Le signe du païen

Un texte signé Patrick Barras

Au Ve siècle après Jesus Christ, à force de conquêtes, d’intrigues et d’alliances sournoises, Attila ( « Fléau de Dieu », rappelons-le – Celui dont on disait que l’herbe ne repoussait plus après le passage de son cheval ; si si…) est en passe de mettre à bas un empire Romain déjà éclaté et tiraillé entre Rome et Constantinople. Mais c’est sans compter sur un christianisme qui fortifie sans cesse son assise et sa domination sur ledit empire.

Avec LE SIGNE DU PAÏEN, Douglas Sirk délaisse momentanément les mélodrames talentueux qui ont fait sa réputation et assis sa notoriété auprès des cinéphiles, pour le péplum. Mais son film, en se refusant à accumuler et mettre en scène les archétypes propres au genre, pourra probablement laisser plus d’un amateur de péplums en proie à une certaine déception.

La figure d’Attila est forcément à même de réveiller chez le spectateur des images de chevauchées époustouflantes, de grandes batailles acharnées, de pillages et de destruction sans retenue ni pitié. Tout ce dont notre imaginaire a pu être nourri à grand renfort de légendes historiques et d’imagerie populaire. De tout cela, Douglas Sirk ne fera pas étalage, car ce n’est pas son problème, ni son propos. Le film prend rapidement une orientation plus psychologique qu’épique, et ce malgré un début propre à nous mettre en appétit et à nous conforter de manière trompeuse dans nos habitudes visuelles. Prédilection pour cette orientation renforcée par une échelle des plans souvent réduite à des valeurs de cadre relativement resserrées, quand bien même Sirk tourne en cinémascope.

Tout tournera donc autour de la confrontation entre Marcien (Jeff Chandler), centurion Romain d’une grande intégrité et d’une rectitude morale à toute épreuve ; et Attila (Jack Palance), d’ailleurs séduit au départ par cette même intégrité. Confrontation qui se déplace irrémédiablement au long du métrage sur le terrain de la politique, de la morale et de la foi religieuse. Mais c’est peut être là que l’on pourra trouver l’intérêt du film. Dans l’affrontement de deux êtres monolithiques où le premier finit par ébranler et fragiliser les fondements du second. Un Marcien droit dans ses bottes qui parvient à insuffler le doute et la crainte à Attila dont il commence par retourner la propre fille Kubra (Rita Gam) en la poussant à se convertir au christianisme. Conversion qu’Attila finira par lui faire payer de sa vie, achevant ainsi de le fragiliser et de le faire se sentir la proie du fatum. Destin fatal qui lui est par ailleurs révélé lors d’une des scènes à l’aura biblique les mieux maîtrisées du film, illustrant sa rencontre avec le pape Léon 1er dans un décor des plus épurés, où la lumière constitue déjà une prémisse du présage funeste qui va lui être livré brutalement.

C’est par conséquent la mise à mal de la figure immuable du redoutable barbare héritée de notre culture populaire, transformée progressivement en un être tourmenté face à un destin sur lequel il n’a plus aucune prise, qui constitue bien l’aspect le plus intéressant du SIGNE DU PAÏEN. Ce qui permet également à Jack Palance de livrer ici une prestation des plus captivantes, oscillant constamment entre cruauté et crainte, conviction et doutes. Une prestation qui fait pour le coup passer le personnage de Marcien pour bien fade et qui le relègue rapidement au second plan.

En ce qui concerne les séquences d’action elle seront rapidement expédiées, à l’image de celle qui illustre une bataille et une mise à sac manquant terriblement de souffle et d’ampleur, ne serait-ce que par des choix de cadres bien trop serrés et une mise en scène pour le moins mollassonne. On est bien loin des vastes plans d’ensemble, des mouvements de grue et des effets de montage qui agrémentent tant de péplums. Manque de moyens, d’implication de Sirk ou de savoir faire ? Peut être un peu des trois…

Reste enfin la question épineuse de la véracité en terme d’Histoire. Est-il encore utile de disserter sur les rapports entre vérité historique et cinéma Hollywoodien, jusqu’à des exemples récents comme GLADIATOR ?… Combien de spectateurs curieux et férus d’Histoire se sont effondrés en apprenant que l’empereur Commode n’était pas mort à se chicorer avec un gladiateur pue-la-sueur dans une arène ? Mais bon, vérité historique et intensité dramatique font rarement bon ménage en termes cinématographiques. LE SIGNE DU PAÏEN ne déroge bien entendu pas à la règle : Il y a forcément à boire et à manger. Mais est-ce bien important en définitive ?…

Le film reste un assez bon spectacle, quand bien même il évacue en grande partie le spectaculaire.


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- Article rédigé par : Patrick Barras

- Ses films préférés : Il était une fois en Amérique, Apocalypse now, Affreux, sales et méchants, Suspiria, Massacre à la tronçonneuse

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