Le Vampire de Belgrade

Un texte signé Patryck Ficini

Les vrais mecs, c’est bien connu, écoutent JOHNNY, du gangsta-rap ou du metal (selon l’âge), se tripotent sur des gonzos bien poisseux de MANU FERRARA quand ils ne zieutent pas, quasi aussi excités, des STEVEN SEAGAL ou des VAN DAMME.
En matière de littérature, super-macho se défoule avec la bonne vieille littérature de gare, tendance « GERARD DE VILLIERS présente », polar porno (BRIGADE MONDAINE, POLICE DES MOEURS, SAS) ou violence virile (L’EXECUTEUR, LE MERCENAIRE, LE SURVIVANT). De l’humour et du délire aussi, parfois : L’IMPLACABLE (REMO SANS ARME ET DANGEREUX, au cinéma) et JAG (où s’illustra notamment BRUSSOLO !). Le style GDV, qu’il s’agisse de traductions/adaptations américaines ou d’inédits franchouillards, c’est 200 pages d’ultra-violence, de gore sadique et de scènes de sexe frénétiques. Ca se lit en 2-3 heures (le temps d ‘un petit voyage en train !), ça ne trompe jamais sur la marchandise (on sait ce qu’on achète, on sait ce qu’on lit) et c’est parfois moins crétin et bien meilleur que les cultureux l’imaginent. Ces séries politiquement incorrectes eurent leur heure de gloire dans les années 70-80 (où l’ancien Fleuve Noir était aussi de la partie – MARK HARDIN THE PENETRATOR !) : elles poussaient alors comme des champignons. Des pointures comme MICHEL HONAKER (les premiers COMMANDEUR, avant que MEDIA 1000 ne se consacre exclusivement au X), RICHARD D. NOLANE et MICHEL PAGEL (APOCALYPSE, sous-SURVIVANT hyper gore), JOEL HOUSSIN (l’inénarrable SCUM) ou ANDRE CAROFF (LE CORSE, KNACK) s’y illustraient. L’équivalent cinoche de ces séries bourrines, c’est BRONSON ou EASTWOOD, qui jouaient les DIRTY HARRY ou les PAUL KERSEY à la même période. On peut aussi, c’est vrai, penser aux films avec CHUCK NORRIS ou ROBERT GINTY (Ah ! EXTERMINATOR !)… Le JUSTICIER DANS LA VILLE comme LE PUNISHER sont d’ailleurs les fils plus côtés de L’EXECUTEUR, où BOLAN dessoude du mafieux à longueur de romans (et il y en a des centaines, avec les français non signés par GERARD CAMBRI). D’ailleurs, avant de sombrer dans l’ultra-monotonie, les bouquins de DON PENDLETON étaient vraiment pas mal foutus.
Aujourd’hui, les temps ont changé, les séries phares demeurent, SAS en tête, mais peu de nouveautés à se mettre sous la dent. Alors quand on voit débarquer LE VAMPIRE DE BELGRADE, c’est la fête pour l’amateur de « gare » brut de décoffrage et bourré de testostérone. L’oeuvrette est vraisemblablement écrite (en quelques jours on l’imagine) par le réputé JEAN-LUC BIZIEN, puisque la série reprend le personnage de soldat/assassin de son CLUB VAN HELSING, MASTICATION (avec le fameux chapitre 15, culte, de deux phrases ( !), où notre anti-héros se fait sodomiser par un loup-garou !). D’ailleurs, sous leur aspect trop luxueux, les CVH, c’était aussi du roman de gare.
LE VAMPIRE DE BELGRADE se lit comme on écoute du MOTORHEAD (le groupe est abondamment cité !). C’est rapide, brutal, lourdingue (les jeux de mots au ras des pâquerettes abondent !), volontiers homophobe et à lire au second degré tant l’humour est HENAURME ! Pour reprendre le néologisme de GABRIEL VERALDI, auteur d’un excellent Que sais-je sur LE ROMAN D’ESPIONNAGE, on est en pleine nécrographie. Le but est de détailler un maximum de morts violentes. C’est la guerre civile (un peu comme dans DAMPYR 1), personne n’est épargné, les humains sont des ordures, les vampires encore pire (!). La fin est même démentielle de sauvagerie gore, quasi howardienne dans l’intention : «Nos mains dessinent une funeste chorégraphie dans le vide, avant de découper les chairs, de plonger dans des torses, de décalotter les crânes, d’égorger, de scalper, de sectionner des membres. Autour de nous, sur nous, à nos pieds… le sang coule à flots. Des geysers pourpres giclent vers le ciel, les assaillants tombent les uns sur les autres (…) Le sang macule nos manteaux, englue le toit de la bâtisse. Nous baignons dedans, nous dérapons à sa surface… » (p. 232) Ouf ! On est à la limite du génie !
Bref, LE VAMPIRE DE BELGRADE, c’est cool, c’est rigolo, c’est vulgaire – même si ça manque un peu de sexe. C’est du « gare » comme on aime (et rien de plus, O.K), de l’anti-TWILIGHT à lire entre deux matchs de foot, et on souhaite longue vie à VUK KOVASEVIC… et des dizaines de volumes, à raison de 5-6 par an comme la tradition l’exige ! La littérature de gare, c’est pas pour les fainéants même si ça s’écrit très vite !
Pour ceux qui veulent explorer le genre, on ne peut que conseiller la lecture du passionnant site donné en lien.
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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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