Un texte signé Philippe Chouvel

Angleterre - 1958 - Henry Cass
Titres alternatifs : Blood of the Vampire, Der Dämon mit dem Blutigen Hände
Interprètes : Donald Wolfit, Vincent Ball, Barbara Shelley, Victor Maddern, William Devlin

retrospective

Le Sang du Vampire

Transylvanie, 1874. Dans la campagne désolée, tandis qu’au loin sonne le glas, un petit groupe de villageois procède à l’exécution d’un homme coupable de vampirisme. Le bourreau lui enfonce un pieu dans le cœur. Peu après, un homme contrefait déterre le corps et le transporte dans une maison abandonnée. Il se rend ensuite dans une taverne pour y chercher un scientifique corrompu. Contre de l’argent, ce dernier procède à une transplantation cardiaque sur l’individu venant d’être exécuté. La cupidité du chirurgien va lui être fatale : Karl (le serviteur difforme) le tue pour qu’il ne mette pas sa tentative de chantage à exécution.
Toutefois, l’opération a réussi. Six ans plus tard, à Carlstadt, en Croatie, l’ex-défunt, s’appelant désormais Callistratus, est devenu le directeur d’un asile de fous situé dans une lugubre forteresse. Il s’arrange pour faire transférer dans son établissement le docteur John Pierre, accusé d’être responsable de la mort d’un de ses patients. Callistratus a besoin d’être assisté dans ses travaux. Ses recherches portent sur la classification des groupes sanguins. Il se trouve que le savant avait anticipé autrefois son arrestation en absorbant un sérum qui permettrait à son corps de survivre après sa mort. Malheureusement, le produit ingéré a provoqué une infection sanguine contraignant Callistratus à avoir recours à des transfusions régulièrement. Evidemment, le savant se sert des pensionnaires de l’asile afin de renouveler son sang. Mais les cadavres s’accumulent, et Callistratus doit vite trouver un antidote.
BLOOD OF THE VAMPIRE, réalisé en 1958, est sorti peu après le premier Dracula de la firme Hammer, à savoir LE CAUCHEMAR DE DRACULA, de Terence Fisher. Et pourtant le film de Henry Cass ne sort pas des studios Hammer, bien que le scénario soit de Jimmy Sangster. On retrouve derrière BLOOD OF THE VAMPIRE deux producteurs connus dans l’univers du cinéma gothique anglais : Robert S. Baker et Monty Berman. Le duo produira peu après quelques classiques comme L’IMPASSE AUX VIOLENCES, de John Gilling, et mettra en scène un JACK L’EVENTREUR de fort bonne facture.
Tourné selon le procédé Eastmancolor (lancé par Kodak dans les années 1950), BLOOD OF THE VAMPIRE dégage, de par ses couleurs rouges et vertes, une ambiance cruelle et inquiétante. Son introduction plonge immédiatement le spectateur dans le folklore vampirique, avant de bifurquer dans une autre direction, où apparaît le véritable héros de l’histoire, le docteur John Pierre. Le cœur du récit se situe donc dans le sinistre asile de fous dirigé d’une main tyrannique par le terrifiant Callistratus, magistralement interprété par Donald Wolfit (LES MAINS D’ORLAC, LAWRENCE D’ARABIE). Un décor qui ressemble presque à une vision de l’enfer, avec des gardiens sadiques, des molosses sanguinaires aux colliers sertis de pointes, et des prisonniers suppliciés et destinés à servir de cobayes dans le laboratoire secret du maître des lieux. Les cellules suintent la crasse, la folie et la mort respirent à chaque coin de mur, et Callistratus, avec ses yeux perçants, son nez de rapace et ses sourcils épais, ressemble à un prédateur implacable. Emporté dans une course contre la montre risquant à tout moment de lui être fatale, il empile les victimes sans compter. Cette obsession du succès, de la réussite scientifique à tout prix, font de Callistratus un personnage qui pourrait être la synthèse de Dracula et Frankenstein. Il absorbe le sang de ses victimes, non pas en les mordant, mais en effectuant des transfusions sanguines. Cette approche du vampirisme n’est plus surnaturelle, mais scientifique. En cela, Henry Cass fait évoluer le mythe vers un contexte politique et social, aidé en cela par le côté étude sociale à la Charles Dickens qui se dégage de l’œuvre.
Dans cet univers glauque et étouffant, le rayon de soleil apparaît en la personne de la fiancée de John Pierre, Madeleine Duval, incarné par Barbara Shelley, qui enchaînera par la suite les classiques du genre, comme par exemple LE VILLAGE DES DAMNES, LA GORGONE, et aussi DRACULA PRINCE DES TENEBRES.
La partition musicale a été composée par le talentueux Stanley Black, qui, après une formation classique, et une carrière dans le jazz, se mit à composer des musiques de films, parmi lesquelles celle de L’IMPASSE AUX VIOLENCES, ou encore THE CITY UNDER THE SEA, de Jacques Tourneur. Ses envolées lyriques dynamisent un peu plus un rythme déjà très élevé, qui fait de BLOOD OF THE VAMPIRE une réussite incontestable du cinéma gothique britannique, et n’a d’ailleurs rien à envier aux œuvres majeures de la firme Hammer.


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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