La Volonte du Mort

Un texte signé Marisa C. Hayes

Etats-Unis - 1927 - Paul Leni
Titres alternatifs : The Cat and the Canary
Interprètes : Laura La Plante, Creighton Hale, Martha Mattox, Lucien Littlefield, Flora Finch...

Le millionnaire Cyrus West est mort en laissant derrière lui un imposant château ainsi que la servante chargée de son entretien. Etant donné que les membres de sa famille, fort cupides, gravitaient autour de lui tels des « chats autour d’un canari », West a demandé à ce que ses dernières volontés et son testament demeurent enfermés dans un coffre, et ne soient lus avant le vingtième anniversaire de sa mort. Alors que le moment choisi approche, l’avocat de West, Roger Crosby, découvre qu’un second testament est mystérieusement apparu dans le coffre. Ce dernier ne doit être ouvert que si les termes du premier testament ne sont pas remplis. La gouvernante du manoir West, Mammy Pleasant, attribue l’apparition du second testament au fantôme de Cyrus West. Alors que minuit approche, la famille de West arrive au château : ses neveux, sa sœur et sa fille, ainsi que sa nièce Annabelle West. La fortune de Cyrus West léguée au parent le plus éloigné portant le nom de West : Annabelle. Le testament, cependant, stipule qu’afin d’hériter de la fortune, elle doit être jugée saine d’esprit par le docteur Ira Lazar. Si elle venait à être déclarée folle, la fortune serait alors transférée à la personne nommée en second sur le document. Annabelle réalise qu’elle se trouve maintenant, à l’instar de son oncle, «  dans une cage entourée de chats ». Tandis que la famille se prépare à dîner, un garde fait irruption et annonce qu’un fou nommé « le Chat » s’est échappé et se trouve soit dans la maison, soit sur son domaine. Pendant ce temps, Crosby soupçonne que quelqu’un dans la famille pourrait tenter de s’en prendre à Annabelle et décide de l’informer du nom du second successeur. Avant qu’il ne puisse décliner l’identité de la personne en question, une main velue portant de longs ongles émerge d’un passage secret pour le faire disparaître, terrifiant par là-même Annabelle. Quand elle explique ce qui est arrivé à Crosby, la famille conclue immédiatement qu’elle est folle. Tandis qu’Annabelle dort, la même main mystérieuse émerge du mur situé derrière son lit. Une fois encore, on s’interroge sur sa santé mentale. Mais tandis qu’Annabelle et son cousin fouillent la pièce, ils découvrent un passage secret dans le mur à l’intérieur duquel se trouve le corps de Roger Crosby. Mammy Pleasant, la servante, part prévenir la police, pendant que le cousin Harry s’en va chercher le garde ; tante Susan s’enfuit en proie à l’hystérie, grâce au véhicule du laitier. Paul et Annabelle retournent dans la chambre afin de trouver l’enveloppe disparue et découvrent alors que le corps de Crosby s’est évaporé… Toute une série de bouffonnerie hilarantes et hystériques s’ensuivent alors, dans cette comédie noire et atmosphérique.

La pièce THE CAT AND THE CANARY (LE CHAT ET LE CANARI – 1922) était tellement populaire qu’elle fit la fortune de son auteur, John Willard, qui vécut suffisamment longtemps pour la voir portée trois fois à l’écran avant sa mort en 1942. Aujourd’hui encore, cette histoire demeure un classique du genre, source d’une foule de films mixant comédie, mystère et horreur – sans même parler du plus grand nombre de films qui se focalisent sur des activités suspectes au sein de vieilles maisons ténébreuses. En effet, même le réalisateur James Whale a indiqué que la version de 1927 de LA VOLONTE DU MORT a servi d’inspiration à son propre travail sur des longs-métrages tels que FRANKENSTEIN et THE OLD DARK HOUSE. Les spectateurs contemporains de ce film pourront également dresser des parallèles avec des œuvres plus récentes, tels que le film CLUE ou les adaptations des romans d’Agatha Christie pour l’écran (LES DIX PETITS NEGRES) qui sont évidemment redevables à la mode lancée par cette oeuvre.

Dès le générique d’ouverture, lorsqu’une main écarte des toiles d’araignées afin de révéler les acteurs du film, LA VOLONTE DU MORT se révèle être une tentative créative complète. Le film a été tourné pour « Universal Pictures » (Etats-Unis) par le réalisateur allemand Paul Leni. Du point de vue cinématographique, le métrage est remarquablement imaginatif, faisant usage d’une série d’images montées, de gros plans et de fondus au noir générateurs d’effets stupéfiants. Notons la scène d’ouverture durant laquelle Cyrus West se meurt : de vieux flacons de médicaments sont juxtaposés au-dessus de son château isolé afin de relayer à la perfection l’action qui se déroule au sein cette demeure, sans jamais avoir à s’aventurer à l’intérieur avec la caméra. D’un point de vue visuel, il s’agit là d’un des films les plus stylés et créatifs de l’ère du cinéma muet. Ceci est en grande partie le fait de la maîtrise par Leni du style Expressionniste allemand, qui se prête à la perfection à la maison hantée, grâce à son intérêt tout particulier pour la psychologie et l’ambiance créée à l’aide du jeu des lumières et des ombres, de même qu’à l’aide des décors (Leni conçut le décor lui-même, qui fût construit par Charles D. Hall, également derrière les décors de DRACULA et FRANKENSTEIN (1931)). L’ajout par Leni d’une touche de comédie crée une combinaison dynamique qui a ouvert la voie à un genre cinématographique bien particulier, celui de la « comédie noire ».

Les personnages dans LA VOLONTE DU MORT sont des archétypes : la gentille fille (Laura La Plante), le doux garçon (Creighton Hale), la princesse de la mode (Gertrude Astor), la matrone (Flora Finch), et ainsi de suite. La gouvernante (Martha Mattox) est peut-être le plus mémorable de ces personnages, une femme excessivement austère nommée de manière ironique Mammy Pleasant – Mamie Plaisante ! Ajoutez à cela un avocat exaspéré, un docteur terrifiant, des passages secrets, des mains velues pourvues d’ongles en formes d’aiguilles, des diamants volés… et vous aurez alors l’inspiration pour une liste apparemment sans fin de films. Bien qu’ils puissent paraître exagérément dramatiques selon les standards modernes, les acteurs jouent au niveau de ce que l’on considérait à l’ère du cinéma muet être le « comique réaliste », et plusieurs scènes se révèlent d’ailleurs fort drôles grâce aux multiples bouffonneries déployées par ces derniers. En dépit d’un rythme assez lent au début, le film a remarquablement bien vieilli, et peut toujours susciter l’intérêt du public moderne – et pas uniquement des seuls fans de cinéma muet. Le film est ainsi recommandé à l’ensemble des amateurs d’horreur, de surnaturel et de cinéma muet.


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- Article rédigé par : Marisa C. Hayes

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