Le Maitre du taekwondo

Un texte signé Yannik Vanesse

Hong-Kong - 1975 - John Woo
Titres alternatifs : Nu zi tai quan qun ying hui, La Revanche des dragons
Interprètes : Chuan Chen, Chi Chu Chin, Sammo Hung Kam-bo, Wah Yuen

Un groupe de criminels a décidé de prendre le contrôle de toutes les écoles d’arts martiaux de la ville. Un jeune Chinois, grand pratiquant de boxe, arrive dans ce climat de violence. Son but premier est d’apprendre le taekwondo et de combattre un grand maître coréen demeurant en ville. Mais, par amour pour une femme, amitié pour son co-disciple, respect pour leur maître et, évidemment pour défendre le bien et l’esprit des arts martiaux, il sera obligé de prendre part à cette sombre lutte.
John Woo s’est surtout fait remarquer pour ses polars hongkongais, comme les deux SYNDICATS DU CRIME, UNE BALLE DANS LA TÊTE ou encore THE KILLER. Après avoir réalisé le génial À TOUTES EPREUVES, il est parti tenter l’expérience hollywoodienne, pour le meilleur (WINDTALKERS) ou le moins bon (CHASSE À L’HOMME, qui reste cependant l’un des meilleurs Jean-Claude Van Damme). Son dernier film en date l’a fait revenir en Chine pour livrer une fresque médiévale pleine de bruit et de fureur, le passionnant LES TROIS ROYAUMES. Mais il n’a pas débuté sa carrière en réalisant LE SYNDICAT DU CRIME. Il a d’abord été assistant réalisateur de l’un des grands noms de la Shaw Brothers (Chang Cheh) avant de réaliser lui-même quelques comédies et films d’arts martiaux, pour la Shaw Brothers ou, comme ici, pour sa rivale la Golden Harvest.
La première image frappe le spectateur habitué aux classiques wu xia pian de la Shaw Brothers et de la Golden Harvest. Arrivent dans un champ deux gangs de jeunes femmes, vêtues de manières disparates et aux allures de bad girls que l’on croirait presque sorties d’une série B type FASTER PUSSYCAT, KILL KILL. Mais très rapidement, les femmes se changent, revêtant des kimonos plus dans le ton du film. C’est d’ailleurs le souci de cette première altercation. Toutes les femmes étant habillées de la même manière, il est difficile de savoir qui appartient à quel groupe, mises à part les deux cheftaines qui se sont présentées et défiées avant que la curée ne commence. Cependant, si le début de l’affrontement est assez classique, avec prises et coups d’arts martiaux (ici le taekwondo), accompagnés des traditionnels bruitages exagérés propres aux productions Golden Harvest et Shaw Brothers, les combats basculent très vite dans une autre dimension, la foire d’empoigne. Les pratiquantes abandonnent rapidement toute retenue, se tirant les cheveux, se mordant, se jetant violemment dans la boue (ce qui ravira tout amateur de combat féminin) et se déchirant le komino, offrant ainsi quelques visions de poitrines dénudées, assez surprenantes dans le cadre de ce genre de film et pour un John Woo en général on ne peut plus retenu.
D’ailleurs, le film fera hurler les féministes car le scénario (écrit par John Woo) offre un vrai démarquage entre les hommes et les femmes, pourtant tous membres d’une école de combat. Les hommes sont présentés comme courageux, dignes, se battant avec honneur et en respectant les codes. Les femmes, quant à elles, semblent n’être que manipulatrices ou manipulées, ne pensant qu’à se crêper le chignon, que ce soit sous la douche ou dans les bois. Il est, pour elles, tellement inconcevable qu’elles affrontent un homme que l’arrivée d’un maître masculin de taekwondo sur le champ de bataille ouvrant le film fera immédiatement cesser toute hostilité. De même, seule la grande méchante du film osera combattre un homme. Sorti de ce contexte, qui fera sourire ou hurler de colère selon la manière dont on aborde l’histoire, le film reste très plaisant. Outre les bruitages, on retrouve évidemment les autres tics propres à ces productions, comme ce magnifique ciel peint servant d’extérieur ou ces morts exagérées au possible, les protagonistes se crispant violemment avant de se figer pour de bon. Les héros sont très gentils, les méchants très méchants, et le film valorise l’honneur et l’esprit des arts martiaux, ainsi que l’amitié virile. Les acteurs sont charismatiques et les combats, très nombreux, se révèlent plutôt bons.
Au final, le métrage permet de découvrir une œuvre de jeunesse du réalisateur (où il utilise des pigeons à la place des colombes qu’il aimera symboliquement placer dans ses autres films). Et, si ce film ne peut espérer se placer aux côtés des meilleurs métrages de John Woo, il est toujours intéressant de découvrir comment a commencé un metteur en scène. De plus, ce LE MAÎTRE DU TAEKWONDO est un très sympathique film d’arts martiaux qui plaira aux amateurs du genre, malgré quelques scènes humoristiques un peu embarrassantes mais fort heureusement assez peu nombreuses.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Yannik Vanesse

- Ses films préférés :

Share via
Copy link