Offscreen 2019retrospective

Last House on Dead End Street

Même s’il ne bénéficie plus de l’aura de mystère qui l’a longtemps entouré (puisqu’on ne savait rien de lui), THE LAST HOUSE ON DEAD END STREET n’en demeure pas moins une œuvre unique et dérangeante, qui n’est évidemment pas, malgré son titre et malgré le caractère extrême de son contenu, un ersatz de LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE. Pour cela il vaut mieux se tourner vers l’italien DERNIER TRAIN DE LA NUIT, lui-même assez impressionnant.
THE LAST HOUSE ON DEAD END STREET est davantage basé sur le massacre commis par la « famille» de Charles Manson quelques années auparavant que sur le film-date de Wes Craven. Le massacre et le look de Manson ont inspiré directement et indirectement nombre de films, comme le récent MANSON FAMILY de Jim Van Bebber. Citons aussi le célèbre SNUFF, qui narrait la geste d’un gourou du même genre. Sur le sujet, on lira avec profit un passionnant dossier de la revue italienne Amarcord (N°11 ,1998).
Une sorte de réalisateur de pornos barge satisfait ses pulsions morbides en filmant des meurtres/tortures rituels, assisté d’un ex employé d’abattoir et de deux filles aussi allumées. Au-delà du thème naturellement glauque (le snuff), c’est le traitement de Roger Watkins lui-même, à la fois devant et derrière la caméra , qui exerce un pouvoir de fascination malsain sur le public.
L’image est crade (elle fait penser à du super-8). Le montage est constamment étonnant (à vrai dire la narration fatigue un peu mais intéresse passé l’intro un peu difficile à suivre : on n’est guère habitué à l’originalité formelle de nos jours). La musique sinistre et minimaliste, le jeu halluciné des comédiens-tueurs, les décors craspecs… sont autant de points qui concourent à faire de THE LAST HOUSE quelque chose de fondamentalement différent, plus proche d’un certain cinéma underground que de l’exploitation horrifique classique. THE LAST HOUSE est un film vraiment ténébreux, poisseux et sans espoir. On ne peut se raccrocher à aucun personnage, on est juste le témoin impuissant/complaisant/complice d’un spectacle sordide et terrifiant. Sur le même canevas gore, H. G. Lewis aurait signé une œuvre radicalement différente. Ici pas de place à l’humour, le malaise est roi. Les scènes de meurtres/tortures du final sont longues et sanglantes, mais aussi très bizarrement ritualisées, avec tous ces masques (on pense à des pratiques sataniques, même si le terme n’est jamais cité). Au-delà du gore (on marque au fer rouge, on coupe des jambes, on perce un œil à la perceuse), Watkins filme une scène d’humiliation qui choque, en dépit de sa simplicité : l’homme-victime approche sa bouche d’un pied de biche (l’animal) sortant de la braguette d’une femme, en une parodie de fellation. On a beau se dire que des bizutages stupides et inhumains font bien pire chaque année, la scène n’en reste pas moins répugnante et d’une force inédite.
THE LAST HOUSE réfléchit sur le réel et l’imaginaire,sur leurs limites et sur la volonté d’une certaine pornographie d’aller toujours plus loin. Un discours qui n’a rien d’obsolète aujourd’hui, tout au contraire. On peut aussi y voir une forme de métacinéma, qui s’interroge sur la création filmique.
THE LAST HOUSE ON DEAD END STREET est aussi le parfait symbole de la fin d’une époque, celle des fleurs, du peace and love et du « summer of love ». Les hippies virent cinglés démoniaques et tuent des gens. Manson est idolâtré par des fanatiques comme un nouveau messie. A la même période, des hippies, au moins par le look, inventent le hard-rock (Led Zeppelin pour ne citer qu’eux). La libération sexuelle céde progressivement la place à l’exploitation pornographique. En pleine guerre du VietNam, le ton se durcit partout. Le temps des idéaux soixante-huitards semble révolu. Et la réalité des seventies devient bien triste…
Témoin de son époque désillusionnée, THE LAST HOUSE OF DEAD STREET n’est en aucune façon un film qu’on peut aimer. Au contraire, il fait froid dans le dos.

En 2019, THE LAST HOUSE OF DEAD STREET aura été reprogrammé par Offscreen lors d’une riche thématique consacrée aux mondos et à la représentation de la mort à l’écran.

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