Le journal érotique d’un bûcheron

Un texte signé Tom Flener

France - 1974 - Jean-Marie Pallardy
Titres alternatifs : La forêt aux mille désirs
Interprètes : Willeke van Ammelroov, Georges Guéret, Jean-Marie Pallardy…

Juste au moment où il reçoit le prix Nobel, le professeur Muller (Georges Guéret) décide qu’il n’en peut plus de cette vie chaotique et s’enfuit dans la nature. Il observe des bûcherons en train de couper des arbres et de faire l’amour à des jeunes filles. Décidant que c’est la seule façon de vivre pour un vrai homme, il établit un refuge où les hommes comme lui peuvent assouvir leurs désirs charnels avec une multitude de belles filles. Son fils Jean-Marc (Jean-Marie Pallardy), de son côté, supporte mal les exploits libertins de son père. Pourtant, lui aussi tombe sous le charme d’une des filles, Isabelle (Willeke van Ammelroov), ignorant qu’elle est en fait une agente du gouvernement supposée mettre fin aux activités immorales du professeur.
Il faut être clair, Monsieur Pallardy ne fait pas du grand cinéma. Il avoue lui-même avoir juste voulu faire des comédies paillardes, ni plus ni moins. Il faut donc juger son œuvre sur ces bonnes intentions. Si on comprend que le set du tournage ressemblait probablement beaucoup au refuge libertin du professeur Muller, on ne peut pas reprocher au réalisateur de vouloir faire ce genre de films. Dans une interview, Jean-Marie Pallardy avouait se foutre royalement de l’opinion des autres, et que faire des films était pour lui une manière de gagner de l’argent facilement tout en s’amusant avec sa bande de copains. On ne sera donc pas surpris si cette joie de vivre se traduit bien dans le film, et il ne faut aucunement le prendre plus au sérieux que ne le faisaient les participants.
Sachant que la plupart des acteurs étaient des copains du réalisateur et non des professionnels, il faut s’attendre à un jeu thespien moyen plus qu’à quelque chose de sophistiqué. Ainsi, certains des « acteurs » arrivent à peine à se rappeler leurs lignes. Mais Jean-Marie Pallardy réussit néanmoins à mettre des gens plus compétents dans les rôles porteurs. Il laisse le rôle du professeur Muller à Georges Guéret, et joue le fils Jean-Marc, le grand romantique au milieu de toute cette décadence. On peut toutefois assumer que Jean-Marie Pallardy reste plus proche du personnage du professeur, fait bien évident dans les dialogues qu’il a écrit pour ce personnage et qui devraient refléter assez fidèlement la philosophie de ce mannequin devenu réalisateur-acteur.
Malgré cette insertion personnelle dans son œuvre, Jean-Marie Pallardy ne se prend pas trop au sérieux. Ainsi l’intrigue est assez farfelue, et l’humour à ce niveau semble être intentionnel. Par exemple, la raison pour laquelle le gouvernement français veut retrouver le professeur Muller n’est pas seulement d’ordre moral. En effet, toutes les belles filles de Paris se retrouvent dans le refuge, et conséquemment, la capitale française perd les revenus issus du tourisme (les touristes évitent Paris et se tournent vers d’autres rives avec de belles filles). Mis à part certains épisodes assez drôles, l’intrigue se résume la plupart du temps à des scènes de sexe, et c’est sûrement ici que l’élément paillard entre en jeu. Les confrontations qui résultent du fait que Isabelle est une agente sont résolues avec quelques coups de poing et un « Allez, on est quand même des copains ». Si une scène de viol reste la seule scène sérieuse du film (et Jean-Marie Pallardy pense lui-même qu’il aurait dû la supprimer), l’intrigue se déroule finalement sur un ton assez léger de camaraderie masculine.
Une partie de l’humour résulte moins du scénario que de la mise en scène. En effet, celle-ci est assez chaotique. Si on ne sait pas toujours ce qui se passe au niveau de l’intrigue (il n’est pas évident de savoir si c’est la faute au scénario ou à la mise en scène), c’est lors des scènes de sexe et les scènes d’action qu’on a l’impression que Jean-Marie Pallardy ne se soucie pas trop de la continuité. Ainsi, lors d’une scène érotique assez longue, on voit un couple s’enlacer, les deux personnes portant des vêtements. Soudainement, elles sont nues et deux filles se trouvent à côté d’elles, faisant également l’amour. A la fin, le premier couple est de nouveau à moitié habillé. La scène de bagarre finale s’avère finalement assez amusante, par son côté décousu et anarchique. Il est presque impossible de savoir qui cogne, qui est cogné, puisque les personnages sautent d’une position à l’autre entre les coupes. Si cette manière de filmer est presque une constante dans ce film, il est difficile de décider si elle résulte de l’incompétence du réalisateur, ou d’un certain je-m’en-foutisme du côté de monsieur Pallardy, plutôt soucieux d’avoir du bon temps avec ses actrices que de délivrer plus que le minimum syndical.
Mais ne soyons pas trop gourmands. Jean-Marie Pallardy admet lui-même qu’il ne voulait finalement que gagner sa vie en s’amusant, et le JOURNAL ÉROTIQUE résultant n’est ni plus ni moins qu’une expression de cette philosophie. Il faut le prendre tel quel, et se laisser entraîner par la bonne humeur émanant de ce petit film érotique. Et, pour ne pas l’oublier et afin de rassurer la gente masculine, les filles sont assez agréables à regarder.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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