Le géant de Métropolis

Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1961 - Umberto Scarpelli
Titres alternatifs : Il Gigante di Metropolis
Interprètes : Gordon Mitchell, Bella Cortez, Ronaldo Lupi

20 000 ans avant Jésus Christ, sur le continent de l’Atlantide, la cité de Métropolis domine la Terre de par ses avancées scientifiques et technologiques avec à sa tête le roi Yotar, un tyran ayant asservi son peuple et qui règne par la force sur ses proches. Les nouvelles expérimentations qu’il mène sur l’Immortalité ont pour conséquence le dérèglement de la Nature et, à court terme, la destruction de la planète ! Le héros Obro est donc envoyé à Métropolis pour tenter de mettre fin aux actions de Yotar mais ce dernier le fait prisonnier et décide de se servir de lui comme cobaye pour ses expériences ! Heureusement pour Obro, une rébellion des proches de Yotar s’organise (à laquelle prennent part l’épouse et la fille du tyran) et notre héros se retrouve bientôt à la tête de celle-ci.
S’il n’est pas rare de voir, dès la fin des années 50, le péplum italien se teinter d’éléments fantastiques (HERCULE A LA CONQUETE DE L’ATLANTIDE de Vittorio Cottafavi, 1961) ou horrifiques (HERCULE CONTRE LES VAMPIRES de Mario Bava, 1961), l’intrusion dans ce genre « antique » d’éléments de science fiction est assez unique. LE GEANT DE METROPOLIS fait donc figure de précurseur dans la fusion qu’il opère entre deux univers à priori antagonistes et que l’on retrouve également dans ATLANTIS, TERRE ENGLOUTIE de George Pal, sorti la même année. Les deux films ayant une trame narrative similaire, on peut supposer que nos amis transalpins se sont servis du modèle américain pour en réaliser, en quelque sorte, une variation baroque et délirante. Attribué à l’obscur Umberto Scarpelli (assistant réalisateur sur des films de Vittorio de Sica), LE GEANT DE METROPOLIS fait s’entremêler science et mythologie, fable écologiste et action épique, le tout sur un canevas de série B. Récit cosmogonique prenant comme point de départ le mythe de l’Atlantide, le film rend clairement hommage au METROPOLIS (1926) de Fritz Lang dont il reprend certains thèmes (la cité « idéale », la déviance totalitaire, la révolte souterraine…). Mais il s’inspire aussi de serials tels que « Flash Gordon » : le blond Gordon Mitchell (ERIK LE VIKING de Mario Caiano, 1965) est une version « antique » du célèbre aventurier de l’espace. Ce mélange d’influences très hétéroclites fonctionne cependant très bien car le film conserve la trame très classique du héros traversant une série d’épreuves dont il doit triompher avant de terrasser le Mal. Jeté en pâture à un géant hirsute armé d’un gourdin, assailli par des pygmées cannibales, torturé par des rayons irradiants, Obro sera libéré in-extremis par la reine Texen et caché par sa fille Mercede dont il va bien sûr tomber amoureux. Menant à lui seul une sorte de « guérilla » souterraine, notre héros parviendra, grâce à sa force surhumaine à neutraliser (à coups de poings et de gourdin !) les forces armées de la cité corrompue. Au-delà des traditionnelles scènes de bagarre peu violentes et réalistes, le spectateur retiendra plutôt l’utilisation presque gothique des lieux, succession de salles de torture, de couloirs immenses, de souterrains éclairés de bleu et de vert, ouverture secrète sous le pied d’une statue du Dieu Atlas…. De même, c’est l’attention prêtée aux décors et la façon dont ils sont mis en valeur (belle utilisation du clair-obscur) qui font du GEANT DE METROPOLIS une vraie réussite. Un remarquable travail sur les cadrages, sur la profondeur de champ, sur la mise en relief des formes géométriques variées formant l’intérieur du palais permet au film d’atteindre une richesse visuelle et formelle assez précieuse qui n’est pas sans rappeler le travail d’un Mario Bava. A ce propos, signalons que certains décors et costumes évoquent fortement ceux de LA PLANETE DES VAMPIRES tourné en 1965 par le réalisateur sus-cité. On pourra finalement reprocher au film une certaine naïveté dans sa dénonciation des dangers de la science, les motivations confuses ou farfelues du tyran Yotar (son but est de faire fusionner l’âme de son père et celle de son fils dans le corps de ce dernier : Freud aurait eu beaucoup de travail!) ou le jeu d’acteur assez risible de Gordon Mitchell ; il s’agit de vétilles au regard d’un film imaginatif, baroque et d’une grande générosité. Il est à noter que Federico Fellini donnera à Gordon Mitchell le rôle du Minotaure dans son délirant SATYRICON (1969), certainement en hommage à son personnage du GEANT DE METROPOLIS.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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