Last Performance

Un texte signé Éric Peretti

Allemagne / USA / Pays-Bas - 2006 - Edwin Brienen
Interprètes : Eva Dorrepaal, Tomas Spencer, Vincent Bagnall, Esther Eva Verkaaik, René Ifrah, Volker Behrens, Karen Joy Cifarelli, Cornell Adams, Carsten Heinze, Marin Caktas, Marc Baumgarten, Bianca Fox

Edwin Brienen : Agent Provocateur. Voilà ce que nous promet la sélection opérée avec soins par l’équipe du LUFF, lors de la onzième édition du festival, pour nous faire découvrir l’œuvre très personnelle de ce réalisateur néerlandais quasiment inconnu du public francophone.
Actrice européenne expatriée à New York, Julia tient l’un rôle principaux dans une pièce de théâtre avant-gardiste mise en scène par l’excentrique Magda. Elle partage la vedette avec le très sensible Cooper qui vient juste de s’engager dans une relation sentimentale compliquée avec Tom, un homme arrogant, dealer à ses heures, dont le magnétisme ne laisse pas Julia indifférente. Beau parleur, incapable d’assumer franchement son homosexualité, Tom séduit aisément Julia qui en tombe amoureuse. Sa désillusion sera aussi cruelle que brutale lorsque, au cours d’une soirée qui s’annonçait romantique, elle est quasiment violée par un inconnu payé par Tom, alors que ce dernier se caresse en observant la scène. De son côté, Cooper, trahit à la fois par Tom et Julia, complote une vengeance contre son amant dont l’issue sera fatale à plus d’un…
Personnages torturés à la recherche d’un bonheur inaccessible, esthétique léchée et références culturelles haut de gamme, pas de doutes, le très productif Edwin Brienen n’a pas changé son fusil d’épaule pour son premier film en anglais. Malgré un budget réduit qui l’oblige à résumer ses décors à quelques lieux symboliques, quitte à parfois friser le ridicule, il refuse de se servir de cette situation financière difficile comme d’un prétexte pour bâcler sa réalisation avec des images volontairement granuleuses et tournées à l’arrache. Au contraire, l’obsession esthétique de l’auteur nous offre quelques belles séquences, telle le générique de début avec un effet de flou bien géré, mais elle suscite aussi quelques dérives vers des scènes inutiles, comme lorsque les filles marchent au ralenti dans un montage saccadé. L’aspect très clinique de la photographie et l’aseptisation des décors semblent même déteindre sur les sentiments des personnages. Julia, interprétée par la fidèle Eva Dorrepaal, déploie une palette d’émotions stéréotypées lors de sa relation avec Tom. Quasi robotisée, elle est comme déjà morte dans son quotidien et n’arrive à éprouver de sentiments humains que sous la direction de Magda, lors des répétitions de la pièce.
Et c’est bien là le problème principal du film, le manque d’émotion, ou tout simplement l’absence d’implication du spectateur dans les aléas du récit. Alors qu’il nous est donné à voir un mélodrame cruel, le jeu pas toujours heureux de certains acteurs et surtout le trop plein de sérieux que Brienen tente d’insuffler aux événements finissent par avoir raison des meilleures volontés : LAST PERFORMANCE ne passionne pas et finirait presque par ennuyer s’il n’était pas aussi court. Heureusement que l’on peut se raccrocher au scénario et se laisser hypnotiser d’une part par la musique parfaitement synchrone avec les images, mais surtout par la performance très mesurée de la troublante Eva Dorrepaal. Volant chaque scène où elle apparaît, l’actrice attire irrésistiblement le regard et ne donne jamais l’impression de jouer un rôle. Après l’avoir suivie de films en films, sous la direction du réalisateur, on assiste ici à une sorte d’apothéose tragique où elle trouvera enfin le bonheur tant espéré.
Assez logique dans son déroulement, et même pourvu d’une fin assez brillante, il manque surtout au film la goutte de folie qui lui permettrait d’articuler harmonieusement ses ambitions, faisant fi du manque de moyens. En l’état, avec son esthétique très proche des pornos de Michael Ninn, LAST PERFORMANCE ne décolle jamais vraiment et se limite à n’être qu’une ébauche, voire un premier jet, d’un projet plutôt alléchant sur le papier.

Cliquez ici pour lire une interview de Edwin Brienen.


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- Article rédigé par : Éric Peretti

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