Le Virginien – Saison 2 – volume 2

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

« Monument de la télé américaine » (dixit la citation du Monde sur la jaquette), LE VIRGINIEN reste, en effet, une série assez monumentale, ne serait-ce que par son exceptionnelle longévité. Elle compte ainsi neuf saisons, diffusées entre septembre 1962 et mars 1971 et adapte un roman de 1902, « le Virginien », signé Owen Wister déjà porté à l’écran à quatre reprises (la plus « récente » étant titrée LE TRAITRE DU FAR WEST avec Joel McCrea dans le rôle principal). En tout 249 (!) épisodes d’une durée de 75 minutes qui constituent autant de (télé)films westerns souvent plaisants servis par une interprétation. La saga conte les aventures du Virginien (campé par James Drury qui avait déjà joué le personnage en 1958 dans un épisode pilote baptisé « Decision ») et ses amis dans le ranch de Shiloh. La saison 9 se vit d’ailleurs rebaptisée THE MEN FROM SHILOH et le ton s’inspira du western spaghetti alors populaire, au point de remplacer le pourtant fantastique thème musical par un nouveau morceau signé d’Ennio Morricone. Une série spin-off, LAREDO, fut également lancée en 1965 : les personnages, introduit à la fin de la saison 3 du VIRGINIEN, connurent ensuite leur propres aventures durant 56 épisodes.

Ce coffret dvd rassemble dix épisodes, soit le cœur de la saison 2 du VIRGINIEN (qui en compte 30) diffusés durant l’hiver 1963 / 1964. La mise en scène, les décors et l’interprétation sont, pour l’époque (et même aujourd’hui) de haute volée et s’élèvent au niveau des standards du western cinématographique de série B de la même époque.

Jamais diffusé dans nos contrée, « Fatal Journey » débute ce coffret de manière dramatique puisque Molly Wood, la petite amie journaliste du Virginien est abattue par quatre criminels. Se faisant passer pour un évadé de prison, notre héros rejoint la bande afin de se venger et apprend qu’ils s’apprêtent à attaquer un train en causant des dizaines de morts. Doit-il faire passer sa vengeance personnelle au-dessus du bien commun, telle est la question. Ce très bon épisode fonctionne comme un western classique et bien rythmé sur le thème de la vengeance et permet, plus prosaïquement, de se débarrasser du personnage devenu encombrant de Molly Wood, l’actrice (Pippa Scott) ayant quitté la série. Le tout fonctionne de belle manière, propose quelques bons moments de suspense (un homme suspecté d’être un marshal agissant incognito est attiré dans un piège tandis que le Virginien est sommé de l’abattre pour prouver sa loyauté) jusqu’au duel final dans les montagnes. Un excellent début pour ce « tiers de saison ».

L’épisode suivant délaisse le personnage titre pour se centrer sur le juge Garth (Lee J. Cobb) qui nous invite à une plongée nostalgique dans « A time remembered ». L’arrivée d’une ancienne amie de Garth, la chanteuse d’opéra Elena (Yvonne De Carlo) ravive les sentiments du magistrat vieillissant. Peu après, la vedette est contrainte d’abattre un admirateur trop entreprenant. Si elle jure ne pas le connaître, il apparaît rapidement qu’il s’agit de son époux. Se souvenant de son passé d’avocat, Garth assure sa défense. Quoique situé au Far West, voici un bon récit policier « procédural » sur le modèle des classiques intrigues de plaidoiries avec retournements de situation, témoins de dernière minute et les inévitables « objection votre honneur ! » qui rythment la progression de l’histoire. Très agréable.

« Siege » se centre sur Trampas, campé par Doug McClure. Le jeune homme gagne une forte somme au poker, ce qui l’amène à retourner dans sa ville natale pour régler ses dettes de jeu et retrouver son amour de jeunesse. Mais cette dernière a épouse le shérif tandis que les notables ont pactisé avec les Commancheros qu’ils laissent exercer leurs activités illicites en échange de leur tranquillité. Après le meurtre de deux fermiers, Trampas refuse de jouer le jeu plus longtemps et arrête les coupables. Les Commancheros promettent de se venger. Manifestement inspiré par les classiques du western urbain (en particulier LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS), l’épisode se centre sur les protagonistes et expose leurs différents travers jusqu’au siège annoncé de la ville par les bandits et la fusillade qui s’en suit. Du tout bon.

