Le singe tueur

Un texte signé Nassim Ben Allal

Etats-Unis - 1940 - William Nigh
Interprètes : Boris Karloff, Maris Wrixon, Gene O’Donnell, Henry Hall

Comédien avant la première guerre mondiale puis réalisateur prolifique jusqu’à la fin de la seconde, William Nigh est un metteur en scène en fin de carrière lorsqu’il se retrouve sur le plateau de THE APE (le titre en V.O), film adapté d’une pièce d’Adam Shirk. Nigh retrouve pour l’occasion le grand Boris Karloff avec lequel il a déjà collaboré un certain nombre de fois.
Alors que le docteur Bernard Adrian, mystérieux médecin que certains soupçonnent de ne pas être très regardant quant au serment d’Hippocrate, essaye désespérément de faire remarcher une jeune fille paralysée, un cirque s’installe dans son village. Très vite, un gigantesque gorille tueur s’échappe de la ménagerie et s’en va semer la terreur dans les environs. Et si le médecin, dont les besoins en liquide cérébro-spinal se font de plus en plus pressants pour élaborer son remède, profitait de l’occasion pour maquiller ses propres crimes dans le but de récolter le précieux fluide ?
Evidemment, plus de soixante-dix ans après sa réalisation, LE SINGE TUEUR a énormément vieilli, mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Série B de son époque, elle souffrait de scories (budget riquiqui impliquant le recours à de nombreux stock-shots mal intégrés lors des scènes d’action, les mêmes plans de la bête revenant à intervalles réguliers, peu de décors différents) qui aujourd’hui lui donne un charme certain. Si le spectateur de l’époque était peut-être crédule au point de considérer le gorille comme un vrai, impossible à l’heure actuelle tant l’aspect du costume paraît grotesque. Qu’importe, ce n’est pas la vraisemblance qui est recherchée, mais le plaisir de visionner une œuvre désuète tout entièrement dévouée au spectateur. Il faut voir Boris Karloff se démener (et parvenir, il faut le dire) pour insuffler un peu de véracité à des éléments totalement fantaisistes, aidé il est vrai par une réalisation au cordeau et un montage relativement elliptique qui procurent au film une efficacité narrative pourtant absente du scénario (co-signé par Curt Siodmak qui a écrit de nombreux autres films faisant appel à des créatures simiesques). En effet, adapté d’une pièce de théâtre, celui-ci reste beaucoup trop figé, coincé entre l’unité de décor et les contraintes budgétaires. Si sa volonté très premier degrés peut augurer de certains rires narquois (le gorille grognant face caméra), William Nigh n’oublie pas de recourir à un humour bienvenu, efficace et pince sans rire qui saupoudre le film d’une aura moderne. Malgré sa durée réduite, une heure tout au plus, LE SINGE TUEUR paraît parfois longuet, tant les personnages donnent l’impression de patauger au sein d’un scénario trop simple, pour ne pas dire simpliste. Un bon réalisateur et de solides comédiens parviennent rarement à transformer un scénario banal et creux en un chef d’œuvre intemporel, mais il s’avère que dans le cas présent, grâce au jeu fiévreux et habité de Boris Karloff, à l’efficacité des seconds rôles et à la maîtrise technique de William Nigh, une vieille série B quelconque peu passer de simple film périmé à une bande savoureuse pour soirée archéologique.


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- Article rédigé par : Nassim Ben Allal

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