Le chateau des messes noires

Un texte signé Stéphane Pretceille

Allemagne / Suisse / Suède - 1973 - Joe Sarno
Interprètes : Marie Forsa, Ulrike Butz, Anke Syring, Nadia Henkova

Dans la lignée des films gothiques des années 70 produits à la pelle de l’autre côté des Alpes et dans l’Hexagone par notamment l’incontournable Jean Rollin, LE CHATEAU DES MESSES NOIRES, a contrario du genre, est une réalisation américaine financée par des capitaux européens. Difficile d’identifier l’empreinte américaine du metteur en scène, Joël Sarno, de son vrai nom, Joseph W. Sarno., tant le film baigne dans une ambiance européenne. Connu comme étant un des auteurs et réalisateurs principaux du genre sexploitation des années 1960, il a écrit et réalisé 75 films dans ce genre. Sa réalisation de ce film de 1973 s’inscrit bien dans ce genre précis du cinéma d’exploitation, le cahier des charges du genre étant largement respecté, érotisme, saphisme, vampires en mal de domination, on retrouve bien les motifs attendus .

Le scénario ne déroge pas à la règle, tout le film se déroule dans l’enceinte d’un château, si ce n’est quelques scènes dans les bois entourant la bâtisse. Unicité d’un lieu où se trame la réincarnation d’une aristocrate aux dents fourchues et à la libido déchainée. L’histoire démarre quand un groupe de jeunes filles, accompagné par le frère de l’une d’entre elles, échoue dans ce donjon suite à une nuit orageuse. Les égarés sont accueillis par la maîtresse des lieux, la gouvernante et ses servantes, toutes de jeunes filles aux visages agréables mais aux regards fixes, comme possédés. Rapidement, ces infortunés de la route saisissent que la régente et ses filles ont des occupations nocturnes peu communes. Un tam-tam incessant provenant de la cave ne va cesser de rythmer les nuits des invités, provoquant pour l’une d’entre elle un ensorcèlement déclenchant un désir de jouissance inépuisable. Sur un tableau, dans le salon, est représenté la défunte baronne propriétaire des lieux, jeune femme aux traits similaire à l’une des jeunes hôtes. Il y a bien longtemps, cette baronne a été assassinée par les villageois du château la soupçonnant d’être une vampire. Au fil des nuits, le frère s’abandonne à la luxure avec celle victime d’une frénésie sexuelle, quant à sa sœur, qui a la particularité de posséder un don de médium, elle a vite fait de comprendre que leurs hôtesses s’adonnent à des rites païens organisés par la gouvernante. Cette dernière cherche à prendre possession de la jeune fille ressemblant trait pour trait à la baronne. Par un asservissement sexuel déclenché pendant leurs messes noires, tous ces jeunes gens finiront par succomber aux tentations charnelles, lesbianisme et relation incestueuse étant de la partie.

Erotique en diable, LE CHATEAU DES MESSES NOIRES, se réclame d’un genre aujourd’hui éteint, la combinaison hardie du film gothique type les productions britanniques de la Hammer et les films à l’érotisme fortement teintés de saphisme. Dans ce château retiré, les messes noires s’incarnent à travers la nudité des personnages, danses voluptueuses sur les battements d’un tambour, attouchements et offrande d’une victime s’offrant à un objet conique, symbole d’une divinité des sens, d’un abandon lascive déculpabilisée. Le film utilise la sexualité comme un ensorcellement et au final comme moyen pour que renaisse une vampire. Si la proposition scénaristique est réjouissante, le film souffre d’une direction artistique proche de l’amateurisme, les acteurs étant plus mauvais les uns que les autres. Ce n’est pas les maigres dialogues à la limite du ridicule qui leurs permettront de donner plus de poids à des personnages ectoplasmiques. Paradoxalement, le film se nourrit de tous ces manques qui finissent par lui donner un caractère, ceci grâce au sérieux avec lequel Joël Sarno conduit son histoire. Malgré des faiblesses énormes dans la construction du film, le spectateur finit lui aussi par s’abandonner au charme désuet de cet occultisme et ce grâce aux scènes qu’il ne fallait surtout pas rater : les messes noires. Répétitives, elles scandent le film, lui donnent un rythme et constituent finalement ses meilleurs moments


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- Article rédigé par : Stéphane Pretceille

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