Continuant l’intrigue précédente, Trampas décide d’investir l’argent gagné au poker pour s’acheter un ranch avec son oncle. Malheureusement, dans la tradition de l’Ouest, le vieil homme est abattu et dévalisé par des pilleurs de banque qui se réfugient ensuite en territoire Apache. Trampas se lance à leurs trousses. Sans grande surprise mais bien mené, ce « Man of violence » joue avec les codes du western et n’évite pas les clichés (y compris l’attaque des Indiens) mais se regarde, comme toujours, avec plaisir. Les fans de « Star Trek » auront d’ailleurs plaisir à y découvrir, quelques années avant leurs aventures spatiales, Leonard Nimoy en bandit et DeForrest Kelly en…médecin.

Dans « The Invaders », Mike Tyrone un ancien ami / rival du juge Garth achète un ranch non loin de Shiloh et adopte une attitude dictatoriale afin de pousser les fermiers locaux à vendre leurs terres. Lorsque Trampas tombe amoureux de la fille de Tyrone la situation s’envenime et l’affrontement parait inévitable. Un épisode plus porté sur le drame teinté de romance avec quelques passages efficaces mais aussi d’indéniables faiblesses, en particuliers la résolution de l’intrigue, expédiée en (littéralement) deux minutes après une bonne heure de progression efficace. Moyen.

Steve Hill (joué par Gary Clarke, découvert en jeune loup-garou dans le kitsch HOW TO MAKE A MONSTER) est le héros de « Roar from the mountain » inspiré par le survival. Le cow-boy traque dans les collines un cougar mangeur d’hommes et aboutit dans la maison d’un couple en crise. En effet, l’épouse ne pardonne pas à son mari, Charles, de s’être enfuit lors d’une attaque du féroce félin, ce-dernier ayant ensuite tué leur enfant. La jeune femme tombe amoureuse de Steve tandis que Charles souhaite se racheter en traquant le cougar. Cet épisode, prévisible et peu passionnant, démontre toutefois une relative originalité en se plaçant en précurseur (grand public) des futurs long-métrages consacrés aux « agressions animales ». Si la bête ne semble pas très méchante et les nombreux stock-shots problématiques, les paysages aident à regarder sans ennui cet épisode moyen mais qui semble avoir marqué durablement les fans (« ah oui, c’est celui avec le cougar »).

Bien pire se révèle « The Fortunes of J. Jimerson Jones » dans lequel un prospecteur découragé (Pat O’Brien) devient subitement millionnaire suite à la découverte d’un énorme filon. Le bonhomme part pour la grande ville, s’initie à la vie des hommes riches (il commande une seule huître qu’il peine à avaler puis s’offre une douzaine de homards – gag !) et tombe dans les bras d’une intrigante désireuse de l’épouser pour son pognon. Au final, il découvre que l’argent ne fait pas le bonheur et se console auprès d’une gentille femme de chambre. Bref, un épisode piteux, à l’humour lourdingue et à la morale pachydermique, tourné quasiment entièrement dans les décors d’un hôtel. Le gros ratage de cette salve Virginienne.

« The Thirty days of Gavin Heath » remonte le niveau mais souffre d’un scénario prévisible et d’une morale sans légèreté : un ancien militaire accusé de lâcheté, Gavin Heath (campé par Leo Genn), est mordu par un chien enragé. Apprenant qu’il lui reste un mois à vivre, l’homme décide de se racheter. La fine équipe de Shiloh apparait peu dans cet épisode mais, lors du final attendu, Gavin sauve cependant Trampas retenu en otage par les Indiens et regagne, in extremis, son honneur perdu. Rien de bien original ni de passionnant mais une intrigue qui se suit néanmoins sans déplaisir.

Plus intéressant, « The Drifter » est un épisode flash-back situé sept ans avant le début de la série. Le Virginien débarque et travaille pour un ranch rival de Shiloh mais la situation s’envenime rapidement entre les deux clans en présence. Romance malheureuse, action allant crescendo jusque la résolution par l’inévitable violence des conflits et interprétation solide en font un épisode de référence, ne serait-ce que pour mieux connaitre le background du héros.

Le dernier épisode de cette salve, « First to thine own self », se suit sans déplaisir mais s’avère une relative déception de par son caractère linéaire et prévisible. Un jeune homme, témoin d’un crime, est pris pour l’assassin et traqué par les hommes de Shiloh quoique le Virginien doute de sa culpabilité. Ayant peu de matière à disposition, le réalisateur place trois morceaux chantés par le jeune cow-boy (joué par Randy Boone) qui s’accompagne à la guitare. Le sympathique personnage gagne, au final, le droit de s’installer à Shiloh (il y restera jusque la fin de la saison 4).

Au final, ces dix épisodes s’avèrent globalement de bonne tenue. Excepté le désastreux « The Fortunes of J. Jimerson Jones » que l’ont peu zapper sans remords, tous sont d’un bon niveau et quelques-uns, comme « Fatal Journey » et « Siege » sont de grandes réussites qui sauront plaire à tous les fans de westerns.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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