retrospective

Le Monstre De Londres

Si de nos jours, le mythe du lycanthrope initié par le bestiaire d’Universal dans les 40’s est rentré dans les mœurs et qu’on ne s’étonne plus d’en voir souvent au travers de nombreux métrages horrifiques comme HURLEMENTS, PEUR BLEUE, WOLF, WOLF SOLDIER, GINGER SNAPS ou même UNDERWORLD, ce n’était pas encore le cas en 1935, date de sortie du MONSTRE DE LONDRES de Stuart Walker.
En effet, même si la légende de l’homme-loup est connue depuis des temps reculés (on en parle dès la Grèce Antique), il est vrai qu’elle n’a été que très peu exploitée au cinéma avant les années 30 (on ne trouve que THE WEREWOLF d’Henry MacRae en 1913 et WOLF BLOOD de George Chesebro en 1925), si bien que LE MONSTRE DE LONDRES de Stuart Walker fait figure de premier “grand” film de Loup-Garou, sept ans avant le mythique THE WOLF MAN de George Waggner avec Lon Channey Jr.
Suite au phénoménal succès rencontré par les Studios Universal dès 1931 avec DRACULA puis FRANKENSTEIN (1933), nombreux sont les producteurs qui se sont lancés dans le sillon du métrage horrifique avec plus ou moins de roublardise.
Parmi eux, Stanley Bergerman et Robert Harris ont eu l’idée de mettre sur pied un film d’épouvante en utilisant la légende du loup-garou encore quasi inconnue dans les salles obscures. Pour ce faire, les deux hommes ont fait appel aux services de John Colton pour écrire le scénario du MONSTRE DE LONDRES à quatre mains avec Robert Harris himself : lors d’une expédition au Tibet pour rechercher une fleur asiatique extrêmement rare, le botaniste Wilfred Glendon est mordu au bras par une mystérieuse créature. De retour à Londres, Wilfred rencontre un certain Docteur Yogami qui lui apprend que cette fleur est un antidote contre la lycanthropie. Victime de la malédiction du loup-garou lors d’une nuit de pleine lune, le botaniste utilise la plante pour contenir cette transformation.
Or peu de temps après, Glendon découvre que son laboratoire a été pillé et que la fleur a disparu; c’est le début d’une course contre la montre pour le botaniste qui doit à tout prix protéger les siens de lui-même…
C’est le réalisateur Stuart Walker qui vient à peine de réaliser ROMANCE IN THE RAIN et GREAT EXPECTATIONS, deux films plutôt bien accueillis par les spectateurs et la critique de l’époque, qui se retrouve derrière la caméra pour donner vie au MONSTRE DE LONDRES.
Du côté des acteurs, c’est le brillant Henry Hull (WASTED LIVES, MIDNIGHT etc. et qui a notamment travaillé avec Walker dans GREAT EXPECTATIONS) qui décroche le rôle-titre aux côtés de la belle Valerie Hobson (LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN, THE MAN WHO RECLAIMED HIS HEAD…) et de Warner Oland (CHARLIE CHAN, FU MANCHU…).
Avec ce “nouveau monstre” dans le paysage cinématographique, ce trio d’acteurs expérimentés et un scénario aux petits oignons qui met en avant des idées qui feront date (la pleine lune, la scène de la transformation etc.) et qui dévoile un univers bien ficelé et totalement nouveau en 1935… jusqu’en 1941 !
Malheureusement l’aura du film ne durera que sept ans avant d’être balayé par THE WOLF MAN de de George Waggner, notamment à cause du manque flagrant d’expérience de Stuart Walker derrière la caméra (il était initialement producteur et n’a commencé la réalisation qu’en 1931…) qui n’a pas permis de donner beaucoup de consistance à pas mal de bonnes idées à cause d’un traitement trop plat de l’histoire concoctée par le tandem John Colton / Robert Harris. Du coup, il est difficile de rentrer totalement dans LE MONSTRE DE LONDRES qui alterne des phases d’action plutôt sympathiques (notamment la scène d’introduction au Tibet) et des phases un peu longuettes au fil de prises de vues pas trop inspirées (seule la scène de la transformation en traveling rehausse l’ensemble).
Et c’est bien dommage car Henry Hull rentre parfaitement dans son personnage tourmenté, la photographie de Charles J. Stumar amène une atmosphère horrifique plutôt réussie et le maquillage de loup-garou de Jack P. Pierce est tout bonnement excellent pour l’époque (l’homme officiera d’ailleurs en 1941 sur THE WOLF MAN avec le succès qu’on lui connaît).
Pour la petite histoire, il semblerait que le maquillage prévu par Pierce sur LE MONSTRE DE LONDRES était plus élaboré qu’à l’écran… mais les réticences d’Henry Hull (notamment sur le temps du maquillage) ont eu raison de son engouement ! De fait, on retrouvera le maquillage initialement prévu quelques années plus tard sur les traits de Lon Channey Jr dans THE WOLF MAN, permettant ainsi à Jack P. Pierce de gagner ses galons d’excellence et au film de George Waggner d’être considéré comme le premier métrage de loup-garou digne de ce nom…
En fin de compte, même si le film souffre de longueurs inutiles et qu’on ne peut s’empêcher de faire une comparaison (qui ne joue pas en sa faveur) avec THE WOLF MAN, il faut cependant avouer que LE MONSTRE DE LONDRES possède une patine bien à lui et que certains passages du métrage font encore date aujourd’hui (la transformation d’Henry Hull en loup garou façon traveling). Malgré ses faiblesses encore plus prégnantes en 2016, le film de Stuart Walker n’en reste pas moins l’une des premières pierres posées dans les fondations du mythe cinématographique du loup-garou. D’ailleurs, en 1981 John Landis lui rendra un vibrant hommage avec son AN AMERICAN WEREWOLF IN LONDON…

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