Un texte signé André Quintaine

Espagne, Portugal - 1972 - Amando De Ossorio
Titres alternatifs : La Noche del Terror Ciego
Interprètes : Lone Fleming, Cesar Burner, Helen Harp

retrospective

La Révolte des Morts-Vivants

Au Moyen-Age, des Templiers emmènent une jeune vierge de force dans leur château. Ils l’attachent à une croix et la sacrifient au nom de Lucifer: deux cavaliers assènent des coups d’épées, avant que les autres ne se jettent sur elle pour la dévorer.
De nos jours: Elizabeth et Virginia se rencontrent accidentellement au bord d’une piscine. Anciennes amantes, elles ont fait connaissance lors d’un concours de beauté, mais ne se sont plus revues depuis des années. Roger, le petit ami de Virginia, les interrompt et après une petite discussion, invite Elizabeth à venir avec eux en week-end.
Dans le train qui doit les emmener vers leur destination pour le week-end, Roger se met à draguer ouvertement Elizabeth, sous les yeux de Virginia. Exaspérée, celle-ci les quitte pour prendre l’air, à l’autre bout du wagon. Elizabeth la rejoint et la rassure en lui expliquant qu’elle ne l’a pas oubliée et qu’elle a accepté de venir exclusivement pour être avec elle. Virginia, tiraillée entre Elizabeth et Roger saute du train.
Lorsque le train arrive en gare, Elizabeth et Roger décident de partir à la recherche de Virginia, mais, naturellement, personne ne veut les emmener au château en ruine où semble s’être réfugiée Virginia. Ils se voient donc obligés d’y aller seuls à cheval. Entre temps, les deux conducteurs du train qui relie le village au reste du monde, aperçoivent de leur cabine un cadavre, gisant près du château.
Alors qu’Elizabeth et Roger poursuivent leurs recherches au château, ils tombent sur des policiers qui leur annoncent la mort de Virginia.
Elizabeth et Roger mènent leur enquête parallèlement à celle de la police. Ils rencontrent ainsi un professeur qui leur explique que les Templiers pratiquaient la magie noire. Ils sacrifiaient les vierges pour boire leur sang. Ils imposaient ainsi leur foi à toute la région, jusqu’à ce que le peuple se rebelle finalement et les pendent.
La nuit suivante, Virginia revient d’entre les morts et tue un agent de service à la morgue.
L’inspecteur apprend ensuite à nos deux détectives qu’il a un suspect, Pedro, un petit malfrat qui sévit près du château.
Elizabeth et Roger prennent la police de vitesse et rencontrent Pedro, qui leur prête son aide pour résoudre le mystère. Nos trois compères partent pour le château en pleine nuit, accompagnés par Maria, la petite amie de Pedro. Alors que Roger fait plus ample connaissance avec Maria, Pedro, seul avec Elizabeth, la drague vulgairement. Il finit par la violer (Amando De Ossorio semble ici vouloir donner l’explication de l’homosexualité d’Elizabeth en la laissant nous apprendre que ceci n’est pas le premier viol dont elle est victime).
Les cloches se mettent alors à sonner, et les morts-vivants sortent de leurs tombes. Pedro, qui n’en mêne plus large, devient leur repas. Elizabeth s’enfuit et s’enferme dans le château avec Maria. Roger voit les zombies et prend ses jambes à son cou. Il arrive devant la porte du château. Elizabeth ne peut lui ouvrir, empêchée par Maria. Quand finalement elle arrive à se débarrasser de celle-ci et à ouvrir la porte, c’est pour voir Roger mourir dans ses bras. Alors que Maria se fait dévorer par les morts-vivants, Roger a le temps de dire à Elizabeth que les zombies sont aveugles. Elizabeth reste calme, immobile, mais les battements de son coeur la trahissent. Elle est obligée de s’enfuir. Elle voit au loin le train passer. Elle prie les conducteurs de s’arrêter, ce qu’ils font finalement. Malheureusement, alors qu’Elizabeth a le temps de se cacher au-dessus d’un wagon, les morts-vivants rattrapent le train, pénètrent dans les compartiments, et déciment tous les passagers. Lorsque le train arrive finalement en gare, c’est pour déverser un flot de morts-vivants sur le quai.
LA REVOLTE DES MORTS-VIVANTS est le premier film de la tétralogie des Templiers dont l’auteur est Amando De Ossorio. LA REVOLTE est sans doute également le meilleur des quatre.
Tout a été mis en oeuvre pour rendre ce film excellent. La musique est extrêmement effrayante avec ses chants moyenâgeux et ses complaintes, accompagnées de craquements de chaînes et d’os. Les magnifiques décors du château en ruine et du cimetière, sinistre de jour comme de nuit, confèrent au film un ton particulièrement terrifiant.
