Le Gros

Un texte signé Patryck Ficini

France - 2013 - Lefèvre Didier

On ne présente évidemment plus MEDUSA aux lecteurs de SUEURS FROIDES. Les amateurs de bis savourent ce somptueux fanzine depuis de longues années, en quête d’informations toujours précises et passionnantes sur ce cinéma marginal qu’ils affectionnent. Les films les plus rares et les plus bizarres y tiennent toute leur place.
Le maître d’œuvre de MEDUSA, Didier Lefèvre, est aussi chanteur des DEAD RATS et, depuis 2013, romancier.
LE GROS est son premier roman. Préfacé par Pascal Françaix (l’une des découvertes littéraires de Jean Rollin), LE GROS est assez indéfinissable. De façon réductrice, on peut le voir comme un roman noir social avec de très nombreuses références au cinéma fantastique (le héros, un gamin de 15 ans et 103 kilos, est un habitué du vidéo-club de sa ville).
LE GROS nous plonge dans le quotidien de François, ado obèse et boulimique, méprisé par sa famille (mère alcoolique et sœur nymphomane), battu par son beau-père violent. Un quotidien triste et désespérant comme un jour de pluie. Un jour de pluie sans fin.
Le « Gros », comme tout le monde le surnomme, mange comme pour supporter les épreuves de sa pauvre vie. D’ailleurs il ne mange pas, il bâfre à s’en faire exploser la panse. Insatiable.
Ceux qui trouveront le trait chargé, au rayon « famille à problèmes », n’auront pas lu d’études et d’articles documentés sur le sujet et n’auront pas idée de ce qui se trame dans une frange du quart monde français. LE GROS est en fait un roman terriblement réaliste socialement. Terriblement, tragiquement même.
Violence familiale, alcoolisme maternel, promiscuité sexuelle et climat incestueux, harcèlement scolaire… sont autant de thèmes brassés dans ce roman qui évoque le noir social d’un Claude Ferny. Il y a du Jack Ketchum aussi dans LE GROS.
François s’intéresse de près à une sorcière, pensant qu’elle pourra le faire maigrir, jusqu’à ce qu’elle brûle vive dans sa baraque. Un lien mystérieux existait entre la gitane et son salaud de beau-père. De là à songer que l’affreux serait responsable de sa mort, il n’y a qu’un pas. Un pas vite franchi par François, qui le conduira au tréfonds de l’horreur, jusqu’au bout du fait divers.
François est un ado intelligent et attachant, qui rêve de reprendre son destin en mains pour en finir avec les tortures d’une vie sans but. Quant à y parvenir, c’est une autre paire de manches.
L’écriture de Didier Lefèvre est belle et riche. Passer de l’écriture d’un fanzine au roman n’est pas chose facile tant les deux moyens d’expression sont différents, mais le pari est ici pleinement réussi. La langue maîtrisée de l’auteur est un régal. La forme soignée, jamais vulgaire malgré son sujet qui aurait pu se prêter à des dérapages, épouse le fond noir à souhait.
De Didier Lefèvre, on aurait pu attendre un premier roman essentiellement bis, horrifique, sexy. LE GROS est un bouquin sur la misère, avec, certes, du sexe et de la violence, mais jamais gratuits.
Le cruel calvaire de François jusqu’aux derniers chapitres, aussi extrêmes qu’inattendus, plongera le lecteur incrédule dans un enfer tout ce qu’il y a de réel. Un enfer qui fait malheureusement trop souvent la une des quotidiens lorsqu’il est enfin découvert.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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