Un texte signé Vincent Trajan

Etats-Unis - 1963 - Roger Corman
Titres alternatifs : The Terror
Interprètes : Boris Karloff, Jack Nicholson, Sandra Knight, Dick Miller, Jonathan Haze

retrospective

Le Château De La Terreur

Véritable stakhanoviste du cinéma, Roger Corman n’est pas homme à se rouler les pouces. Ainsi en 1963, après avoir mis en boîte THE RAVEN en seulement quelques jours sous la houlette de l’American International Pictures (AIP) avec Boris Karloff, Vincent Price, Peter Lorre et Jack Nicholson, l’homme s’est aperçu qu’il avait pris pas mal d’avance sur son planning de tournage… Alors comment utiliser les jours restants ? Que faire de tout ce temps ? Et bien, tourner un nouveau film avec Boris Karloff et Jack Nicholson en tête d’affiche, et en utilisant le même décor que THE RAVEN, pardi !

Ainsi, en l’espace de quelques jours et de nombreuses tractations avec Boris Karloff, Roger Corman planche sur un nouveau film intitulé THE TERROR, et profite de l’étiquette « adaptée des œuvres de Poe » de THE RAVEN pour la coller sur son nouveau film…
En as de la débrouille qu’il est, et respectueux de l’adage « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », le réalisateur fait appel à ses acteurs fétiches du moment comme Dick Miller ou Jonathan Haze avec qui il a tourné récemment LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS, s’entoure d’une équipe technique qu’il connaît bien, et se permet même d’utiliser le costume de Marlon Brando dans DESIREE (1954) pour habiller Jack Nicholson. Le tournage de THE TERROR peut donc commencer. Il ne durera qu’une petite dizaine de jours…

En 1806, un jeune soldat français du nom d’André Duvalier (Jack Nicholson) se retrouve seul, perdu sur une plage abandonnée. Il est secouru par une mystérieuse jeune femme, Hélène (Sandra Knight), qui disparaît sans laisser de trace. Or, il semblerait qu’elle soit le sosie d’Ilsa, l’épouse du Baron Von Leppe (Boris Karloff) assassinée vingt ans auparavant avec son amant, Eric. Tombé sous le charme de la jeune femme, André Duvalier décide de mener son enquête…

D’entrée de jeu, ce qui marque dans THE TERROR, c’est l’ambiance qui s’en dégage. Visiblement influencé par le genre gothique européen (l’engouement autour des films de la Hammer et du cinéma transalpin), Roger Corman le transpose ici dans un cadre formel nerveux, typiquement ricain. Mais loin de se transformer en patchwork infâme, THE TERROR reprend à son compte l’essence même de l’école européenne (la poésie macabre notamment) sous des oripeaux sanguinolents à l’américaine (la scène de l’énucléation), pour un rendu final très satisfaisant.
De plus, le réalisateur a eu le nez creux dans le choix de ses acteurs. En effet, le trio Boris Karloff, Jack Nicholson et Dick Miller fonctionne à merveille et apporte au long métrage une plus value indéniable. Les trois acteurs s’investissent parfaitement dans leur(s) personnage(s) respectif(s), au fil de solides prestations (le face-à-face entre le Baron Von Leppe et André Duvalier est tout bonnement excellent) qui rehaussent un récit un peu trop brouillon.

Souvent étiquetté comme « un film sans scénario », il est vrai que THE TERROR reste de prime abord assez difficile à appréhender, à cause d’une trame narrative souvent fluctuante et un récit assez alambiqué, notamment dans les passages oniriques, la descente aux enfers du Baron Von Leppe ou bien les apparitions étranges d’Helène / Ilsa.
Qui plus est, l’apport des différents réalisateurs en herbe venus prêter main forte à Roger Corman (il y en a cinq au total, dont Jack Hill, le tout jeune Francis Ford Coppola et même Jack Nicholson…) donne au film un aspect hétérogène, tant sur le fond que sur la forme (chacun y allant de sa personnalité dans les cadrages, dans les directions d’acteurs, dans la gestion de la lumière etc.). Mais c’est en fin de métrage que toutes les pièces du puzzle s’assemblent, pour enfin lever le voile sur les nombreuses questions mises en avant par la complexité du scénario. Et même si beaucoup y voient-là un twist final un peu trop tiré par les cheveux, il n’en reste pas moins que tous les rebondissements et révélations semblent couler de source et s’articuler parfaitement dans la narration (le sosie d’Ilsa, la scène de l’hypnose, les révélations de Stefan sur la véritable identité du Baron…).

Contre toute attente, malgré une mise en chantier précipitée et une démarche ouvertement opportuniste, THE TERROR s’avère être une bonne surprise. Ainsi, Roger Corman a su insuffler énormément d’énergie à son film au travers de scènes marquantes et réussir le parfait équilibre entre le gothique à l’européenne et l’horreur tape-à-l’œil typique des films américains de cette époque.
De plus, la rencontre de Jack Nicholson, le jeune loup aux dents longues et du vieux lion Boris Karloff, est sans conteste l’une des clés de la réussite ce THE TERROR, haut en couleur…


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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