Le livre de Sang

Un texte signé Sophie Schweitzer

Clive Barker fait partie de ces auteurs anglo-saxons qui ont révolutionné le genre horrifique aussi bien en littérature qu’au cinéma. Comme Richard Matheson et Stephen King, Clive Barker a connu une carrière auréolée de succès. Ses œuvres adaptées au cinéma le poussent à franchir le pas et à réaliser lui-même ses adaptations. Sa relation avec le cinéma est d’ailleurs plutôt houleuse, finissant tristement mal. En tout cas pour ce qui est de lui derrière la caméra.

Clive Barker est avant tout un auteur prolifique qui donne aussi bien dans le roman, la nouvelle que la pièce de théâtre, autant dire un touche à tout.

En 1987, il sort son recueil de nouvelle Le Livre de Sang s’étalant sur 6 volumes qui rencontreront un vif succès aux Etats-Unis et connaîtront plusieurs adaptations cinématographiques (Candyman, Le maître des illusions ou encore Midnight Meat Train). Toutes les nouvelles présentes dans Le livre de sang font preuve des caractéristiques typiques de l’auteur. Ainsi on retrouve un esprit franchement cynique où bien souvent les méchants sont punis d’une manière assez sarcastique – tel est pris qui croyait prendre qui n’est pas sans rappeler les Contes de la Crypte ou les Alfred Hitchcock présente. Et puis il y a aussi le côté monstrueux, un peu freak show, toujours présent chez Clive Barker où les monstres sont bien souvent les gentils. On peut ajouter à cela une atmosphère suintante, quelque chose d’assez proche de l’univers Cronenberg (époque La Mouche) où le corps se transforme, où la réalité se déforme, où la monstruosité n’est jamais loin.

6 nouvelles relativement longues de 20 à 50 pages constituent ce premier tome.

Introduit par une nouvelle qui justifie l’ensemble des 6 volumes, Le livre de sang commence par l’histoire d’un groupe de chasseurs de fantômes qui investit une baraque hantée afin de parvenir à prouver l’existence du surnaturel et bien sûr des esprits. Manque de bol, les lieux s’avèrent réellement hantés.
Ainsi les nouvelles que nous allons lire sont les histoires des fantômes hantant les lieux, du moins est-ce ainsi que nous sommes introduits dans l’histoire. Une manière bien à lui, glaçante presque, de nous plonger dans un univers qui ressemble assez à l’enfer, ou peut-être les limbes, où des âmes angoissées et solitaires partageraient avec le lecteur l’enfer dans lequel elles sont plongées. Autant de témoignages et d’histoires sordides sont alors jetés au visage de l’innocent lecteur devenant témoin.

Après l’introduction, courte mais pas moins glaçante, nous sommes plongés dans Le train de l’Abattoir. C’est l’histoire du dernier métro destiné à ne jamais laisser ses occupants repartir vivants. Nous nous retrouvons avec Leon Kauffman, lassé de la vie citadine de New York qui comprend petit à petit qu’il est dans la même ligne de métro qu’un tueur en série bien connu pour laisser des cadavres brutalisés dans les rames. Cette nouvelle a connu une adaptation cinématographique The Midnight Meat Train réalisé par Ryuhei Kitamura en 2008.

S’ensuit ensuite l’histoire de Jack et le Cacophone. Portant un titre ressemblant à celui d’un conte de fée, la nouvelle en emprunte en effet la forme. Un père de famille lutte contre un démon à qui on a assigné comme cible cet homme ordinaire. Or Jack n’a pas l’intention de se laisser faire par le démon. Un combat sans merci donc, plein d’humour et d’une certaine ironie, où l’on ne sait pas très bien qui est le héros, l’humain ou bien le démon qui doit faire ses preuves.

La Truie est une histoire moins marrante disons. Un ancien flic, Redman se retrouve à enseigner dans un centre de réhabilitation pour jeunes délinquants. Il se prend vite d’amitié pour un jeune garçon qui est la cible des railleries de ses camarades et qui lui avoue craindre pour sa vie. Persuadé qu’il y a une sorte de conspiration parmi les professeurs et docteurs gérant l’endroit, il mène l’enquête pour savoir ce qu’on lui cache sur la soi-disant évasion plus que suspecte d’un des délinquants.

Quand à la nouvelle Les feux de la rampe c’est l’une de ces nouvelles pleine d’ironie et de sarcasme sur le monde du spectacle, sur l’orgueil et la vanité. Clive Barker plonge le spectateur dans un monde plein de dureté le tout avec une certaine poésie apparaissant sur la fin. Sans trop vous en dire pour ne pas vous gâcher le plaisir, ça parle d’un metteur en scène qui joue pour la dernière fois sa pièce, le théâtre va être vendu, et plus personne n’est intéressé par ce qu’ils jouent de toute façon, la télé l’a emporté, maintenant et il est plein de regret et de rancœur, sur ce qu’il aurait pu faire. Une sorte de conte de fées pour adulte.

Enfin, Dans les Collines, les cités est un récit assez atypique. Surprenant par la forme qu’il adopte aussi bien que par l’histoire qu’il raconte, il semble un peu différent de l’esprit des autres nouvelles bien que mêlant avec adresse l’aspect merveilleux et l’horreur pure comme il sait si bien le faire. Racontant l’histoire d’un couple gay mal assorti faisant du tourisme dans un pays slave et se retrouvant paumé en pleine campagne, où ils verront leur programme bouleversé.

Très prometteur ce premier volume en dit long sur le pouvoir évocateur des nouvelles de Clive Barker et l’aspect touche à tout de ce dernier qui sait aussi bien raconter des histoires toute simples et drôles que de grandes fresques acides, le tout avec un regard sarcastique sur l’humanité, et un amour plus qu’évident pour les monstres quels qu’ils soient.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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