La septième malédiction

Un texte signé Clément X. Da Gama

Hong-Kong - 1986 - Lam Nai-Choi
Titres alternatifs : The Seventh Curse
Interprètes : Chin Siu-Ho,Maggie Cheung,Chow Yun-Fat

Yuan Chen, jeune et fringuant médecin, est victime d’une malédiction jetée par un sorcier thaïlandais. Il a sept jours pour sauver sa vie et, accessoirement, éradiquer une secte de tueurs d’enfants.

Lam Nai-Choi est l’un des plus grands noms du cinéma d’exploitation hongkongais. S’il ne peut pas rivaliser avec la barbarie d’un Herman Yau (THE UNTOLD STORY) ou le sens du montage d’un Ringo Lam (FULL CONTACT), Lam Nai-Choi a réalisé plusieurs œuvres marquantes, attachantes ou tout simplement folles. Dans HER VENGEANCE, une femme violée s’en va massacrer ses agresseurs avec le soutien d’un paraplégique adepte du burn et du drift en fauteuil roulant ; dans THE CAT, un chat venu de l’espace se bat contre un bulldog lors d’un combat homérique de 5 minutes ; dans THE STORY OF RICKY, le héros trucide de manière ultra-gore ses ennemis dans une prison de haute sécurité. Lam Nai-Choi n’est donc pas un esthète qui trouvera grâce aux yeux de Télérama. Il est un cinéaste efficace, qui sait offrir à son public des moments aussi jubilatoires que débiles. De ce point de vue, LA SEPTIÈME MALÉDICTION n’est pas en reste.

La structure narrative du film est un joyeux foutoir. Durant les premières séquences, nous avons droit à une prise d’otages, des fusillades, du kung-fu, une touche d’érotisme, du kung-fu encore avant que le fantastique (via la malédiction dont Yuan Chen est victime) n’intervienne dans le récit. Un flashback d’une vingtaine de minutes explicite alors les tenants et aboutissants de cette malédiction, puis l’on revient au temps présent pour suivre le périple de Yuan Chen en Thaïlande. Vous ne trouvez pas ça assez bordélique ? Ajoutons un héros qui, s’il est médecin, est également un combattant hors pair et un spécialiste des armes à feu. Ce n’est toujours pas assez bizarre ? Et bien, saupoudrons le tout d’un squelette qui pratique le kung-fu, d’un fœtus volant maléfique assoiffé de sang et d’une journaliste qui prend des clichés avec un appareil photo jetable ! Qu’il s’agisse de l’enchaînement des séquences ou de leurs contenus, LA SEPTIÈME MALÉDICTION est une œuvre où le « n’importe quoi » règne en maître absolu.

Le caractère bordélique du film se retrouve dans le sur jeu des acteurs. Les comédiens grimacent, hurlent, ricanent de manière excessive, dans la plus pure tradition du cinéma d’exploitation/populaire hongkongais (voir à ce titre EBOLA SYNDROME ou SHAOLIN SOCCER). De même, LA SEPTIÈME MALÉDICTION enchaîne les péripéties et scènes d’action jusqu’à annihiler toute idée de logique narrative. L’enjeu principal du film (Yuan Chen doit se débarrasser de sa malédiction) se perd en cours de route au profit d’une succession de saynètes certes réussies, mais dont l’utilité narrative est discutable. C’est précisément ici que le film peut diviser. En proposant une intrigue si décousue, LA SEPTIÈME MALÉDICTION va immanquablement déplaire aux spectateurs les plus frileux, peu attirés par un cinéma aussi halluciné dans la forme que dans le fond. A l’inverse, le film de Lam Nai-Choi peut être considéré comme un Saint Graal du cinéma d’exploitation, une œuvre généreuse qui offre en 1h15 tellement de délires visuels et narratifs que le spectateur ne peut en ressortir que repu et heureux. Surtout quand on apprécie le mélange des genres…

Il est très malaisé de classifier génériquement LA SEPTIÈME MALÉDICTION. Si très peu de films sont véritablement purs sur le plan générique, celui de Lam Nai-Choi est (à nouveau !) un vrai bordel. LA SEPTIÈME MALÉDICTION s’ouvre comme un film policier hongkongais typique, avec ses flics nerveux armés de mitrailleuses et ses criminels jusqu’au-boutistes qui agressent la maréchaussée à grands coups de grenades. Puis le film vrille vers le genre du kung-fu. Les chorégraphies, sans être aussi élaborées et belles qu’un IL ÉTAIT UNE FOIS EN CHINE, ont la particularité d’être toujours lisibles et brutales. Surtout lorsque ce sont des moines bouddhistes survoltés qui castagnent le pauvre héros (et la non-violence dans tout ça ?). LA SEPTIÈME MALÉDICTION emprunte également les chemins du film d’horreur/gore. Au-delà du squelette adepte de la mandale et du fœtus volant (non identifié ?), mentionnons cette scène où un homme, frappé par une charmante malédiction, voit son corps être infesté par des vers. Il a alors la drôle d’idée de lacérer son visage et son ventre pour faire sortir les intrus… En passant ainsi d’un genre à un autre (ou en les mélangeant), Lam Nai-Choi nous gratifie d’un spectacle dynamique, qui se renouvelle sans cesse ; un spectacle hautement jouissif, pour peu évidemment que l’on ne soit pas réfractaire aux différents genres convoqués…

LA SEPTIÈME MALÉDICTION constitue une expérience à part entière. Un récit original et foutraque, servi par des acteurs en overplay et où le plaisir immédiat prime sur la cohérence de l’ensemble. Un film gore/policier/fantastique/action/kung-fu dont on ne compte plus les morceaux de bravoure et qui apparaît comme une quintessence de ce que Hong-Kong peut faire de mieux en terme de cinéma d’exploitation. Vivement déconseillé à celles et ceux pour qui un film doit proposer une histoire cohérente et structurée, LA SEPTIÈME MALÉDICTION est un moment de pur plaisir pour les amoureux d’un cinéma différent, en roue libre.


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- Article rédigé par : Clément X. Da Gama

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