » vécue par les deux héros. Rêve, phantasme ou réalité ? Les séances enregistrées donneront naissance à un livre, matériel sur lequel s’appuie le film pour dérouler sa fiction.

Il convient d’abord de replacer LA NUIT DES EXTRA TERRESTRES dans son contexte, médiatique d’abord – celui d’une fiction destinée à la télévision -, chronologique ensuite. En effet, sorti en 1975, le film fait suite à quelques fictions cinématographiques mettant en scène des extra-terrestres comme INVASION FROM INNER EARTH (Bill Rebane, 1974), MOSCOU-CASSIOPEE (Richard Viktorov, 1974) ou encore UFO : TARGET EARTH (Michael A.DeGaetano, 1974) qui prend la forme d’une enquête sur les UFO menée à travers divers interviews. Rôde encore à l’arrière-plan du téléfilm l’ombre de la célèbre série de Larry Cohen, LES ENVAHISSEURS, programmée aux Etats-Unis sur le petit écran de 1967 à 1968 et dans laquelle le héros David Vincent ne cesse d’interroger la croyance des autres personnages sur l’existence du fait extra-terrestre. C’est donc centrée autour d’un double pôle : celui psychologique du fait même de la croyance, celui formel du réalisme documentaire, que la fiction de LA NUIT DES EXTRA TERRESTRES se déploie. Il est d’autant plus intéressant de regarder le téléfilm aujourd’hui que ces dernières années ont vu refleurir, influencées par le modèle réaliste du found footage, des fictions cinématographiques d’enlèvements extraterrestres comme, entre autres, ALIEN ABDUCTION ou PHENOMENES PARANORMAUX (2009).
Réalisé par Richard A.Colla, à qui l’on doit le pilote de QUESTOR TAPES et deux autres téléfilms orientés par des problématiques de science-fiction (la cryogénisation avec LIVE AGAIN, DIE AGAIN et le voyage préhistorique avec THE TRIBE), LA NUIT DES EXTRA TERRESTRES apparaît comme une petite réussite de retenue et de sobriété, préférant orienter l’action dans la description intimiste plutôt que vers le versant sensationnaliste et spectaculaire. Ainsi, c’est au coeur du couple interracial que prend source, se développe et s’achève l’histoire dont la parenthèse extra-terrestre aura formé le moteur dramatique. Entre Barney (magnifiquement incarné par James Earl Jones, découvert en 1964 dans le DOCTEUR FOLAMOUR de Kubrick) et Betty (Estelle Parsons, second rôle remarquable dans BONNIE ET CLYDE), prend place le traumatisme d’un souvenir partagé et enfoui, que l’hypnose parviendra à mettre à jour. La reconstitution des années 60, également tout en sobriété, opère par petites touches, sans jamais souligner outre mesure les liens qui peuvent être opérés entre les événements et la paranoia. La crise des missiles de Cuba, le racisme ordinaire et la constante peur d’une agression, refoulée par Barney, Afro-américain vivant en couple avec une femme blanche, définissent l’arrière-plan d’une angoisse sourde sur lequel se détache l’amour solaire du couple. Le moment de l’enlèvement apparaît alors moins comme le but visé par le film, que comme le révélateur d’une intimité domestique, et plus largement comme moyen de dévoiler un certain état d’une Amérique paranoïaque et placée sous la coupe d’un héritage violente. Les manipulations dont le couple affirme avoir été l’objet tournent ainsi autour de la peau, signe distinctif d’une humanité mais aussi d’une répartition raciale. L’argument métaphysique (existe-t-il d’autres êtres vivants et pensants que l’homme au sein de l’univers ?) n’a finalement que peu de poids face à des préoccupations plus politiques, comme la question du vivre ensemble en s’assortissant des différences.
En misant l’ensemble du film sur le couple, Colla réussit donc son pari et met d’autant plus en valeur les quelques plans consacrés au vaisseau et aux expériences qui y sont menées. On peut au final remercier Elephant d’avoir permis de redécouvrir cette petite pépite qui n’avait jusque là pas bénéficié de sortie DVD. C’est maintenant chose faite.

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