Le masque de cire

Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1996 - Sergio Stivaletti
Titres alternatifs : La maschera di cera
Interprètes : Robert Hossein, Romina Mondello, Ricardo Serventi Longhi

Produit par Dario Argento, LE MASQUE DE CIRE devait à l’origine être filmé par Lucio Fulci dont la carrière était au point mort depuis la fin des années 80. Réconcilié depuis peu avec Argento, Fulci s’était donc attelé corps et âme au projet qui devait lui permettre de retravailler tout d’abord et peut être de revenir sur le devant de la scène cinématographique. Hélas, le réalisateur de L’AU-DELA décède avant le début du tournage (en mars 1996) et n’est donc crédité que comme co-scénariste. C’est au fidèle Sergio Stivaletti, spécialiste des maquillages et effets spéciaux sur les films d’Argento depuis PHENOMENA (1984) qu’échoit l’honneur de réaliser LE MASQUE DE CIRE. Novice derrière la caméra, Stivaletti sera épaulé par Argento qui a officieusement co-dirigé le film et l’a conçu comme une tentative de ressusciter l’épouvante gothique, genre emblématique de l’âge d’or du cinéma italien des années 60.
Le film débute « in medias res » et nous fait découvrir, en même temps qu’un groupe de policiers, une scène de crime abominable qui vient d’avoir lieu dans un petit appartement. Un couple y a été sauvagement massacré (l’homme a été égorgé, mutilé, la femme a eu le cœur arraché…) et l’on découvre leur petite fille cachée sous un lit, terrorisée. Une dizaine d’années plus tard, nous sommes en 1912, à Rome, où des crimes sont commis par un mystérieux individu masqué,doté d’une main mécanique en fer qui enlève ses victimes (hommes, femmes ou enfants) après leur avoir injecté un mystérieux liquide. Nous retrouvons alors Sonia, la petite fille dont les parents avaient été tués ; c’est une belle jeune femme à présent et elle vient de trouver un emploi de costumière dans le musée de cire du professeur Volkoff. Ce musée est spécialisé dans la représentation de scènes de crimes, célèbres ou pas, et on soupçonne bientôt qu’il y a un lien entre ce lieu sinistre et les récentes disparitions…
LE MASQUE DE CIRE aborde d’emblée des thèmes classiques de l’épouvante gothique et plus particulièrement celui des figures de cire ; appartenant au monde de l’inanimé, cet état particulier (quelque part à la frontière entre le mort et le vivant) leur confère une aura d’ « inquiétante étrangeté ». Figure récurrente du fantastique, le mannequin de cire a hanté de nombreux films depuis LE CABINET DES FIGURES DE CIRE, film expressionniste de 1924 jusqu’à L’HOMME AU MASQUE DE CIRE avec l’immense Vincent Price. S’il emprunte à ce dernier film certains éléments, LE MASQUE DE CIRE puise plutôt son inspiration dans le cinéma gothique italien des années 60 et plus particulièrement dans le magnifique LE MOULIN DES SUPPLICES (Giorgio Ferroni, 1960). On y retrouve le même mélange de romantisme et de macabre et la présence d’un « musée des horreurs » où les personnages sculptés sont… plus vrais que nature. On y retrouve aussi un « savant fou » (autre figure emblématique du fantastique) et les mêmes expériences de « pétrification » des victimes, de préférence féminines, ici à demi-nues ce qui n’était pas concevable bien sûr en 1960. Le créateur du musée, le professeur Volkoff (joué par un Robert Hossein remarquable de sobriété, tour à tour glaçant ou émouvant) a également de nombreux points communs avec Erik, le personnage du FANTOME DE L’OPERA. Tout le film peut être perçu au final comme un hommage au roman de Gaston Leroux, à son atmosphère gothique et il parait intéressant de noter que le co-auteur officieux du MASQUE DE CIRE, Dario Argento, réalisera une version officielle du roman deux ans plus tard. Impossible aussi de ne pas relever l’influence prégnante du style d’Argento dans de nombreuses séquences du film, particulièrement lorsque celui-ci mêle esthétisme formel et violence crue ou lorsqu’il fait une pause pour magnifier l’architecture baroque de la façade du Musée. Notons au passage que le chef-opérateur Sergio Salvati (FRAYEURS ou L’AU-DELA de Fulci) est pour beaucoup dans la réussite visuelle du métrage où les tons dominants ocres et cuivrés font écho à l’atmosphère funèbre de l’intrigue. Signalons pour finir les remarquables maquillages et effets spéciaux très gore dus au français Benoît Lestang qui donnent à ce film nostalgique de l’horreur à l’ancienne une vraie modernité. Rien n’est suggéré en effet lors des nombreuses scènes-choc qui parsèment le film : les cœurs sont arrachés en gros plan, les corps s’ouvrent en deux et se vident, le meurtrier défiguré évoque un zombie à la Fulci, sans parler de l’impressionnante décomposition finale.
On peut juger au final que LE MASQUE DE CIRE est trop chargé de références, que le film frôle parfois le pastiche mais on ne peut lui ôter sa sincérité et son amour d’un genre qu’il a essayé de relancer en lui insufflant des éléments contemporains (pour résumer: plus d’érotisme et de sang !). Cette tentative sera sans suite, faute de retombées commerciales suffisantes et depuis 1996, le fantastique italien a lui aussi été « pétrifié » !
Le film est dédié à la mémoire de Lucio Fulci et marque aussi, rétrospectivement, la fin d’une époque.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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