L’Ascenceur

Un texte signé Sylvain Pasdeloup

Pays-Bas - 1983 - Dick Maas
Titres alternatifs : De Lift
Interprètes : Huub Stappel, Willeke Van Ammelrooy, Josine Van Alsum

Sans avoir la même dimension ni les mêmes ambitions qu’un Paul Verhoeven, Dick Maas est le deuxième nom qui vient à l’esprit quand on pense au cinéma néerlandais. Jamais très portés sur le cinéma de genre, mais plutôt vers des films à tonalité douce-amère ou bien réalistes, nos amis hollandais ont découvert, au milieu des années 1980, ce réalisateur peu prolifique. Il est l’auteur de deux films excellents : AMSTERDAMNED, une sorte de « giallo » prenant pour cadre les canaux d’Amsterdam (voilà bien un film à réhabiliter d’urgence) et L’ASCENSEUR, tout auréolé de son Grand Prix remporté à Avoriaz.
Le film nous met dans la peau de Felix Adelaar, mécanicien spécialisé en ascenseurs, qui doit faire face à plusieurs accidents mortels survenus avec la machine d’un building gigantesque. Apparemment en bon état de marche, l’ascenseur en question semble échapper à tout contrôle et déclencher ses activités macabres de lui-même. Après une enquête minutieuse, effectuée avec l’aide d’une journaliste aux dents longues, Adelaar découvre que le problème pourrait s’avérer être électronique et non mécanique…
L’ASCENSEUR est un film qui surprend de prime abord. En effet, rares sont les films d’horreur qui utilisent pour faire naître la peur un fantastique issu du quotidien. Le procédé est bien plus courant et efficace littérairement que cinématographiquement. Pourtant, L’ASCENSEUR n’est jamais ridicule et provoque l’effroi. Quand il est en marche, on n’a jamais l’impression de voir une machine à l’écran. Le fond sonore menaçant, ainsi que les teintes rougeâtres utilisés pour le caractériser, le font définitivement passer pour un « personnage » diaboliquement organisé et surtout cruel. Car l’ascenseur fait tout de même preuve d’un certain sadisme en condamnant sans pitié à mort un personnage aussi vulnérable qu’un vieil homme aveugle, ou en essayant d’attirer dans ses filets une petite fille candide. De même, la manière de filmer la machine est très intelligente. Dick Maas utilise une symétrie implacable quand il s’agit d’observer les trois portes de l’ascenseur, qui s’ouvrent simultanément comme pour avaler leurs victimes.
En ce qui concerne l’enquête que mène le héros mécano, elle est loin d’être inintéressante. Elle repose sur la peur qu’un jour une intelligence artificielle ne supplante l’homme. A ce titre, la toute fin du film, lorsqu’on découvre le « cœur » de la machine, fait diablement penser à du David Cronenberg : la fusion de l’être humain avec ce qui gravite autour de lui. Cette fin étonne car on ne pensait pas être devant un spectacle aussi extrême.
Ce discours pourrait facilement faire penser que L’ASCENSEUR n’est pas un film simple. Pourtant, il réussit à faire le grand écart entre des moments de trouille convaincants, une enquête intéressante et des thèmes sous-jacents bien exploités. Une véritable gageure pour ce type de production.
La côte d’amour que l’on éprouve pour L’ASCENSEUR est également renforcée par ses personnages. Ici, point de super-héros, pas de répliques cinglantes qui fusent dans tous les coins. Le héros, Adelaar, est un homme simple et sympathique, un mécanicien avec des ennuis on ne peut plus quotidiens, qu’un événement imprévu et imprévisible fait sortir de son traintrain familial.
L’interprétation est à l’avenant, c’est-à-dire très sobre. Huub Stappel, déjà présent dans AMSTERDAMNED, est crédible de bout en bout.
Il faut aussi saluer la bande sonore, réellement angoissante, qui se fond parfaitement avec l’ambiance du métrage.
Seul petit reproche : la crise de couple que connaît Adelaar à cause de son acharnement à élucider le mystère de sa machine n’était peut-être pas nécessaire et n’apporte pas grand-chose au film.
Mais devant ce petit modèle de série B intelligente qu’est L’ASCENSEUR, cela revient vraiment à chipoter tant le plaisir est là et restera là longtemps après. Ce qui fait vraiment regretter qu’à l’exception d’un remake américain à la funeste réputation, Dick Maas n’ait eu, depuis, de réelles occasions de faire la preuve de son talent.


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- Article rédigé par : Sylvain Pasdeloup

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