BIFFF 2011review

La proie

Après une série de courts métrages et un détour par la télévision, le toulousain Eric Valette s’était, en 2002, agréablement signalé auprès des amateurs en réalisant un efficace huis clos horrifique à petit budget, MALEFIQUE. Depuis, le cinéaste a tâté du remake (ONE MISSED CALL), du thriller politique (UNE AFFAIRE D’ETAT) et du bis assumé (HYBRID) avant de revenir avec LA PROIE, polar à l’ancienne rondement mené.

L’intrigue s’avère simple et pas franchement originale en présentant un braqueur en attente de sa libération, Franck Adrien (Albert Dupontel) qui confie la cachette de son magot à son camarade de cellule, Jean-Louis Maurel, accusé de pédophilie mais libéré après avoir été reconnu innocent et victime d’une erreur judiciaire. Malheureusement, Maurel est bel et bien un sadique manipulateur et, à peine libéré, il supprime l’épouse d’Adrien, s’empare du pognon et enlève sa petite fille afin de reconstituer une véritable famille avec sa compagne Christine. Découvrant qu’il a été berné par son ancien codétenu, Adrien s’évade et se lance à sa poursuite, lui-même traqué par l’inspectrice Claire Linné. Pendant ce temps, Maurel oriente l’enquête sur Adrien et lui colle sur le dos une série de crime au point d’en faire l’ennemi public numéro un. Seul un ancien flic, Manuel Carrega, apporte son soutien à Adrien, persuadé de la culpabilité d’un Maurel qu’ils poursuivent jusque dans le Sud de la France.

Polar rentre dedans, LA PROIE ne plaira pas aux critiques coincés du cul qui se paluchent sur des pensums énumérant les problèmes existentiels de quadra parisiens tentés par l’adultère mais devrait satisfaire les amateurs de divertissements bien rythmés. En dépit d’un argument classique, le métrage s’appuie sur un scénario solide qui ménage suffisamment de rebondissements pour tenir le spectateur en haleine. Bien sûr, il faudra accepter quelques incohérences et invraisemblances, ainsi qu’un héros increvable, mais n’est ce pas une caractéristique du genre ? Dans le rôle du fugitif, Dupontel, musculeux et enragé, démontre ses aptitudes physiques et effectue d’impressionnantes (quoique peu crédibles) cascades mais se montre tout aussi convaincant dans les moments plus calmes, alors que le piège orchestré par son diabolique ennemi se referme inexorablement sur lui. Face à lui, le glaçant Stéphane Debac s’avère excellent en tueur pédophile manipulateur cachant, derrière son physique de jeune homme effacé et sa voix douceâtre, un redoutable prédateur semant sur sa route divers indices menant tout droit au pauvre Dupontel. L’inspectrice chargée de l’enquête, jouée par Alice Taglioni, se doute pourtant de quelque chose tandis que ses supérieurs se moquent de son intuition féminine et lui demandent d’abattre sans sommation notre héros évadé rendu responsable de la mort d’un flic. Dommage que certains seconds rôles (en particuliers Sergi Lopez) s’avèrent nettement moins convaincants et doivent déclamer quelques répliques plutôt maladroites versant parfois dans la caricature ou le comique involontaire.
Ponctuant les scènes dialoguées d’une poignée de passages énergiques, de quelques courses poursuites rageuses totalement lisibles et d’une séquence d’évasion brute de décoffrage, Eric Valette accouche, au final, d’une oeuvre fort plaisante et sans prétention mais assumant complètement son statut de divertissement du samedi soir entre tradition française et modernisme ricain.
Dénué de tout ce qui parasite trop souvent les tentatives françaises de genre (les références trop appuyées, les sous-textes politiques pour plaire à la presse sérieuse ou l’humour second degré assommant), LA PROIE joue donc la carte de la série B et rien d’autre. De son côté, Eric Valette opte avec bonheur pour une mise en scène sèche, sans effet de style pénible ni concession à la mode (ici, pas de shaky cam ou de montage ultra cut mais une réalisation citant volontiers la crème du polar à l’ancienne et en particulier l’inévitable William Friedkin) qui confère au métrage un rythme haletant des plus appropriés.
Après deux décennies dominées par la comédie lourdingue et le cinéma d’auteur bobo à vocations sociales pseudo branché, LA PROIE revient (enfin !) à un divertissement populaire efficace rappelant les grandes heures de Delon et Belmondo passées à la moulinette du polar à l’américaine.
Aux cotés de Pierre Morel (TAKEN), Louis Leterrier (LE TRANSPORTEUR), Olivier Marchal (36 QUAI DES ORFEVRES), Fred Cavayé (A BOUT PORTANT), Jérome Salle (LARGO WINCH) ou des talentueux expatriés comme Alexandre Aja (HAUTE TENSION), Eric Valette prouve qu’il est à nouveau possible, en France, de réaliser des films de genre divertissants et burnés. En dépit de ses défauts, on pardonnera donc à LA PROIE ses faiblesses pour saluer l’efficacité de l’ensemble et cette tentative réussie de renouer avec le vrai polar musclé, parfait pour une sortie cinéma du samedi soir.

LA PROIE a été présenté en avant première au Festival du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF) en avril 2011

Retrouvez nos chroniques du BIFFF 2011.

Retrouvez notre interview d’Eric Valette.

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