Le miroir de la sorcière

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Mexique - 1962 - Chano Urueta
Titres alternatifs : El Espejo de la bruja
Interprètes : Rosa Arenas, Armando Calvo, Isabella Corona, Dina de Marco

Production mexicaine du début des années 60, LE MIROIR DE LA SORCIERE rassemble une foule d’inspiration et déroule son intrigue à un rythme enlevé. Il est en effet assez effarant de constater à quel point le métrage change de style et cultive les rebondissements en à peine 75 minutes fort bien remplies. Malheureusement l’excès nuit en tout et le metteur en scène Chanu Urueta semble parfois éprouver quelques difficultés à maintenir l’intérêt, non parce qu’il ne se passe rien mais, paradoxalement, parce qu’il se passe trop de choses en trop peu de temps. Un véritable trop plein « d’action » qui menace de perdre le spectateur en route. Mais, à condition d’accepter les nombreux virages prit par l’intrigue, le métrage reste agréable.
Tout débute pourtant de manière classique : la sorcière Sarah découvre dans son miroir que sa nièce Helen va être assassinée par son mari, Eduardo, un médecin qui la trompe avec la belle Déborah. Malheureusement, Sarah s’avère incapable d’empêcher le meurtre et Helen est empoisonnée, ce qui permet à Eduardo d’épouser sa maîtresse. Mais Sarah ne compte pas laisser Eduardo et Deborah vivrent en paix et, par l’utilisation de la magie noire, Helen revient d’entre les morts et terrorise le couple. Un vent glacé souffle, le piano joue la mélodie préférée de la défunte, les fleurs se fanent et meurent…Finalement, Eduardo, excédé, tente de détruire le miroir et provoque involontairement un incendie au cours duquel Deborah est grièvement brulée. Le médecin jure alors de rendre à la jeune femme défigurée sa beauté et, pour se faire, utilise la peau de cadavres…mais ne serait-ce pas plus efficace avec des êtres vivants ?
LE MIROIR DE LA SORCIERE constitue un bon exemple de cinéma horrifique suranné mais agréable pour les nostalgiques. Le scénario multiplie les rebondissements et semble s’inspirer de nombreuses sources, passant d’un récit de hantise type LA MAISON DU DIABLE à un complot pour supprimer une épouse délaissée (on pense à SOUPCONS pour l’utilisation d’un verre de lait redoutable) avant de bifurquer vers la quête d’un savant dérangé (à la manière des YEUX SANS VISAGE) qui utilise des cadavres pour ses expériences (on pense aux vieux FRANKENSTEIN lors des scènes d’expériences en laboratoire)…
Bref, le métrage convoque la plupart des clichés du fantastique de l’époque et propose encore des ombres démoniaques, des cimetières désertés, des chouettes hululant dans la nuit, des rituels de magie noire, des spectres vengeurs, des morts revenus à la vie, des savants fous désireux de percer le secret de la vie, des demoiselles défigurées couvertes de bandages, des corps aux membres sectionnés, etc. Un véritable catalogue du parfait petit manuel de l’effroi pour les néophytes que l’on jugera, selon sa sensibilité, comme divertissant ou à côté de la plaque. Dans ses excès LE MIROIR DE LA SORCIERE retrouve ainsi l’énergie communicative des plus belles réussites de l’âge d’or de la Universal, lorsque les scénaristes se souciaient moins de la cohérence que de la portée horrifique de leurs ténébreuses divagations. Le film n’hésite ainsi jamais à proposer une scène pouvant aisément sombrer dans le ridicule et qui, pourtant, emporte l’adhésion par la force de conviction des interprètes et l’honnêteté forcenée d’une équipe y croyant manifestement dur comme fer, quelques soient les outrances d’un script délirant. On retrouve aussi dans tout ce décorum surannée et ce noir et blanc contrasté les influences manifestes des métrages de la Hammer, des productions gothiques italiennes du début des années 60 et même de certaines réalisations françaises de cette époque. Alors que tout menace de s’écrouler comme un fragile château de cartes, le metteur en scène Chano Uruetha tient pourtant efficacement les rênes de l’entreprise. Sa réalisation chevronnée lui donc permet de maintenir un intérêt assez constant, en dépit de quelques passages moins efficaces. L’ensemble s’avère en tout cas plus réussi et consistant que son fameux LE BARON DE LA TERREUR ou que LA TETE VIVANTE, que nous avons pu découvrir dernièrement.
En dépit de faiblesses manifestes LE MIROIR DE LA SORCIERE se montre donc constamment divertissant et n’est jamais ennuyeux, réussissant un mix assez habile d’influences diverses mais maîtrisées. Sans être inoubliable, ce petit film sympathique reste donc conseillé pour les amateurs de curiosités exotiques.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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