Un texte signé Sophie Schweitzer

Etats-unis - 1948 - Frank Borzage
Titres alternatifs : Moonrise
Interprètes : Dane Clark, Ethel Barrymore

retrospective

Le fils du pendu

Danny Hawkins, jeune orphelin dont le père a été pendu, grandit en étant la proie des moqueries de ses camarades de classe. Jerry Sykes, fils du banquier local, est son principal bourreau. Au cours d’une soirée dansante, les deux garçons se battent dans les bois au sujet de la fiancée de Jerry, la belle Gilly. Perdant la raison un bref instant, Danny tue Jerry d’un coup de pierre. Il enterre ce dernier dans les bois et rejoint la fête. Le lendemain, commençant à se sentir acculé, persuadé qu’il finira comme son père, au bout d’une corde, il devient de plus en plus anxieux. Ce qui ne l’empêche, cependant pas de séduire Gilly.

Réalisé en 1948 par Frank Borzage, LE FILS DU PENDU (MOONRISE pour le titre original) a la particularité de se situer en Louisiane, dans une petite ville perdue au milieu des montagnes et du bayou. Se déroulant dans un décor et un pays sudiste, le film met l’accent sur un passé forcément douloureux, d’autant plus marqué pour le héros dont le père a été pendu, mais il propose une vision optimiste teintée de mélancolie.

Ainsi le personnage du shérif qui s’oppose donc au héros est plutôt magnanime, ; le banquier, père de la victime, n’est pas forcément un tyran; et le héros n’est pas toujours celui qui a raison. Le film joue sur les teintes de gris et sur les clichés pour mieux les détourner .

L’autre qualité du film et de se placer du côté des marginaux. Ainsi le héros, qui est techniquement un anti-héros, est un homme qui s’est retrouvé victimisé par les jeunes de son âge au point de n’avoir pour seul ami qu’un sourd-muet un peu benêt, lui aussi victime de la cruauté des jeunes gens qui ne songent qu’à s’amuser. Tous les deux sont protégés et aimés par le seul homme noir du film, Moss, incarné par Rex Ingram. Ce dernier est porteur d’une morale, proposant une alternative au héros, lui disant qu’il ne faut pas tourner le dos à l’humanité même si elle nous a fait mal. Un discourt tenu également par le shérif.

Ainsi le film nous fait hésiter entre la rage toute justifiée de Danny et la morale portée par Moss et le shérif. Il faut souligner que Danny est incarné par Dane Clark qui parvient parfaitement à jouer l’équilibriste entre le personnage damné, maudit, rempli de rage et de haine et l’homme timide, effacé, qui espère un jour être aimé et non plus humilié. Un personnage qui n’est pas sans rappeler celui du monstre dans Frankenstein lui aussi poussé à bout et harcelé à en devenir réellement monstrueux.

Le réalisateur, Frank Borzage, a été célébré par deux fois par l’Oscar du meilleur réalisateur en 1929 pour L’HEURE SUPRÊME et en 1932 pour MAUVAISE FILLE. Il a eu une longue carrière avant et après l’apparition des films parlants. Son cinéma fut souvent porté vers le social : L’HEURE SUPRÊME a un héros issu des basses couches de la société, avec une touche de sentimentalisme, il est souvent question d’un héros gagnant le coeur de son aimée, bravant les épreuves pour conserver leur amour intact. Ici l’histoire d’amour entre Danny et Gilly est touchante, mais matinée d’une touche de malédiction et d’immoralité puisqu’elle naît d’un crime et débute par un baiser forcé.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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