L’emprise des ténèbres

Un texte signé Philippe Delvaux

Etats-Unis - 1988 - Wes Craven
Titres alternatifs : The serpent and the rainbow
Interprètes : Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings

Mandaté par une compagnie pharmaceutique qui espère en tirer de juteuses applications médicales, l’anthropologue Alan Denis part à Haïti à la recherche du secret des zombis. Il y rencontre la jolie doctoresse Marielle qui l’aide à trouver Christophe, un ancien opposant décédé il y a quinze ans, mais qui erre encore dans la région sous forme de zombi. Cependant, ses recherches attirent l’attention de Peytraud, le chef des tontons Macoute – la très crainte milice du dictateur Duvalier -. Peytraud fait régner la terreur par la force mais aussi par ses pouvoirs de magie noire et il n’entend pas laisser filer ses secrets hors de l’île.
L’emprise des ténèbres a été tourné dans l’Haïti de l’après Duvalier. Les cicatrices du régime sont encore fraiches et Wes Craven s’attarde longuement à en dépeindre les méfaits. Le commentaire politique est ici explicite, ce qui n’est finalement pas si courant dans le cinéma horrifique.
L’emprises des ténèbres est un film intéressant dans la longue carrière de Wes Craven. A l’époque de sa réalisation, Wes est un auteur reconnu dans le genre, auquel il a livré d’indéniables joyaux (La dernière maison sur la gauche, La colline a des yeux, Les griffes de la nuit). Enfermé dans le statut de réalisateur de films d’horreur, il aura tenté de s’en échapper en 1999 avec La musique de mon cœur. Auparavant, il aura cependant tenté diverses approches du film de genre (Deadly blessing, La créature des marais, La colline a des yeux II, plusieurs épisodes de la Quatrième dimension…). Avec L’emprise des ténèbres, il insuffle des préoccupations documentaires, voire politique. Après tout, La dernière maison sur la gauche devait une part de son succès à son côté vériste. Avec L’emprise des ténèbres, il entend donc livrer un film qui éviterait le grand guignol pour se concentrer tant que faire se peut sur l’authenticité des cérémonies vaudous. Mais les studios ne l’entendront pas de la même oreilles et Wes Craven se verra obliger de corser la fin du métrage pour un final clairement fantaisiste en net décalage avec la tendance réaliste suivie jusque-là. La rupture tonale est un peu artificielle, la dernière confrontation semblant convoquer un barnum carnavalesque qui ne déparerait pas dans quelques bobines fantastiques asiatiques de l’époque.
En filigrane, L’emprise des ténèbres déploie une allégorie religieuse assez marquée : A la recherche du zombi Christophe (Christ-ophe) et, par-delà, du secret de la résurrection, qu’il entend apporter au reste du monde, un Alan-Jésus est protégé par sa Marie(lle) mais connaitra crucifixion (le clou dans les parties génitales), mort et résurrection. Les allusions abondent, de la poudre de zombi dont la préparation dure trois jours (le temps nécessaire à la sortie du tombeau du Christ) à cette scène flagrante où, jeté d’un camion, Alan est recueilli nu en pagne par Marielle, dans la position du gisant. Dans cette lecture christique, le serpent régulièrement vu renvoie alors au mal.
Mais ce serpent est aussi le symbole de la terre dans le titre original (The serpent and the rainbow). Le film brode sa fiction à partir d’un livre homonyme qui relate l’enquête de son auteur, Wade Davis, pour percer le secret de la poudre à zombi.
Sans qu’on pointe un élément particulier, L’emprise des ténèbres évoque globalement certains films de l’époque, au premier rang desquels Indiana Jones et le temple maudit (ou la kyrielle de film d’aventuriers exotiques dans des œuvres épigones). Mais plus référentiellement au genre horrifique, L’emprise des ténèbres offre une synthèse entre le zombi à la Fulci, spécialement celui de l’Enfer des zombi (on voit bien les cadavres putrescents rongés de vers), et les films de Vaudou. Enfin, avec son emprise sur l’esprit de ses victimes, le prêtre vaudou renvoie évidement au titre de gloire de Craven, Les griffes de la nuit.
Au final, L’emprise des ténèbres, en dépit de quelques scories finalement assez mineures, est un must see pour les amateurs d’horreurs eighties en général et de Wes Craven en particulier.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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