La petite fille au bout du chemin

Un texte signé Sophie Schweitzer

Etats-Unis, Canada, France - 2019 - Nicolas Gessner
Titres alternatifs : The Little Girl Who Lives Down the Lane
Interprètes : Jodie Foster, Martin Sheen, Scott Jacoby

Dans une petite ville côtière isolée, Rynn, adolescente de 13 ans, s’apprête à fêter seule son anniversaire le soir d’Halloween lorsqu’on frappe à sa porte. Frank Hallet, fils de l’agent immobilier louant la maison au père de Rynn, en force l’entrée. Rynn, comprenant assez vite que l’homme, ne manquant pas d’audace, est visiblement attiré par sa jeunesse, adopte aussitôt une attitude de détachement, ignorant le comportement de l’intru en espérant qu’il finisse par perdre patience. Malheureusement pour Rynn, les Hallet semblent aller et venir chez elle comme s’ils étaient les propriétaires de la maison. Et le père de l’adolescente étant aux abonnés absents – on ignore d’ailleurs où il se trouve – la jeune fille va devoir se débrouiller toute seule face aux invasions répétées des Hallet et à la curiosité du village à son encontre.

LA PETITE FILLE AU BOUT DU CHEMIN est l’adaptation d’un roman de Laird Koenig qui a lui-même écrit le scénario, gardant tout l’aspect vénéneux et perturbant de son roman. C’est cet aspect qui est au centre du film. Ce dernier déploie assez vite les codes du film d’horreur, avec une première scène distillant un venin qui par la suite va se propager. Cependant, l’intrigue est bien loin de celle d’un film d’horreur, nul tueur masqué, nul massacre à l’horizon, il s’agit plutôt d’une horreur psychologique, et des ressorts d’un thriller trempé à l’arsenic. Puisque le sujet est la pédophilie, et l’héroïne une adolescente de 13ans à peine, le parfum de malaise s’installe très vite pour ne plus nous quitter, même si, à l’instar des séries B, le film offre des moments de relâchement et de soupape.

Le réalisateur, Nicolas Gessner, est réputé pour l’ambiance pesante de ses films, pour la plupart des téléfilms ou épisodes de séries. Quel que soit le genre qu’il attaque (espionnage pour LA BLONDE DE PÉKIN, complot pour QUELQU’UN DERRIÈRE LA PORTE), il plonge le spectateur dans une atmosphère lourde, pour ne pas dire poisseuse. Et c’est ce qu’il fait dans LA PETITE FILLE AU BOUT DU CHEMIN, n’hésitant pas à laisser s’attarder une scène afin de renforcer la sensation d’angoisse, et confirmer celle d’enfermement. Car rapidement, ce salon où se passe toute l’intrigue devient un lieu clos où l’angoisse monte crescendo. Il est amusant de constater que le réalisateur joue avec le moindre élément de décor pour créer du suspense à la manière de Hitchcock, en mettant au centre de l’image un élément source à problème pour les personnages.

Mais ce qui fait la force du film est bel et bien le jeu des acteurs. Jodie Foster, qui sortait alors de TAXI DRIVER, incarne la jeune Rynn. Jeune fille brillante voire surdouée, un parallèle se joue entre le personnage et l’actrice (qui elle-même était une adolescente très mature pour son âge) créant un effet troublant de réalisme. Et le jeu d’actrice qu’elle offre à voir donne lieu à des scènes vraiment glaçantes, notamment à la fin du film avec un regard presque caméra qui vient chercher le spectateur. L’autre acteur dont le jeu est à saluer est Martin Sheen, qui incarne le fringuant et très pervers Frank Hallet. Il donne au personnage ce ton impertinent, cette gueule d’ange charmeur et cette gestuelle séductrice qui devient tout à fait malsaine quand elle s’adresse à la jeune Rynn.

LA PETITE FILLE AU BOUT DU CHEMIN est une pépite malheureusement méconnue qui mérite d’être découverte ou redécouverte. Que ce soit dans son maniement extrêmement habile des genres (on passe de l’horreur au suspense, en passant par le drame d’une manière très adroite) ou dans les thématiques abordées, le film est d’une modernité étonnante et parvient à déstabiliser le spectateur pour s’imprimer sur sa rétine à la la manière d’un shocker, sans toutefois user des mêmes ressorts.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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