L’appel de la chair

Un texte signé Patrick Barras

Italie - 1971 - Emilio P. Miraglia
Titres alternatifs : La notte che Evelyn usci dalla tomba, The night Evelyn came Out of the grave
Interprètes : Anthony Steffen, Marina Malfatti, Rod Murdock, Giacomo Rossi-Stuart, Umberto Raho , Erika Blanc

Alan Cunningham (Anthony Steffen) est un aristocrate Anglais dont la santé mentale semble avoir basculé depuis le décès de sa femme, dont il avait au demeurant découvert les infidélités. Il se livre dans son château en partie en ruines à des jeux sadomasochistes sur des prostituées ramassées dans des boites de nuit. Activités qui ne font apparemment qu’empirer un état psychologique déjà fort délabré. Décidé à reprendre sa vie en main, épaulé par son psychiatre et ami le Dr Timberlane (Giacomo Rossi-Stuart), il rencontre Gladys (Marina Malfatti) lors d’une fête et, en proie à un véritable coup de foudre, il lui propose le mariage quasiment sur le champ. Une fois la nouvelle Lady Cunningham installée avec lui dans son château, il devient la proie d’hallucinations et croit entendre le fantôme de son ex-épouse, Evelyn.

Dès le début, LA NOTTE CHE EVELYN USCI DALLA TOMBA affiche des allures de thriller fantastique accommodé de touches de gothique. Le fait de situer l’action en Angleterre accrédite la présence d’une vaste et sombre demeure aristocratique en ruines, agrémentée, tant qu’à faire, d’une salle de torture avec des airs de déjà vu, certes, mais en parfait état et où rien ne manque pour le « divertissement » d’un propriétaire un tant soit peu perturbé, mais à l’idéal pétri d’amour fou. Cette coloration romantico-gothique baignera la presque totalité du métrage.

Néanmoins, si le décor semble de prime abord campé, c’est bel et bien à un giallo de machination auquel nous avons affaire (autant donc ne pas trop déflorer l’histoire en elle-même). Un cocktail scénaristique que Emilio Miraglia reprendra d’ailleurs deux ans plus tard avec LA DAME ROUGE TUA SEPT FOIS ( http://www.sueursfroides.fr/critique/la-dame-rouge-tua-sept-fois-1556 ).

L’argument fantastique et les codes de représentation du gothique, son atmosphère également, peuvent certes passer ici pour les diluants d’un banal whodunnit qui (à l’inverse de ceux d’Agatha Christie, par exemple) manquerait sérieusement de protagonistes pour pouvoir alimenter efficacement nos spéculations sur une durée suffisante. Quand bien même la trogne trouble d’éternel suspect d’Umberto Raho entretiendra momentanément nos tergiversations (ce qui justifie à merveille sa présence au sein du casting), c’est indubitablement l’intervention d’une histoire de fantôme qui va permettre à Emilio Miraglia de dilater son récit, en brouillant les pistes, pour nous mener tranquillement vers la conclusion d’un métrage qui aurait pu paraître un rien trop conventionnel sans cela.

Sinon, dire que l’intrigue du film tourne simplement autour d’une affaire d’héritage qui déclenchera un carnage (Alan renonçant, en cas de démence avérée, à son titre et à un juteux patrimoine) ce serait déjà trop en dire…

Une fois de plus, comme généralement dans une majorité de gialli, l’intérêt de LA NOTTE CHE EVELYN… n’est surtout pas à rechercher dans une cohérence horlogère du scénario ou la crédibilté psychologique des personnages ; la concassée psychanalytique que l’on nous sert à propos d’Alan en est le parfait exemple. C’est à nouveau dans le traitement visuel du film et dans son atmosphère que le cinéphile ou le fan du genre trouveront leur compte.

La quasi unicité de lieu adoptée avec le château et la propriété attenante (propre une fois de plus au gothique et aux plus fameux huis-clos policiers d’A. Christie), ainsi que la prédominance de scènes nocturnes laissent le souvenir d’une très belle homogénéité photographique, où la lumière souligne de manière artificielle (parfois à la Dario Argento) l’architecture et les élément extérieurs, leur conférant par moments un côté abstrait faisant écho à la confusion éprouvée par Alan et en induisant également une chez le spectateur quant à la géographie des lieux. La partition de Bruno Nicolaï participe bien entendu grandement au plaisir que l’on peut prendre à la vision du film. Toujours à la confluence de plusieurs genres, elle sait une fois de plus coller parfaitement aux différentes atmosphères qui jalonnent l’histoire. Est-il besoin d’insister sur le fait que la plastique régulièrement exposée d’Erika Blanc et de Marina Malfatti, largement à même de remplir la part érotisme du cahier des charges de tout bonne bobine d’exploitation, ne fait que rajouter à la saveur et au charme de l’ensemble ?…

Malgré donc quelques faiblesses inhérentes à tant de productions du genre (ça semble être désormais un cliché que de le rappeler…) LA NOTTE CHE EVELYN USCI DALLA TOMBA mérite amplement que l’on se laisse prendre et porter par simplement son esthétique et son atmosphère, qui pour le coup constituent une vraie réussite de la part d’Emilio Miraglia et de son équipe.


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse


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