La terreur des Kirghiz

Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1964 - Antonio Margheriti, Ruggero Deodato
Titres alternatifs : Ursus il terrore dei Kirghisi
Interprètes : Reg Park, Ettore Manni, Mireille Granelli

Moins populaire que les mythiques Hercule ou Maciste, le personnage d’Ursus est néanmoins apparu dans une petite dizaine de péplums italiens des années 60, plusieurs fois sous les traits de l’acteur Ed Fury (URSUS DANS LA TERRE DE FEU de Giorgio Simonelli,1963). D’origine ethnique interchangeable selon les films (il est tour à tour grec, romain, polonais ou barbare…), son nom disparaissait parfois de l’affiche en traversant les Alpes (c’est le cas pour le film qui nous intéresse) ou était transformé en « Maciste » ! (MACISTE DANS LA VALLEE DES LIONS de Carlo Bragaglia, 1961). Le réalisateur Antonio Margheriti (aka Anthony M.Dawson) dont la filmographie est déjà riche à l’époque d’une dizaine de titres (LA DANSE MACABRE, 1963) propose au producteur de confier la réalisation de LA TERREUR DES KIRGHIZ à son jeune assistant-réalisateur, Ruggero Deodato, Antonio Margheriti se chargeant des seules scènes d’effets spéciaux (sa spécialité). Pour son premier essai, le futur réalisateur de l’insurpassable CANNIBAL HOLOCAUST (1981) se retrouve vite débordé et contraint d’appeler son « maître » à la rescousse ; au final, de nombreuses scènes seront filmées par Antonio Margheriti et la production décidera de créditer son seul nom (beaucoup plus connu) au générique.
Il y a bien longtemps, dans les steppes d’Asie Centrale, deux tribus coexistent tant bien que mal : les Tcherkesses menés par Ursus et les Kirghiz qui ont pour chef le prince Zereteli. Ce dernier déteste Ursus car il est l’élu de Aneko, la future reine (et fille du Kahn assassiné), ce qui fait de lui le prochain prince régent. Par ailleurs, un monstrueux lycanthrope s’attaque, de nuit, à des membres de la tribu des Kirghiz ce qui pousse Zereteli à accuser les Tcherkesses d’être les complices de la créature. Lorsque Ilo, le frère d’Ursus, est attaqué par le monstre, ce dernier laisse choir, avant de s’enfuir, un poignard qui se révèlera être celui d’Ursus ! Y aurait-il finalement un lien entre notre héros et la créature sanguinaire ?
LA TERREUR DES KIRGHIZ est un bon représentant du cinéma populaire italien des années 60 qui n’hésitait pas à faire s’entremêler dans un même film plusieurs genres de la série B, en l’occurrence ici, les genres les plus appréciés de l’époque : le péplum et l’épouvante. Film hybride à plus d’un titre (ne serait-ce que parce qu’il a été engendré par deux réalisateurs), LA TERREUR DES KIRGHIZ a en fait peu à voir avec un péplum (il n’en conserve que le héros surhumain) il est davantage un « film de barbares », sous-genre plus historique que mythologique. Nous avons ainsi droit à une reconstitution assez crédible et détaillée de l’habitat des deux tribus et à une description réaliste de leurs mœurs et coutumes. Mais budget minuscule oblige, les scènes de foule ou les combats spectaculaires sont absents du métrage et quelques plans ont été « volés » au film IVAN LE CONQUERANT (Primo Zeglio, 1960) qui racontait déjà l’affrontement entre les deux mêmes tribus (séquences de la danse érotique dans le palais de Zereteli et de l’attaque contre la forteresse des Kirghiz…). Les éléments fantastiques qui sous-tendent le film se distinguent eux aussi par leur caractère hybride, empruntant aussi bien à « Dr Jeckyll et Mr Hyde » (le brave Ursus qui se transformerait en monstre la nuit venue) qu’aux thèmes de la lycanthropie et de la sorcellerie avec un personnage féminin véritable réminiscence des rôles maléfiques tenus par Barbara Steele. Ce sont en fait ces ingrédients fantastiques adroitement disséminés qui enrichissent et approfondissent le film, rendant son intrigue à base de trahisons politiques plus dense et son dénouement tout à fait inattendu. L’autre traitement insolite de LA TERREUR DES KIRGHIZ est celui réservé à son héros Ursus : outre sa personnalité « schizophrénique », il est assez facilement mis KO puis convalescent pendant une bonne partie du film et n’a pas à accomplir les traditionnelles épreuves de force de tout bon héros de péplum. L’acteur Reg Park qui lui prête ses traits et que l’on pouvait admirer en Hercule invincible, barbu et velu (HERCULE A LA CONQUETE DE L’ATLANTIDE de Vittorio Cottafavi, 1961 ; HERCULE CONTRE LES VAMPIRES de Mario Bava, 1961) est ici totalement glabre et peu combatif, sans que l’on puisse bien sûr avancer qu’il y ait une relation de cause à effet ! En fin de compte, cette bande se révèle assez prenante, parvenant en dépit de son manque de moyens à développer une atmosphère fantastique où le Mal, la dualité et la peur sont les ressorts principaux ; de même la cruauté du prince Zereteli et la noirceur du personnage de la sorcière apportent une touche de sadisme raffiné dont seul les Italiens avaient le secret. Pour l’anecdote, signalons qu’une version du film truffée d’inserts porno est sortie brièvement en France sous le titre LA VIE EROTIQUE D’URSUS !


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

- Ses films préférés :

Share via
Copy link