Le pirate de Capri

Un texte signé Philippe Chouvel

En 1798, près des côtes italiennes, non loin de Naples. La Révolution française est encore dans tous les esprits, notamment les exécutions du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette cinq ans plus tôt. Marie-Caroline d’Autriche, sœur aînée de Marie-Antoinette, est la reine consort de Naples et de la Sicile. Elle contrôle la cité avec l’aide du baron Holstein, ce dernier faisant régner l’ordre d’une main de fer. Dans la baie, un galion qui transportait des armes est assailli par des insurgés dont le leader est le mystérieux Capitaine Sirocco, au visage dissimulé sous un masque. Qui se douterait que le chef des conjurés est un aristocrate, le comte Amalfi ? Un homme qui se trouve être, de plus, le confident de la Reine !
Les armes subtilisées sont la première étape vers un soulèvement populaire dont le but est de mettre fin aux ambitions et à la tyrannie de Holstein.
LE PIRATE DE CAPRI a été réalisé en 1949, à une période où le film de cape et d’épée tournait à plein régime, notamment grâce à Errol Flynn (CAPITAINE BLOOD, LES AVENTURES DE ROBIN DES BOIS, L’AIGLE DES MERS) et Tyrone Power (LE SIGNE DE ZORRO, LE CYGNE NOIR, CAPITAINE DE CASTILLE). Un âge d’or qui avait débuté quelques années avant le début de la Seconde Guerre mondiale, et qui allait perdurer jusqu’au milieu des années ’50 aux États-Unis, avec entre autres deux classiques mettant en vedette Stewart Granger : SCARAMOUCHE et LE PRISONNIER DE ZENDA.
L’un des thèmes récurrents du film de cape et d’épée est celui de la double identité endossée par le héros. Cela concerne certaines des œuvres précitées, et c’est le cas de ce PIRATE DE CAPRI, où le personnage principal est à la fois le leader des conjurés et l’un des favoris de la Reine, fort influent à la Cour.
Le héros bretteur se cachant (pour diverses raisons) sous une fausse identité est issu de la littérature populaire et a inspiré bien souvent le 7ème Art . On pourrait citer « Le Bossu » de Paul Féval (1857) ou « Le Capitaine Fracasse » de Théophile Gautier (1863). Mais le masque derrière lequel se cache souvent le héros (Zorro, Scaramouche…) vient avant tout de la commedia dell’arte, théâtre populaire italien apparu au XVIème siècle.
Moins connu qu’Errol Flynn ou Tyrone Power, Louis Hayward (un Britannique né en Afrique du Sud) fut pourtant lui aussi une vedette récurrente du cinéma d’aventures, dès lors qu’il émigra aux États-Unis en 1935. Il endossait déjà un double rôle en 1939 dans L’HOMME AU MASQUE DE FER. En plusieurs occasions, il jouera les bretteurs, comme dans LA FLECHE NOIRE et LES NOUVELLES AVENTURES DU CAPITAINE BLOOD, tous deux réalisés par Gordon Douglas.
Dans LE PIRATE DE CAPRI, il affronte un adversaire coriace en la personne du Baron Holstein, le méchant typique que l’on aime détester, campé par Massimo Serato. Dans une carrière longue d’un demi-siècle, l’acteur italien aura aussi croisé le fer plus d’une fois, dans CAPITAINE FUOCO (1958) et LE CHEVALIER DU CHATEAU MAUDIT (1959) entre autres, et à chaque fois dans le rôle du grand méchant de service. Les amateurs de giallo ont pu le voir aussi dans FRISSONS D’HORREUR (d’Armando Crispino) et TERREUR SUR LA LAGUNE (d’Antonio Bido).
C’est la troisième fois que Louis Hayward tournait pour Edgar G. Ulmer, après LE DEMON DE LA CHAIR et L’IMPITOYABLE. Sa (double) prestation dans LE PIRATE DE CAPRI est tout à fait satisfaisante, l’acteur se montrant crédible dans les scènes d’action et possédant le charisme nécessaire à ce genre de rôle.
Malgré un faible budget, le réalisateur, qui était habitué à travailler avec un minimum de moyens, assure l’essentiel. Il exploite au mieux les décors et les figurants qu’il a sa disposition, et dirige parfaitement les premiers et les seconds rôles. Si l’intrigue est relativement classique, elle n’en demeure pas moins plaisante, l’histoire ne faiblissant d’ailleurs pas jusqu’à son terme.
LE PIRATE DE CAPRI est une coproduction entre les États-Unis et l’Italie, justifiant le fait qu’Edgar G. Ulmer fut assisté du réalisateur Giuseppe Maria Scotese pour certaines scènes. La dualité du héros est fort bien retranscrite, avec d’un côté un comte Amalfi raffiné, poète et moqueur, et de l’autre un Capitaine Sirocco multipliant les cascades et les combats. Le duel final qui l’oppose à Holstein répond parfaitement aux codes du genre et s’achève comme de bien entendu par la victoire du bien sur le mal.
On notera enfin (une fois n’est pas coutume) que les Américains ont détourné la vérité historique, faisant de la reine Marie-Caroline un personnage éminemment sympathique. Dans la réalité, elle fut une personne particulièrement cruelle.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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