Le Démon aux Tripes

Un texte signé Philippe Chouvel

Italie/Etats-Unis - 1974 - Ovidio G. Assonitis
Titres alternatifs : Chi Sei ?, Beyond the Door, Vom Satan gezeugt
Interprètes : Juliet Mills, Gabriele Lavia, Richard Johnson, Nino Segurini, Elizabeth Turner

Dimitri est un homme d’âge mur exerçant une fonction peu courante : serviteur du Diable ! Celui-ci lui a confié la mission de veiller sur Jessica, la femme que Satan a choisi pour engendrer son fils. Mais lors d’une cérémonie rituelle, Jessica prend peur. Dimitri, qui est épris d’elle, couvre sa fuite, trahissant son maître par la même occasion. Tandis que le prêtre sataniste roule en voiture, le Diable provoque un accident fatal à son disciple… enfin presque. Il lui laisse finalement l’opportunité d’une seconde chance, à savoir retrouver Jessica dans un laps de temps de dix années et reprendre sa mission là où il l’avait arrêtée. Effrayé à l’idée de mourir, Dimitri se soumet. Peu de temps avant l’échéance fatale, il retrouve la femme qu’il a aimée à San Francisco. Elle a tout oublié du passé et s’est mariée avec un producteur d’une maison de disques, Robert Barrett, avec qui elle a eu deux enfants. Elle se retrouve enceinte d’un troisième, dans des circonstances pour le moins étranges, d’autant plus que cette grossesse s’avère anormalement rapide. Qui plus est, le fœtus paraît posséder Jessica.
1973 fut l’année de L’EXORCISTE, grand succès et chef d’œuvre de William Friedkin, adapté du roman de William Peter Blatty. Ce film qui deviendra un classique du cinéma fantastique ne tardera pas à être copié, plagié à toutes les sauces. Parmi ces nombreuses séquelles figure donc ce CHI SEI ? distribué en France sous le titre LE DEMON AUX TRIPES, particulièrement racoleur. Cette coproduction italo-américaine est l’œuvre d’un réalisateur grec né en Egypte : Ovidio G. Assonitis. Producteur de métier, LE DEMON AUX TRIPES est le premier film réalisé par Assonitis, qui par la suite enchaînera d’autres succédanés de films ayant cartonné au box-office. Ainsi commettra-t-il LAURE, dans la lignée du EMMANUELLE de Just Jaeckin, puis TENTACULES, très inspiré du JAWS de Steven Spielberg.
Si l’homme est un habile opportuniste, cela ne veut pas dire qu’il soit pour autant un bon réalisateur. Car disons-le tout net, LE DEMON AUX TRIPES n’est pas une réussite. Même s’il parvient à faire illusion au détour de quelques scènes spectaculaires (mais pas originales), il ne peut masquer les incohérences flagrantes d’un scénario à la fois confus et incompréhensible. La trame paraît pourtant limpide de prime abord. Le personnage de Dimitri doit protéger Jessica et veiller de manière à ce que sa grossesse se passe pour le mieux, afin qu’elle mette au monde le fils du Diable. Une intrigue qui lorgne en fait ouvertement vers le ROSEMARY’S BABY de Roman Polanski. Le gros problème survient dès que l’on bascule du côté de L’EXORCISTE, avec l’héroïne possédée, malmenée autant physiquement que mentalement. Il en résulte une histoire où le Diable en personne torture la femme qui doit mettre son fils au monde, compromettant de ce fait la venue d’un enfant qu’il attend depuis dix ans ! Un paradoxe illogique que l’on retrouve dans le traitement infligé à Dimitri. Bien que Satan ait donné une nouvelle chance au prêtre sataniste, il prend bien soin de lui mettre des bâtons dans les roues, au risque de le faire échouer dans sa mission, ce qui empêcherait la venue de l’Antéchrist. Pour résumer, l’idée d’avoir fait s’entrechoquer les trames de deux des plus grands succès du film d’horreur a engendré une aberration.
C’est fort regrettable de voir le légendaire Richard Johnson traîner sa silhouette désabusée dans LE DEMON AUX TRIPES. Cet acteur, qui a tourné dans bien des classiques comme LA MAISON DU DIABLE et KHARTOUM, poursuivra sa carrière dans le cinéma d’exploitation, dans des œuvres comme EMILIE L’ENFANT DES TENEBRES (encore le thème de la possession) ou LE CONTINENT DES HOMMES-POISSONS. Et que dire de la prestation insipide de Gabriele Lavia, alors qu’il sera irréprochable dans LES FRISSONS DE L’ANGOISSE, INFERNO et ZEDER. Quant à Juliet Mills, il lui était bien difficile de faire oublier Linda Blair dans un rôle assez proche, Assonitis reproduisant les scènes spectaculaires de L’EXORCISTE, à savoir lévitation au-dessus du lit, langage ordurier, jet de vomi verdâtre… Tout juste pourra-t-on noter la présence furtive d’Elizabeth Turner, actrice que les fans du cinéma bis n’ont certainement pas oublié s’ils ont vu WAVES OF LUST, L’AMOUR CHEZ LES POIDS LOURDS ou encore PULSIONS CANNIBALES.
En résumé, au rayon des séquelles de L’EXORCISTE, LE DEMON AUX TRIPES est loin d’arriver en tête de liste, malgré quelques scènes efficaces. On pourra lui préférer (et de loin) L’ANTECHRIST, d’Alberto De Martino, ou encore MAGDALENA, POSSESSED BY THE DEVIL, de Walter Boos.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

Share via
Copy link