L’ambiance très “épouvante” qui rythme LA REVOLTE est renforcée encore par l’aspect des morts-vivants. L’ensemble de ces éléments permet au film de se distinguer des autres oeuvres du même genre.
Les morts-vivants, monstrueux, aux tuniques poussiéreuses et loqueteuses, sont en fait des squelettes. Malgré cette singularité, ils ne donnent jamais une impression de rigidité, et font réellement illusion.
Ils sont de plus extrêmement soignés. Outre leur allure originale, on peut en voir arborant une barbe, deux autres marchant côte à côte, des toiles d’araignées allant de l’un à l’autre.
Ces remarques peuvent paraître futiles, mais elles témoignent avant tout du sérieux que Amando De Ossorio a apporté à son film. C’est ce genre de détail qui apporte une consistance à la terreur que l’on peut éprouver face à des zombies. Ce sont eux également qui font la différence avec, par exemple, les zombies de LA NUIT FANTASTIQUE DES MORTS-VIVANTS de Joe D’Amato, qui n’ont manifestement pas bénéficié d’autant d’attention.
Leur première apparition, le long des arcades du château, est déjà magnifique en elle-même, mais l’image des zombies chevauchant leur monture apporte une dimension encore plus surnaturelle au film. De Ossorio a conscience du problème de la mise en image de morts-vivants à cheval, et, il évite le kitsch ou le ridicule en les montrant avancer au ralenti. La sortie des morts-vivants de leurs tombeaux n’est certes pas originale, mais elle reste très belle.
De Ossorio joue le suspense aussi, lors de la confrontation entre Virginia et les morts-vivants. Ceux-ci s’approchent doucement, leurs pas résonnent sur les dalles de pierres du château, pendant que Virginia se rhabille lentement, inconsciente de la dizaine de zombies se réunissant juste derrière le mur qui la sépare d’eux.
La fin est peut-être quelque peu tirée par les cheveux (Elizabeth se traîne longuement et pitoyablement à terre en poussant de petits cris alors que les Templiers sont à ses trousses). Mais la grandiose attaque du train par les zombies constitue un grand moment de suspense.
Une autre scène qui détonne est celle de l’identification du cadavre de Virginia à la morgue. Un type qui doit soulever le drap recouvrant le visage de la victime pour l’identifier, prend son temps, faisant durer le suspense d’une manière sadique pour Elizabeth déjà à bout de nerf. Quand finalement il enlève la couverture, sidérés, nous découvrons qu’il s’agit du mauvais cadavre, et que le type s’est trompé de façon délibérée. La scène est déconcertante, gratuite, atroce émotionnellement.
La scène se déroulant juste après que Roger ait averti Elizabeth de l’handicap des morts-vivants est également géniale. De Ossorio joue avec les habitudes du spectateur qui s’attend alors à ce que Elizabeth, en restant calme, sauve sa peau. Pas du tout ! Alors que le silence s’installe, un bruit subsiste, celui des battements du coeur d’Elizabeth. Le bruit se fait de plus en plus fort, et Elizabeth comprend que ce son, synonyme de vie, risque paradoxalement de la lui coûter. L’idée est originale, et comme le reste, parfaitement mise en scène.
Quelques défauts subsistent malgré tout. L’histoire est guère originale et l’on retrouve nos bons vieux autochtones culs-terreux refusants de parler du château hanté, de peur de provoquer la malédiction.
L’érotisme est latent et ne se justifie pas. Virginia se dévêt, on ne comprend pas pourquoi. Serait-ce pour nous montrer son corps dans la splendeur de sa nudité ? Frustrant, car on la voit de dos, en fait.
La mort rapide de Virginia est également dommage. Cela aurait pu être sympa d’avoir des lesbiennes comme couple héros d’un film. A la place, on a une lesbienne devenant hétéro, quittant son homosexualité pour un macho infidèle, puis pour un type qui la viole. Incompréhensible ! Mais bon, je chipote, la condition de la femme au cinéma n’est pas le propos de ce dossier.
On regrettera aussi que Virginia, transformée en morte-vivante, ne déambule pas nue à la recherche de victimes. On a en effet jugé bon de l’affubler d’un slip et d’un soutien-gorge, confectionnés à partir de bandes chirurgicales, dont la présence est complètement inexplicable. A moins que l’on prenne en compte l’hypothèse que les morts-vivants puissent être pudiques. Enfin, cette vision de Virginia morte et nue, commettant ses méfaits aurait pu apporter au film un petit soupçon d’érotisme post-mortem non négligeable.
Malgré ces minces critiques, LA REVOLTE DES MORTS-VIVANTS est un très bon film dont la vision est un véritable plaisir.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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