Le Sang des Etoiles

Un texte signé Patryck Ficini

France - 1973 - Laurent Agnès

« C’est la nuit. L’heure où je commence à vivre comme un vampire. L’hiver a planté ses clous d’acier dans un ciel dur. Un rayon froid coule jusqu’à moi, s’immobilise sur le granit. Un laser de lune y trace une croix pâle. La tombe est nue. Sans fleurs. Je l’ai voulue ainsi. Pas d’autre inscription que ce nom en lettres d’or, qui résume tout : Sonia. » (p. 7)
Tout est dit en quelques lignes magnifiques qui expriment toute la beauté désespérée du SANG DES ETOILES.
Le romantisme noir n’a que peu à voir avec celui, cliché et à l’eau de rose, dont nombre de jeunes filles vantent les mérites. Oubliés les diners aux chandelles et les promenades au bord de l’eau. Solitude extrême et idées de mort triomphent cette fois. Un invincible sentiment de perte aussi. Comme un parfum d’irrémédiable gâchis.
Agnés Laurent l’a bien saisi avec LE SANG DES ETOILES, qui en est une parfaite illustration de collection populaire. Angoisse, Fleuve Noir, encore et toujours.
LE SANG DES ETOILES décrit les états d’âme dépressifs et le spleen d’un homme dont la femme tant aimée s’est suicidée. Même si elle l’a fait car son amant la délaissait, même si l’homme est presque autant rongé par une jalousie post-mortem que par les regrets et la plus profonde des douleurs.
Une douleur dont il ne se serait sans doute jamais remis s’il n’avait rencontré une femme extrêmement proche de la chère disparue, une nuit, alors qu’il se recueillait sur sa tombe…
A travers cette nouvelle venue, il croit retrouver celle qu’il adorait (amour à sens unique hélas). Mêmes manies, mêmes expressions, et mille petits détails troublants qui font croire, ou peu s’en faut, à la réincarnation.
D’autant que la belle est amnésique depuis un accident de voiture qui a eu lieu à la même date que le suicide !
Ce qui marque dans ce roman, c’est l’impression de romantisme et de dépression extrêmes qui se sont emparés du narrateur, comme si la mort avait magnifié l’amour déjà puissant qu’il vouait à celle qui le méprisait, le trompait, l’humiliait parfois. On peut parler d’une ambiance à la Edgar Poe actualisée pour 1973.
Alors ? fantastique ou pas ? réincarnation ou machination ? Nous n’en dirons rien, nous contentant juste de rappeler que tout était possible dans la collection Angoisse. Même l’impossible ! Certains romans relevaient du fantastique pur, d’autres du fantastique expliqué.
Qui était Agnès Laurent ? Une actrice qui servit de prête-nom à l’immense Frédéric Dard, comme l’affirme presque Alexandre Clement dans son passionnant FREDERIC DARD, SAN—ANTONIO ET LA LITTERATURE D’EPOUVANTE ? Ou une auteure de romans d’amour sous pseudo, qui plus est admiratrice de Dard –thèse du tout aussi intéressant dictionnaire de Claude Mesplède ?
Nous ne trancherons pas ici. Nous en serions bien incapables.
Au fond, cela nous importe fort peu. La demi-douzaine de romans signés Agnès Laurent, et cela nous pouvons l’affirmer, valent bien davantage qu’un simple coup d’œil, pour leurs qualités de style (LE SANG DES ETOILES est incroyablement poétique par moments) comme pour les atmosphères et les portraits psychologiques décrits.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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