La región salvaje

Un texte signé Sophie Schweitzer

Mexique - 2016 - Amat Escalante
Interprètes : Ruth Ramos, Simone Bucio, Jesús Meza, Edén Villavicencio

Veronica est une jeune femme solitaire qui se rend régulièrement dans une cabane au milieu de la montagne pour s’accoupler avec une étrange créature dotée de tentacules. Mais celle-ci va la rejeter violemment. Veronica, en manque, se lie d’amitié avec l’infirmier l’ayant soigné. Lui aussi est dans à sens unique, elle le présente donc à la créature, mais les choses vont déraper.

Difficile de résumer LA REGION SALVAJE tant le film est complexe, réunissant trois personnages qui souffrent tous de relations amoureuses compliquées, des relations qui leur pèsent, les font souffrir aussi bien physiquement que mentalement. Et pourtant, tous y reviennent. Le film traite aussi bien de l’addiction, de l’état de manque, que de la possessivité dans les relations amoureuses et de l’aveuglement que donne le sentiment amoureux. Une complexité qui aurait pu donner une mauvaise comédie romantique ou un drame ennuyeux et peu crédible, mais ce n’est pas le cas ici.

Etrangeté filmique où se mêle fantastique, horreur et les thématiques chères au film d’auteur plein de subtilité, LA REGION SALVAJE nous plante un décor sauvage, celui de la ville où les cœurs se fendent, où les mensonges s’érigent en barrière, où les êtres se perdent et s’oublient face au décor bucolique de la cabane au milieu de la montagne qui pourtant cache la créature. Celle-ci, au fond, est aussi implacable et cruelle que peuvent l’être les hommes et les femmes. Seulement, elle vous fait connaître un plaisir inavouable, incommensurable, au point que vous en acceptez le prix.

Mais ce qui touchera les amateurs du genre, c’est la bizarrerie de la créature qui éveille tout un imaginaire. On pense évidemment aux estampes érotiques japonaises qui donneront naissance plus tard aux hentaï, mais aussi à Lovecraft, évidemment, ou à POSSESSION de Zulawski, un autre film fort sur la dépendance, l’amour et l’aveuglement. Et nul doute que le réalisateur avait en tête toutes ces références. Le choix de la créature n’est pas anodin. Pas plus que les choix de mouvements de caméra qui balayent la campagne avec autant de douceur qu’elle balaye les corps nus offerts au monstre.

Si le film a parfois des moments un peu brouillon, comme par exemple le début qui est un peu confus, où l’on peine à comprendre qui est qui, à d’autres il est trop abrupt. Notamment la fin qui s’achève trop brusquement au vu du rythme général du film, comme si le réalisateur craignait de trop en dire, de trop en faire. Il brille quelques fois d’instants de grâce, comme la confrontation dans une cuisine d’Alejandra et de son mari, qui prouve qu’Amat Escalante, le réalisateur de LA REGION SALVAJE, est définitivement quelqu’un à suivre.

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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà


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