Laurin

Un texte signé Patrick Lang

Allemagne - 1989 - Robert Sigl

Début des années 1900 : une jeune fille, Laurin, vit dans un petit village paisible, avec ses parents et sa grand-mère handicapée.
Enfin ses parents…sa mère surtout, car son père passe la moitié de l’année en mer.
Quand sa mère est victime d’un ‘’accident’’ mortel, et que des enfants se mettent à disparaître dans les environs, la paix de ce village s’en trouve troublée.
La Mort, sous la forme d’un homme en noir, va frapper ; nous dit une voix-off. Ceci nous met directement dans une ambiance digne d’un conte gothique, sauf que celui-ci va prendre une tournure cauchemardesque, voire carrément perverse.
Car le réalisateur, Robert Sigl, ne va pas prendre de gants quand il s’agira d’exposer au grand jour (avec une bonne dose de brouillard pour l’ambiance tout de même !) ce donc l’Homme peut être capable, s’il laisse libre cours à son instinct de prédateur.
Mais là où un réalisateur lambda pourrait alourdir le propos, Sigl joue la subtilité.
Les détails prennent de l’importance, et reviennent inlassablement, pour souligner, hanter les évènements du passé, du présent mais également ceux du futur, tel ce cerf-volant noir qui apparaît quand on ne l’attend pas, ou bien tel le fantôme de la mère gémissant le nom de Laurin, de nuit, cela va sans dire.
Robert Sigl utilise autant de ressorts cinématographiques (flashbacks, visions,
cauchemars révélateurs…), mais en variant et mélangeant, pour éviter toute redondance.
Cela fonctionne à merveille, le réalisateur enrichissant sans cesse son propos. La parole laisse souvent place aux symboles, à la métaphore.
On pourrait rapprocher à ‘’Laurin’’ son aspect auteurisant, sans pour autant l’y emprisonner. N’est-ce pas là, la ‘’sensibilité européenne’’ que l’on retrouve dans le cinéma gothique espagnol, anglais ou encore français par exemple ?
On s’intéresse avant tout aux personnages, on s’implique, ce qui ne fait que renforcer le lien émotionnel. Nous sommes concernés par ce qui arrive à notre jeune héroïne, en plus d’être happé par l’atmosphère lugubre.
Les décors et costumes d’époque sont d’un fort réalisme, à aucun moment on a l’impression que ce que l’on voit à l’écran a été tourné en Hongrie en 1988, avec une équipe locale.
En ce qui concerne l’interprétation, il convient de saluer la prestation de la jeune Dora Szinetár, qui porte le film sur ses épaules.
Notons également les influences plus ou moins affichées du réalisateur…
Robert Sigl fait ainsi plusieurs références aux INNOCENTS de Jack Clayton, (la mère se prénomme Flora). Pour une influence stylistique, il faut regarder un peu plus au sud, vers l’Italie plus précisément. L’ombre de Mario Bava plane sur l’ensemble du métrage. A voir, le filtre rouge utilisé pour les visions de Laurin, en particulier les apparitions spectrales de Flora.
C’est cependant réalisé avec assez de brio pour ne pas tomber dans la référence bête et gratuite : tout élément extérieur est avalé, digéré et renvoyé avec talent et intégrité par le réalisateur.
Malheureusement, Robert Sigl s’est plus ou moins arrêté à ce film.. Il ne tourne plus que pour la télévision, notamment des épisodes de séries policières victimes de la censure, (preuve que Sigl n’a pas renié son ADN), ou encore des documentaires retraçant des faits divers réels, destinés à retrouver de véritables criminels (Aktenzeichen XY Ungelöst) et dont quelques-uns ont effectivement conduit à des arrestations).
C’est peu dire qu’après avoir visionné ‘’Laurin’’, on aurait aimé que Sigl poursuive dans cette voie, d‘autant plus que le film fût couronnée de quelques prix dans son pays d’origine.
Robert Sigl travaille actuellement à un projet de remake pour Salon Kitty (Tinto Brass), souhaitons lui beaucoup de courage et de succès.


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- Article rédigé par : Patrick Lang

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