La tour du diable

Un texte signé Philippe Delvaux

Un phare sur une île percluse de brume au large d’une côte anglaise balayée par les embruns. Un marin et son fils y accostent pour rapidement découvrir les cadavres de trois jeunes gens. Une jeune femme complètement folle se jette sur le plus vieux des marins et le tue. Pénélope – c’est son nom – a-t-elle tué ses compagnons d’escapade – 4 touristes en goguette dans les côtes britanniques – ou bien a-t-elle perdu l’esprit après avoir découvert le massacre et n’aurait-elle agressé l’infortuné pécheur que dans un réflexe de défense. Le détective Evan Brent est engagé par la famille de Pénélope, qui a sombré dans un état catatonique, pour le découvrir. Il se joint à une expédition archéologique rapidement montée… car un des jeunes a été retrouvé transpercé d’une lance en or phénicienne, suscitant l’espoir de retrouver sur l’île le riche tombeau d’un notable dont le navire se serait égaré en ces eaux. Accompagné du jeune Brom, Harry, Le fils du marin tué, convoie Brent et les archéologues Rose, Dan, Nora et Adam jusqu’au phare. Mais ne serait-il pas lié à l’île plus qu’il ne veut l’admettre. La question se posera rapidement dès que se sera produit un nouveau meurtre.

Un phare à l’architecture gothique, abandonné aux toiles d’araignées, une côte déchiquetée battue par les vagues, une brume persistante à couper au couteau – lequel se révèle bientôt prompt à couper de la chair -, des grottes, d’antiques reliques, un monstre qui guette, pas de doutes, LA TOUR DU DIABLE s’érige sur les fondations du gothique anglais tel qu’il règne alors depuis une quinzaine d’année. Mais d’un règne pâlissant en cette année 1972, et qui nécessite un traitement revigorant selon les critères du jour. La potion magique de l’époque mélange violence plus graphique et nudité généreuse. C’est sur ce double argument que se vend La tour du diable. Mais on se demande si le bagout commercial ne l’emporte pas sur le produit final car, après vision, LA TOUR DU DIABLE ne se signale par particulièrement par ses excès graphiques de violence. On relève bien l’un ou l’autre plan gore, notamment de cadavre en putréfaction, de tête ou main coupée, de protagoniste empalée qui d’une lance, qui d’une épée, mais sans vraiment qu’on puisse affirmer que le produit se détache clairement des standards de l’époque.

Au rayon nudité, ces jeunes seventies sont encore sous le charme des volutes hippies pour qui le vêtement est soit très ornemental, soit parfaitement superflu : outre quelques tenues bien bariolées et des pantalons masculins que personne n’oserait plus porter de nos jours (notre époque n’est définitivement pas aussi libérée qu’on l’affirme souvent), on croise quelques jolies nudités parfaitement superflue eu égard au scénario… et donc d’autant plus délectables. Mais là aussi, l’époque et le lieu de production limite l’érotisme : 1972, c’est juste avant la grande poussée érotique européenne, laquelle de surcroit se sera toujours heurté aux règles tatillonnes longtemps en vigueur dans la prude Albion. Et on constate que le montage place souvent les plans à des endroits où leur coupure éventuelle sur demande de la censure n’entravera pas la cohérence de l’ensemble. Des seins et des fesses donc, certes, mais guère plus. En tous cas, elles tendent à prouver que la brume côtière anglaise n’est pas aussi froide que d’aucun se l’imagine.

LA TOUR DU DIABLE a été (quasi) entièrement tourné en studio, ce qui confère ce côté artificiel à ses décors et pousse le jeu d’acteurs vers une certaine artificialité empreintes de conventions. C’est tout le charme d’un type de production de films qui a depuis longtemps disparu du cinéma de série, mais c’est aussi toute sa limite.

Les personnages sont un point faible du scénario : leur rôle n’est que sommairement présenté et ensuite pas du tout exploité par leur apparence, leur tenue ou leurs activités. Si vous en connaissez, envoyez-nous des archéologues aussi chamarrés et dévêtus, nous sommes curieux ! Le script se contente de les faire interagir en fonction de relations de séduction et jalousie, sans même fortement exploiter cette piste.
La mise en scène fonctionnelle reste dans un registre purement illustratif ; le scénario sur les rails de poncifs 1000 fois vus (aaaah, ce bon vieux cliché du brasier purificateur conclusif, on ne vous spoile pas tellement tout est ici évidence) et le jeu d’acteurs, casanier, traine dans la tradition expressive théâtrale. Bref, ni la forme, ni le fond ne brillent particulièrement. On amodiera ici nos propos : le fait que rien ne ressorte ne veut pas non plus dire que l’ensemble est mauvais, mais simplement dénué de quelque trait saillant. Il reste dans le rang.

Rien ne viendra donc rehausser le niveau correct, mais sans plus, d’un film qui n’a d’ailleurs jamais prétendu ou espéré être autre chose qu’une œuvre de série, telle que l’époque en produisait encore en nombre. Il ne fait pas partie de ces pépites oubliées dont la redécouverte peut être conseillée hors du cercle des aficionados de cinéma du passé. En 2016, date de remise sur le marché du film, via son édition dvd française par le label Artus, le public cible restera donc confiné aux acharnés du genre. Ou aux lecteurs de Jean Ray, voire même – en poussant un peu – ceux de Lovecraft (bon, pas pour les mythes Chtoniens, hein, plutôt pour l’ambiance poisseuse des bords de mer délétères).
En France, le film est sorti le 14 juin 1973. On lui attribue parfois un titre secondaire : LE VAMPIRE DE L’ÎLE DU DIABLE. Par la suite, on lui connaitra aussi une sortie VHS.

On ne s’étendra pas ici sur les conditions de production du film, le terrain étant parfaitement occupé par le très érudit et très intéressant bonus sur la question présenté par Eric Peretti (par ailleurs chroniqueur sur Sueurs Froides, mais ne voyez dans notre commentaire aucun copinage) sur le DVD Artus et qui fait tout le sel de cette édition.

On laissera dès lors chacun, selon ses affinités avec ce qu’il recherche dans un film, décider s’il peut y trouver son compte.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

Share via
Copy link