Le Prince et l’Arnaqueur

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong Kong - 1979 - Liu Chia-liang
Titres alternatifs : Dirty Ho
Interprètes : Gordon Liu, Wong Yu, Lo Lieh, Kara Hui, Johnny Wang, Hsiao Hou

Un Prince (Gordon Lui) dissimule sa véritable identité sous celle, plus discrète, du marchand Wang. Loin des intrigues de la cour, il cache ses talents aux arts martiaux et préfère vivre une existence paisible se résumant à déguster du vin, admirer les antiquités et prendre du bon temps dans les maisons closes. Un jour, il croise la route de Ho, un petit voleur qu’il décide de prendre comme disciple, même si ce dernier n’est guère ravi de cette opportunité.
LE PRINCE ET L’ARNAQUEUR est une pure kung-fu/comédie, une des premières du genre d’ailleurs, qui joue surtout la carte de l’humour dans sa première partie. Durant celle-ci, Gordon Liu, le vétéran de la Shaw rendu célèbre par la trilogie consacrée à LA 36eme CHAMBRE DE SHAOLIN et – aux yeux du grand public – par son rôle dans KILL BILL, ne montre pas ses talents martiaux et adopte une attitude pleine de distinction avec ses ennemis.
C’est le décalage entre les maniérismes du pseudo marchand et la précision des passes martiales, exécutées sans efforts apparents, qui donne le sourire au spectateur. Dommage pourtant que la comédie cantonaise se fasse parfois un peu pénible et ne permette pas aux personnages et situations de se voir développer autant qu’ils l’auraient mérités.
Les chorégraphies, elles, sont brillantes et inventives, en particuliers lors d’une séance qui voit Gordon Liu admirer les antiquités d’un collectionneur tout en entamant un combat, sous le regard un peu benêt de son disciple qui ne comprend pas ce qui se passe. Une naïveté typique du genre qui pourrait toutefois en agacer certain, d’autant que la séquence répète, avec des variantes mineures, une dégustation de vin qui dissimule là aussi une tentative d’assassinat “policé”. Lors d’un des meilleurs passages bâtis sur ce modèle, Gordon Liu utilise une jeune musicienne (Kara Hui) en prétendant qu’elle est une experte en arts martiaux, guidant en réalité chacun de ses gestes alors qu’elle le regarde éberluée et accomplit des prouesses. Kara Hui, pour cette apparition assez brève, se montre franchement douée et pleine de punch. Elle aura plus tard la vedette de LADY KUNG FU et LADY IS THE BOSS, tous deux également signés par Liu Chia-liang.
La seconde partie du métrage adopte, pour sa part, un ton plus sérieux et se conforme assez largement aux scénarios habituels de la Shaw Brothers: le maître se dévoile et prend pour disciple un Ho qui ne semble guère enchanté de cet honneur. Au final, les deux hommes uniront leurs forces et, en dépit de répliques et de situations assez amusantes, LE PRINCE ET L’ARNAQUEUR reprend alors ses marques de kung fu sérieux, déroulant une intrigue classique qui voit le Prince, blessé, révéler ses secrets au petit arnaqueur jusqu’à l’affrontement final contre le général corrompu joué par Lo Lieh.
Même si ce scénario n’est pas foncièrement original et qu’il ménage peu de surprise (pour ne pas dire aucune), LE PRINCE ET L’ARNAQUEUR s’avère distrayant. Bien sûr, l’ensemble paraît souvent inégal, partagé entre quelques séquences franchement grandioses et d’autres qui sentent le remplissage et n’apportent guère à l’intrigue.
Au cours de sa riche et longue carrière, Liu Chia-liang a réalisé une poignée de long-métrages bien supérieurs, dans lesquels l’équilibre entre humour, action, kung-fu virtuose et scénario élaboré se montrait plus efficace. On citera, parmi les plus grandes réussites du maître chorégraphe, outre la fameuse trilogie précitée sur la 36eme CHAMBRE DE SHAOLIN, le fameux SHAOLIN CONTRE NINJA, le trop méconnu COMBAT DES MAÎTRES (Challenge of the Masters) et le bondissant MAD MONKEY KUNG FU, sans oublier un DRUNKEN MASTER 2 à la paternité incertaine. Le titre qui nous occupe se situe, lui, davantage dans la lignée de SHAOLIN MANTIS ou des 18 ARMES LEGENDAIRES DU KUNG-FU, à savoir qu’il paraît un peu inabouti (le scénario est plutôt linéaire, voire même un peu faiblard et la comédie se fait souvent plus lourde). Néanmoins, il comporte une poignée de passages anthologiques qui en rendent la vision indispensable.
Film mineur de Liu-Chia Liang, LE PRINCE ET L’ARNAQUEUR n’en demeure pas moins sympathique et souvent divertissant. On ne s’y ennuie pas et on peut même prendre un certain plaisir à suivre ces nombreuses acrobaties de haute volée.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

Share via
Copy link