Le Masque Et La Poudre tome 1 : Un Soupçon De Souffre Dans Une Mer D’Huile (D’Olive)

Un texte signé Yannik Vanesse

La ville de la Soufrière subit une étrange invasion, venant des Masques. Ses habitants, saltimbanques éternels, ne cessent d’arriver en ville, et les instances se demandent si ce pacifique afflux ne recèle pas autre chose de plus pernicieux. Le premier juge de la ville, Ralph, réquisitionne l’ancien héros qu’est la Balle pour que tous deux, accompagnés de deux étranges gardes du corps (H et Numéro 1), se rendent dans les Masques, afin de comprendre la situation. Mais la Balle n’est plus depuis longtemps, et Balthazar, l’homme derrière la légende, est brisé, usé. Pourtant, alors que le périple progresse, il en vient à se demander si toute cette histoire ne recèle pas d’autres mystères, et découvre que les Masqués ne sont pas les seuls à user de faux semblants.

Walrus éditions est une jeune maison spécialisée dans le numérique, qui commence cependant à proposer, à la demande, des ouvrages papiers. Centrée sur le pulp et autre littératures bis, ils offrent, dans leurs catalogues, nombre d’ouvrages intéressants, comme le livre dont vous êtes le héros d’inspiration lovecraftienne PLONGEE SUR R’LYEH. LE MASQUE ET LA POUDRE fait partie des cycles de Walrus édition, qu’il est possible d’acheter à petit prix, mais LE MASQUE ET LA POUDRE tome 1 peut aussi être intégré à leur pack découverte (avec les tomes 1 de TRANSOXIANE, du CABINET DES OMBRES et de TIME-TROTTERS), l’occasion de tester pour peu d’euros les différentes sagas de l’éditeur.

Hubert Vittoz offre avec ce premier tome un ouvrage maîtrisé et un univers foisonnant d’idées. Pourtant, l’ambition de l’oeuvre pouvait faire craindre au lecteur un manque de tenue, et un récit qui prendrait l’eau.
En effet, déjà, l’auteur opte pour un univers qui semble, de prime abord, assez simpliste. Deux villes sont citées, la Soufrière, symbole de l’industrialisation, et les Masques, ville de saltimbanque. Mais le monde ne se résume pas à cela et, à travers son périple (LE MASQUE ET LA POUDRE est autant un road-movie littéraire qu’une quête initiatique durant laquelle Balthazar doit reprendre du poil de la bête et concilier ses deux personnalités), le lecteur va entendre parler d’autres cités, elles-aussi très caractérisées, mais pourtant, le tout sonne de manière cohérente, et Hubert Vittoz déploie des intrigues politiques certes classiques, mais intéressantes.
Les personnages, eux, sont bien construits, mais pas forcément originaux. Pourtant, le parti, osé, de prendre comme héros un personnage plutôt brisé et pas franchement héroïque (même s’il l’a été) est très intéressant, et le lecteur s’attache à Balthazar, qui parviendra certes à vaincre les embûches, mais pas seul, et en utilisant souvent sa tête. Il est par moment antipathique, désespéré, rude, agaçant, bref, foncièrement humain, mais il ose continuer à avancer, à affronter les dangers, car il veut comprendre, il veut progresser, et c’est en découvrant que redevenir La Balle n’est pas la meilleure chose à faire, que La Balle et Balthazar doivent apprendre à cohabiter, que le héros arrivera finalement à s’en sortir.
Mais là où Hubert Vittoz époustoufle, ébahit, scotche le lecteur à sa liseuse, incapable de ne pas continuer à dévorer le récit, c’est en maîtrisant sa narration à la perfection. Il envoie ses protagonistes dans une cité pleine de faux-semblants, de pièges et d’illusions, et décide de coller sa manière de raconter son histoire à ses personnages, et perd ainsi tout autant le lecteur que ses protagonistes. Le style est imagé, plein de métaphores, de jeux de mots, de jeux sur les mots, interpelle le lecteur, et s’adapte en fait à la perfection à ce qu’affrontent Balthazar et ses compères. Ainsi, Hubert Vittoz ne fait pas que plonger ses personnages au sein des Masques, il y noie le lecteur, qui se retrouve lui-aussi en butte aux illusions, aux pièges et aux propos sibyllins des habitants de l’endroit. Il ose même, à un moment, proposer trois versions des mêmes événements, pour laisser le lecteur errer entre les récits, se questionnant sur leur nature et leur réalité et, même si par la suite l’auteur semble avoir choisi lequel est vrai, qui sait s’il ne nous réserve pas quelques surprises dans sa manche ?
C’est ainsi assez essoufflé que le lecteur quitte Les Masques pour la suite du périple de Balthazar qui s’en va découvrir d’autres lieux, certes moins déstabilisants mais qui paraissent intéressants et livreront sans doute plus de réponses sur le mystère planant sur toute cette histoire.
Au niveau de la forme, l’auteur dévoile même quelques illustrations et croquis, qui collent bien à l’ensemble mais qui hélas rendent assez mal sur une liseuse, et il reste quelques coquilles dans le texte, mais rien de vraiment dérangeant. LE MASQUE ET LA POUDRE est un livre passionnant qui se doit d’être découvert, nouvelle preuve que Walrus éditions est une maison à suivre, pleine d’idées et d’ouvrages fascinants.


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- Article rédigé par : Yannik Vanesse

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