retrospective

Le Coup de l’escalier (1959) – Film noir atomic

Godzilla, Un monde sans fin ou I Was a Teenage Werewolf n’évoquent pas directement l’atome mais, en faisant du sujet un élément moteur de leur scénario, démontrent à quel point le sujet inquiétait dans les années 50. Robert Wise s’est d’ailleurs déjà emparé de la thématique à l’occasion du Jour où la Terre s’arrêta en 1951. Cette fois-ci encore, il exploite la question pour Le Coup de l’escalier. Le métrage est d’ailleurs un digne représentant du Film noir… Un genre sombre et désespéré, qui sied plutôt bien à la thématique…

Bien sûr, aucune guerre atomique ou monstre gigantesque né de la confrontation de la nature et de déchets nucléaires n’y figurent. Cependant, la peur de l’annihilation y est palpable, devenant même un élément du quotidien, ponctuant Le Coup de l’escalier avec un message d’avertissement tranché, d’un cynisme mordant et d’un humour grinçant…

Dave, Earl et Johnny se démènent comme ils peuvent dans une société à la dérive. Ils partagent une profonde déception, un intense sentiment d’échec et d’injustice, estimant qu’ils méritent plus, qu’ils valent mieux que ce qu’ils sont devenus.

Le premier est un policier à la retraite, au passé glorieux mais qui a dû croupir quelques années à Sing Sing… Le second est un ancien militaire sans emploi. Impulsif, imprévisible, il s’apitoie sans cesse sur son sort, laissant sa petite amie Lorry l’entretenir… Le troisième est un chanteur de jazz talentueux mais ruiné par sa passion pour les courses hippiques.

L’avenir ne s’annonce pas enthousiasmant pour les trois héros de notre affaire.

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“Fifty grand can change it back”

D’autant plus que les opportunités pour réussir sont limitées. L’avenir est incertain. Le présent inégalitaire, en particulier dans une société américaine où règne l’apartheid. Cet élément imprègne fortement d’ailleurs les deux protagonistes réunis par Dave. En effet, Johnny est noir tandis que Earl est raciste. Tout les sépare-t-il vraiment ?

Ils ont pourtant tellement de point communs… Une vie sentimentale en ruine, un désir de revanche sociale, une vie minable…. En outre, ils ont besoin d’argent. C’est pourquoi ils finissent par accepter le braquage proposé par Dave : un coup sûr qui ne prend malheureusement pas en compte les tensions qui vont aller crescendo entre les deux antagonistes… L’escalade est-elle inévitable ?

Le Coup de l’escalier est l’une des dernières œuvres de l’âge d’or du Film noir “classique”. Ainsi, on retrouve dans le film de Robert Wise des éléments inhérents au genre comme les thématiques résolument pessimistes et tragiques, teintées de fatalisme, d’angoisse et de trahison. Les décors urbains et imposants de New York écrasent ainsi littéralement les héros du film.

Dans le même temps, le film de Robert Wise annonce aussi le film post-noir des années 60 qui va s’attacher aux troubles psychologiques, ne serait-ce que pour ce magnifique générique dont les ondulations symbolisent troubles et confusions.

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All men are evil

Profondément marqué par le genre, le film réunit presque exclusivement des icônes du Film noir. Ainsi, Le Coup de l’escalier nous permet de côtoyer Robert Ryan, réputé pour ses rôles de flics endurcis et de méchants impitoyables, Gloria Grahame aperçue dans Un lieu isolé de Nicholas Ray et dans Le fer chaud de Fritz Lang. Shelley Winters (Une double vie, Othello, La peur au ventre, La nuit du chasseur…) tout comme Ed Begley (Le Cran d’arrêt, La maison dans l’ombre, La main qui venge…) sont également des figures du genre. Il en est de même pour le chanteur de jazz Harry Belafonte qui incarne Johnny… Proche de Martin Luther King Jr, il produit le film et enrichit le scénario en imposant la question du racisme.

Robert Wise, de son côté, n’en est pas non plus à son coup d’essai dans le genre… Avant de donner naissance à l’immortel West Side Story, il réalise l’excellent Né pour tuer, l’un des meilleurs films noirs.

Le Coup de l’escalier pourrait d’ailleurs être un prétendant au titre…

D’une part parce que le noir et blanc est superbe. D’autre part, parce que la musique froide et jazzy, écrite par John Lewis, précurseur musical et pianiste du Modern Jazz Quartet est toujours aussi moderne. Elle colle même parfaitement à l’ambiance tragique et déprimante du film. Quant au scénario qui dépeint trois destinées tragiques, il est captivant de bout en bout. D’ailleurs, les nombreuses scènes tournées en extérieur savent aussi insuffler un rythme et un réalisme certain.

Pourtant, le fameux casse et sa préparation ne composent pas l’essentiel de la durée du métrage… Le film mise d’abord sur ses personnages qui avancent lentement mais sûrement vers une fin qui ne peut être que tragique… On ne voit pas le fond de l’abîme, mais on peut le sonder… c’est ce que propose Le Coup de l’escalier…

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Bande annonce

Odds Against Tomorrow (1959) ORIGINAL TRAILER [HD 1080p]
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