Le Poison et l’Epée

Un texte signé Jérôme Pottier

Hong Kong - 1993 - Poon Man-Kit
Titres alternatifs : The Sword of Many Loves
Interprètes : Leon Lai, Michelle Reis, Sharla Sheung

Le peu prolifique Poon Man-Kit est un réalisateur méconnu, il a pourtant mis en scène l’excellent SHANGAI GRAND en 1996, un film prélude à l’œuvre de Jhonny To, en particulier ELECTION I et II (2005-2006). C’est en 1993 qu’il signe un objet filmique non identifié qui tente d’insuffler un sang nouveau au wu xia pian : LE POISON ET L’EPEE.

Wu, un jeune marchand doublé d’un valeureux combattant, voit son acolyte décapité par Fung, ignoble tyran local. Il décide de le venger et est aidée dans sa tâche par deux femmes folles de lui : une mystérieuse guerrière de toute beauté et une empoisonneuse non moins jolie…
Attention, ce film est complètement barré ! Après un premier plan épique doté d’une photographie sublime qui préfigure SEVEN SWORDS (Tsui Hark-2005), on assiste à un véritable massacre collectif. Le tout filmé avec beaucoup de brio (même si le montage épileptique peut, au départ, dérouter), Poon Man-Kit place toujours sa caméra dans les angles les plus improbables. Ce filmage biscornu confère une étrangeté singulière à cette pelloche qui, dans le fonds, n’est qu’une banale histoire de vengeance doublée d’un triangle amoureux. Poon Man-Kit l’a d’ailleurs très bien compris, il privilégie l’esthétisme, à l’image de ce duel dans une ruelle étroite dont Tsui Hark se souviendra. THE SWORD OF MANY LOVES a quelques fulgurances qui le rapproche, à certains moments, du classique THE BLADE réalisé deux ans plus tard. Man-Kit s’avère donc un formaliste de grand talent, et signe un long métrage qui flirte régulièrement avec le fantastique, voire même, l’horreur lors de scènes de combats saignantes. Man-Kit pousse le vice jusqu’à nous montrer une mère qui éventre son propre fils : gore ! Toutefois, à cette violence s’ajoute une sorte de démence indéfinissable…
Ainsi, le metteur en scène dresse une galerie de personnages complètement frappadingues tel cet étrange nain mangeur de scorpions (que l’on croirait évadé du FREAKS de Tod Browning-1932) dont la première apparition est l’un des grands moments de folie visuelle de LE POISON ET L’EPEE. L’empoisonneuse (le poison) vaut également le détour, accoutrée comme une hippie sur le retour, elle passe son temps à fumer d’étranges substances. Quant à la belle guerrière (l’épée), elle développe un sex-appeal peu commun, avec ou sans cheveux (?!?), en particulier lors d’une scène gourmande durant laquelle elle se fait lécher par notre héros vicelard qui l’a enduite de caramel confectionné par ses soins. D’autres individus peuplent cette bande, telle une troupe de lutteurs pachydermiques ou encore un couple d’ensorceleurs plus sale qu’une décharge publique.
Cette galerie de trognes est campée par une troupe d’acteurs solide. Leon Lai, que l’on a pu revoir récemment dans INFERNAL AFFAIRS III (2003), livre une interprétation attachante de l’héroïque Wu. Michelle Reis est absolument craquante, voire touchante, en empoisonneuse jalouse, on avait pu l’apercevoir dans l’excellent HISTOIRES DE FANTÔMES CHINOIS II de Ching Siu-Tung (1990). Quant à la belle Sharla Sheung, elle est une bagarreuse du tonnerre dotée d’un don certain pour la comédie (voir, à ce sujet, sa première apparition où elle affronte de gigantesques colosses). Cette dernière officie également dans le bien barré FLYING DAGGER, un autre OFNI à base de flatulences (!) signé cette même année 1993 par Chu Yen-Ping. Les seconds rôles, que l’on dirait recrutés dans un cirque pour phénomènes de foire, s’avèrent très inspirés.
En bref, il est temps de réhabiliter ce petit Bis bien allumé. En effet, cette petite perle du cinéma populaire qui se permet tous les excès s’avère faire l’objet d’un étrange mépris de la part des critiques. Inventif (parfois jusqu’à l’excès), LE POISON ET L’EPEE n’est, certes, pas un grand film, mais est tellement généreux qu’il serait plus qu’idiot de passer à côté !

Cliquez ici pour lire l’article sur Succession par l’Epée


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- Article rédigé par : Jérôme Pottier

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