retrospective

Le Grand Duel (1972) – Baroud d’honneur du western spaghetti

Giancarlo Santi n’est pas un illustre nom du cinéma italien. Et pour cause, il n’a réalisé que trois films dans sa carrière, dont Le Grand Duel, sa seule contribution au western italien… Santi a tout de même été assistant réalisateur sur Il était une fois dans l’Ouest et Le Bon, la Brute et le Truand… Sur un CV, ça le fait…

Le Grand Duel démontre de manière évidente qu’il a aussi été un excellent élève. Il applique avec élégance ce qu’il a appris auprès de Sergio Leone. Au point que Le Grand Duel peut se targuer de se situer dans le peloton de tête du genre. Divertissant et passionnant, le film de Giancarlo Santi convaincra sans problème autant les aficionados du western spaghetti que les circonspects…

Ancien shérif, Clayton est à la recherche de Philip Wermeer, innocent, mais accusé du meurtre du vieux Saxon, alias le patriarche. Clayton parvient à sauver le jeune impétueux des griffes des chasseurs de primes qui avaient prévu de le livrer à la justice, plutôt mort que vif… L’objectif de Clayton est de ramener Vermeer, condamné à la potence, dans la ville où il est supposé avoir commis son crime. Il souhaite l’innocenter et démasquer le véritable assassin avec lequel l’ancien marshall a un compte à régler…

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Lee Van Cleef (New York 1997, Sabata) incarne un shérif en quête de rédemption. Accusé de corruption, il est calme et sûr de lui. Comme dans un bon thriller, son personnage, impénétrable, conserve son mystère jusqu’au final. Sont délicieuses ses apparitions en vieux shérif, sage et discret, qui en a vu des vertes et des pas mûres. Son caractère tranche avec celui de son alter égo, le jeune et fougueux Philip Wermeer interprété par Alberto Dentice. Un acteur très agréable mais qui ne prolongera pas sa carrière.

Quoi qu’il en soit, l’alchimie fonctionne entre les deux personnages, au point que le film revêt parfois des allures de buddy movie, prenant quelquefois un ton léger. Les traits d’humour sont rares malgré tout. En fin de compte, le point fort du Grand Duel, c’est peut-être, surtout, son incroyable brochette de méchants… À savoir les frères Saxon, et en particulier Adam.

Moins connu que l’Allemand Horst Frank qui joue son frère aîné, Klaus Grünberg (héros du film More du réalisateur Barbet Schroeder) est élégant et racé dans son costume blanc toujours impeccable. Mais la peau rongée de son visage révèle une toute autre nature. C’est en effet un dangereux psychopathe, n’hésitant pas à tuer par plaisir.

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Le Grand Duel tranche radicalement avec les habitudes du genre. Certes, la vengeance et la cupidité motivent les actions des personnages. Mais le scénario signé Ernesto Gastaldi se rapproche parfois du thriller avec un suspens entretenu quant à l’identité de l’assassin du patriarche. On doit au scénariste d’excellents gialli, et pas des moindres : Torso, La Queue du scorpion… Ici, il imagine quelques séquences surprenantes et étonnamment noires et violentes. Le massacre d’hommes, de femmes et d’enfants exécutés à la mitraillette par le plus abject des frères Saxon est mémorable.

Par ailleurs, le film est riche en rebondissements. Il n’est pas question ici d’exploiter jusqu’à la lie une idée. L’histoire s’avère beaucoup plus complexe que la plupart des films du genre avec multiples péripéties, jusqu’au final, grandiose. Le film ne s’appelle pas Le Grand duel par hasard.

À ce titre, la réalisation est de grande classe. Ainsi, le film bénéficie d’une photographie signée Mario Vulpiani (La Grande Bouffe), soignée et travaillée, exploitant majestueusement le cinémascope. Le film est franchement admirable sur le plan visuel et un bonheur pour les yeux. Les couleurs chatoyantes et les décors rappellent parfois le cinéma gothique italien. Les arrière-plans sont fouillés et agrémentent richement l’action qui se déroule au premier niveau.

Quant au thème joué à l’harmonica et composé par Enríquez Bacalov, il s’est révélé suffisamment remarquable pour que Quentin Tarantino le réutilise dans Kill Bill. Sacrée consécration !

Un bijou.

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